26 H i s t o i r e Na t u r e l l e .
que cette graine contient non feulement tous les petits
ctres organifez qui doivent conftituer un jour l’individu,
mais encore toutes les graines, tous les individus, & toutes
les graines des graines, & toute la fiiite d’individus jufqu’à
la deftruclion de l ’efpèce.
C ’eft ici la principale difficulté & le point que nous
allons examiner avec le plus d’attention. Il eft certain que
la graine produit par le feul développement du germe
qu’elle contient, un petit arbre la première année, &
que ce petit arbre étoit en raccourci dans ce germe ;
mais il n’efl pas également certain que le bouton qui
eft le germe pour la fécondé année, &. que les germes
des années fuivantes, non plus que tous les petits êtres
organifez & les graines qui doivent fe fuccéder jufqu’à
la fin du monde ou jufqu’à la deftruétion de l’elpèce,
foient tous contenus dans la première graine, cette opinion
fiippofe un progrès à l ’infini, & fait de chaque individu
actuellement exiftant, une fource de générations
à l’infini. La première graine contenoit toutes les plantes
de fon elpèce qui fe font déjà multipliées, & qui doivent
fe multiplier à jamais; le premier homme contenoit
actuellement & individuellement tous les hommes qui ont
paru & qui paraîtront fur la terre, chaque graine, chaque
animal peut auffi fe multiplier & produire à l ’infini, & par
conféquent contient, auffi-bien que la première graine ou
le premier animal, une poftérité infinie. Pour peu que
nous nous laiffions aller à ces railonnemens, nous allons
perdue le fil de la vérité dans le labyrinthe de l’infini,
& au lieu d’éclaircir & de séf©;iijdre la queftion , nous
n’aurons fait que l ’envelopper & l ’éloigner; c’eft mettre
l ’objet hors de la portée de fes yeu x , & dire enfuite qu’il
n’éft pas poiïîble dé le voir.
Arrêtons-nous un peu fur ces idées de progrès & de
développement à l’infini, d ’où nous viennent-elles! que
nous repréfentent-elles! l’idée de l’infini ne peut venir que
de l ’idée du fini, c ’eft ici un infini de fticceffion, un infini
géométrique, chaque individu eft une unité, plufieurs individus
font un nombre fini, & l ’efpèce eft le nombre
infini ; ainfi de la même façon que l ’on peut démontrer
que l’infini géométrique n’exifte point, on s’afturera que
le progrès ou le développement à l’infini n’exifte point non
plus; que ce n’eft qu’une idée d’abftraéîion, un retran-x
chement à l ’idée du fini, auquel on ôte les limites qui
doivent nécefliirement terminer toute grandeur *, & que
par conféquent on doit rejeter de la Philofophie toute
opinion qui conduit néceffairement à l ’idée d e l’exiftence
aétuelle de .l’infini géométrique ou arithmétique.
II faut donc que les partifans de cette opinion fe rédui-
fent à dire que leur infini de fucceffion & de multiplication
n’eft en effet qu’un nombre indéterminable ou indéfini,
un nombre plus grand qu’aucun nombre dont nous puif-
fions avoir une idée, mais qui n’eft point infini, & cela
étant entendu, il faut qu’ils nous difent que la première
graine ou une graine quelconque, d’un orme, par exemple,
On peut voir la De'monftration que j’en ai donnée dans la préface
de la tradudtion dés fluxions de Newton , pag. y & fuiv.D
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