L ’infufion d’oeillet m’offrit au bout de quelques jours
un fpeétacle que je ne pouvois me laffer de regarder,
la liqueur étoit remplie d’une multitude innombrable de
globules mouvans , & qui paroiffoient animez comme
ceux des liqueurs féminales & de i’infufion de la chair
des animaux; ces globules étoient même affez gros les
premiers jours, & dans un grand mouvement, foit fur
eux-mêmes autour de leur centre, foit en droite ligne,
foit en ligne courbe, les uns autour des autres, cela dura
plus de trois femaines, ils diminuèrent de grandeur peu à
peu, & ne difparurent que par leur extrême petitefTe.
Je vis la même chofe, mais plus tard, dans l’eau de
poivre bouillie, & encore la même chofe, mais encore
plus tard, dans celle qui n’avoitpas bouilli. Jefoupçonnai
dès-lors que ce qu’on appelle fermentation pou voit bien
n’être que l’effet du mouvement de ces parties organiques
des animaux & des végétaux, & pour voir quelle différence
il y avoit entre cette efpèce de fermentation & celle des
minéraux, je mis au microfcope un tant foit peu de poudre
de pierre, fur laquelle on verfa une petite goutte d’eaii-
fo rte , ce qui produifit des phénomènes tout différens,
c ’étoient de greffes bulles qui montoient à la fùrface
& qui obfcurciffoient dans un inffant la lentille du microfcope
, c ’étoit une diffolution de parties groffières &
maffives qui tomboient à côté & qui demeuraient fans
mouvement, & il n’y avoit rien qu’on pût comparer en
aucune façon avec ce que j’avois vû dans les infufions
d’oeillet & de poivre.
D e s A n i m a u x . 223
X L V .
J ’examinai la liqueur féminale qui remplit les laites de
différens poiffons, de la carpe, du brochet, du barbeau, je
faifois tirer la laite tandis qu’ils étoient vivans, & ayant ob-
fervé avec beaucoup d’attention ces différentes liqueurs,
je n’y vis pas autre chofe que ce que j’avois vû dans
l ’infufion d’oeillet, c ’e ff-à -dire , une grande quantité de
petits globules obfcurs en mouvement; je me fis apporter
plufieurs autres de ces poiffons vivans, & ayant comprimé
feulement en preffant un peu avec les doigts la partie du
ventre de ces poiffons par laquelle ils répandent cette
liqueur, j’en obtins, fans faire aucune bleffure à l’animal,
une affez grande quantité pour l ’obferver, & j ’y vis de
même une infinité de globules en mouvement qui étoient
tous obfcurs, prefque noirs & fort petits,
X L V I.
Avant que définir ce chapitre, je vais rapporter les
expériences de M. Needham fur la femence d’une efpèce
de Sèches, appellées Calmar; cet habile obfervateur
ayant cherché les animaux fpermatiques dans les laites
de plufieurs poiffons différens, les a trouvez d’une grof-
feur très - confidérable dans la laite du calmar, ils ont
trois & quatre lignes de longueur, vûs à l ’oeil fimple.
Pendant tout l ’été qu’il difféqua des calmars à Lifbonne,
il ne trouva aucune apparence de laite, aucun réfervoir
qui lui parût deftiné à recevoir la liqueur féminale, & ce
ne fut que vers le milieu de décembre qu’il commença