68 H i s t o i r e Na t u r e l l e .
qu’à une femme, & qu’une femme reffemble plus a une
femme qu’à un homme pour l ’habitude totale du corps,
mais pour les traits & pour les habitudes particulières, les
enfans reffemblent tantôt au père, tantôt à la mère, quelquefois
même ils reffemblent à tous deux; ils auront, par
exemple, les yeux du père & la bouche de la mère, ou le
teint de la mère & la taille du père, ce qu il eft impoffible
de concevoir, à moins d’admettre que les deux parens
ont contribué à la formation du corps de l’enfant, & que
par coniéquent il y a eu un mélange des deux liqueurs
féminales.
J ’avoue que je me fuis fait à moi-même beaucoup de
difficultés fur les reffemblances, & qu’avant que j euffe
examiné mûrement la queftion de la génération, je m étois
prévenu de certaines idées d’un fyftème mixte, où j’em-
ployois les vers Ipermatiques & les oeufs des femelles ,
comme premières parties organiques qui formoiènt le point
vivant, auquel par des forces d’attraôlions je fuppofois,
comme Harvey, que les autres parties venoient fe joindre
dans un ordre lÿmmétrique & relatif, & comme dans ce
fyftème il me fembloit que je pouvois expliquer d’une
manière vrai-femblable tous les phénomènes, à l ’excep-
tion des reffemblances, je cherchois des raifons pour les
combattre & pour en douter, & j ’en avois même trouvé
de très-lpécieufes, & qui m’ont fait illufion long-temps,
jufqu’à ce qu’ayant pris la peine d’obferver moi-même,
& avec toute l’exaétitude dont je fuis capable, un grand
nombre de familles, & fur-tout les plus nombreufes, je n’ai
pû réfifterà la multiplicité des preuves, & ce n’eft qu’après
m’être pleinement convaincu à cet égard que j ’ai commencé
à penfer différemment & a tourner mes vues du
côté que je viens de les préfenter.
D ’ailleurs, quoique j’euffe trouvé des moyens pour
échapper aux argumens qu’on m’auroit faits au fujet des
mulâtres, des métis & des mulets que je croyois devoir
regarder* les uns comme des variétés fuperficielles, & les
autres comme des monftruofités, je ne pouvois m’empêcher
de fentir que toute explication où l’on ne peut
rendre raifon de ces phénomènes, ne pouvoit être fatis-
faifànte; je crois n’avoir pas befoin d’avertir combien
.cette reffemblanee aux parens, ce mélange de parties de
la même efpèce dans les métis, ou de deux efpèces différentes
dans les mulets, confirment mon explication.
*Je vais maintenant en tirer quelques conféquences.
Dans la jeuneffe la liqueur féminale eft moins abondante,
quoique plus provocante, fa quantité augmente jufqu’à
un certain âge, & cela parce qu’à mefure qu’on avance
en âge les parties du corps deviennent plus folides, admettent
moins de nourriture, en renvoient par conféquent
une plus grande quantité, ce qui produit une plus grande
abondance de liqueur féminale ; auffi lorfque les organes
extérieurs ne font pas ufez, les perfonnes du moyen âge,
& même les vieillards, engendrent plus aifément que les
jeunes gens, ceci eft évident dans le genre végétal, plus
,un arbre eft â g é , plus il produit de fruit ou de graine,
par la même raifon que nous venons d’expofer.
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