plus de volume que celui d’un homme, on pourrait donc
charger un cheval de douze à quatorze milliers, ce qui eft
un poids énorme en comparaifon des fardeaux que nous
fajfons porter à cet animal, même en diftribuant le poids
du fardeau auffi avantagetifement qu’il nous eft poftible.
On peut encore juger de la force par la continuité de
l ’exercice & par.la légèreté des mouvemens; les hommes
qui font exercez à la courfe, devancent les chevaux, ou
du moins foûtiennent ce mouvement bien plus long-temps ;
& même dans un exercice plus modéré un homme ac-
coûtumé à marcher fera chaque jour plus de chemin qu’un
cheval, & s’il ne fait que le même chemin, lorfqu’il aura
marché autant de jours qu’il fera néceflaire pour que le
cheval foit rendu, l ’homme fora encore en état de conti*
nuer là route fans en être incommodé. Les Chaters d’If-
pahan, qui font des coureurs de profefTion, font trente-
fix lieues en quatorze ou quinze heures. Les voyageurs
affurent que les Hottentots devancent les lions àla courfe,
que les Sauvages qui vont à la chaflë de l ’Orignal, pour-
fuivent ces animaux qui fontauiïi légers que des cerfs,avec
tant de vîtefie qu’ils les laffent & les attrapent : on raconte
mille autres chofes prodigieufes de la légèreté des Sauvages
à la courfe, & des longs voyages qu’ils entreprennent &
qu’ils achèvent à pied dans les montagnes les plus efcar-
pées, dans les pays les.plus difficiles, où il n’y a aucun
chemin battu, aucun fonder tracé; ces hommes font, dit-
on , des voyages de mille & douze cens lieues en moins
de fix femaines ou deux mois. Y a-t-il aucun animal, à
l’exception
l ’exception des oifeaux qui ont en effet les mufcles plus
forts à proportion que tous les autres animaux , y a - 1 - il,
dis-je, aucun animal qui pût foûtenir cette longue fatigue .’
l ’homme civilifé ne connoît pas fes forces, il ne fçait pas
combien il en perd par la moileffe, & combien il pourrait
en acquérir par l ’habitude d’un fort exercice.
Il fe trouve cependant quelquefois parmi nous des hommes
d’une force * extraordinaire, mais ce don de la Nature,
qui leur ferait précieux s’ils étoient dans le cas de l’employer
pour leur défenfe ou pour des travaux utiles, eft
un très-petit avantage dans une fociété policée, où l'e s prit'fait
plus que le corps, & où le travail de la main ne
peut être que celui des hommes du dernier ordre.
Les femmes ne font pas, à beaucoup près, auffi fortes
que les hommes, & le plus grand ufage , ou le plus grand
abus que l’homme ait fait de fa fo rce , c ’eft d’avoir affervi
& traité fouvent d’une manière tyrannique cette moitié du
genre humain , faite pour partager avec lui les plaifirs &
les peines de la vie. Les Sauvages obligent leurs femmes
à travailler continuellement, ce font elles qui cultivent la
terre, qui font l ’ouvrage pénible, tandis que le mari refte
nonchalamment couché dans fon hamac, dont il ne fort
que pour aller à la chalTe ou à la pêche, ou pour fe tenir
debout dans la même attitude pendant des heures entières
; car les Sauvages ne fçavent ce que c ’eft que de fe
* Nos quoque vidimus Athanatum nomine prodigiojæ ojlentaiionis quin-
genario thoracè plumbeo iridutum, cothurnifque qmngentorum pondo calcatumt
perfcenam ingredi. Plin. vol. z, liv. ÿ v p a g . 3 y.
Tonie I I . A aa a