L e faux porte en philofophie une fignification bien plus
étendue qu’en morale. Dans la morale une chofe eft faufle
uniquement parce qu’elle n’eft pas de la façon dont on la
repréfente; le faux métaphyfique confifte non feulement
à n’être pas de la façon dont on le repréfente, mais même
à ne pouvoir être d’une façon quelconque; c ’eft dans
cette efpèce d’erreur du premier ordre que font tombez
les Platoniciens, les Sceptiques & les E'goiftes, chacun
félon les objets qu’ils ont confidérez; aulïï leurs fauffes
fuppofitions ont-elles obfcurci la lumière naturelle de la
vérité, offufqué la raifon, & retardé l’avancement de la
philofophie.
L e fécond principe employé par Platon & par la plupart
des fpéculatifs que je viens de citer, principe même
adopté du vulgaire & de quelques Philofophes modernes,
font les caufes finales : cependant pour réduire ce principe
à fa jufte valeur, il ne faut qu’un moment de réflexion;
dire qu’il y a de la lumière parce que nous avons des
yeux, qu’il y a des fons parce que nous avons des oreilles,
ou dire que nous avons des oreilles & des yeux parce
qu’il y a de la lumière & des fons, n’e ft-ce pas dire la
même chofe, ou plutôt que dit-on! trouvera-t-on jamais
rien par cette voie d ’explication! ne voit-on pas que ces
caufes finales ne font que des rapports arbitraires & des
abftraétions morales, lefquelles devroient encore impofer
moins que les abftraétions métaphyfiques! car leur origine
eft moins noble & plus mal imaginée, & quoique Leibnitz
les ait élevées au plus haut point fous le nom de raifon
fuffifante, & que Platon les ait repréfentées par le portrait
le plus flatteur fous le nom de la perfeétion, cela ne peut
pas leur faire perdre à nos yeux ce qu’elles ont de petit
& de précaire : en connoît-on mieux la Nature & fes effets
quand on fçait que rien ne fe fait fans une raifon fuffifante,
ou que tout fe fait en vûe de la perfeétion! Q u ’eft-ce que
la raifon fuffifante! qu’eft-ce que la perfeétion ! ne font-ce
pas des êtres moraux créez par des vues purement humaines
î ne font-ce pas des rapports arbitraires que nous avons
généralifez! fur quoi font-ils fondez ! fur des convenances
morales, lefquelles bien-loin de pouvoir rien produire
de phyfique & de réel, ne peuvent qu’altérer la réalité &
confondre les objets de nos fenfations, de nos perceptions
Si de nos connoiflances avec ceux de nos fentimens, de
nos paffions & de nos volontés.
Il y aurait beaucoup de chofes à dire fur ce fbjet, auffi-
bien que fur celui des abftraétions métaphyfiques ; mais
je ne prétends pas faire ici un traité de philofophie, & je
reviens à la phyfique que les idées de Platon fur la génération
univerfelle m’avoient fait oublier. Ariftote, aufti
grand Philofophe que Platon, & bien meilleur Phyficien,
au lieu de fe perdre comme lui dans la région des hypo-
thèfes, s’appuie au contraire fur des obfervations, raf-
femble des faits & parle une langue plus intelligible ; la
matière qui n’eft qu’une capacité de recevoir les formes,
prend dans la génération une forme femblable à celle des
individus qui la fournifTent, & à l ’égard de la génération
particulière des animaux qui ont des sexes, fon fentiment