
 
		échappera  toujours  à  nos  yeux,  & même  à  notre  imagination. 
   Les animaux &des plantes qui peuvent le multiplier  
 &  fe  reproduire  par toutes  leurs  parties,  font  des  corps  
 organifez compofez d’autres corps organiques femblables,  
 dont  les  parties  primitives  &  conftituantes  font  aulfi  organiques  
 & femblables,  &  dont nous  difcernons  a 1 oeil la  
 quantité  accumulée,  mais  dont nous  ne pouvons  apercevoir  
 les  parties  primitives  que  par le  raifonnement &  par  
 l ’analogie  que  nous  venons  d’établir. 
 Cela  nous  conduit à  croire qu’il y a  dans la Nature une  
 infinité  de parties  organiques  aélucllement exiftantes,  vivantes, 
  &  dont lafubftance eft la même que  celle des êtres  
 organifez  ,  comme  il y   a une  infinité  de particules  brutes  
 femblables aux corps  bruts  que nous  connoilfons, &  que  
 comme  il  faut  peut-être  des millions  de  petits  cubes  de  
 fel  accumulez  pour faire  l’individu  fenfible  d’un  grain de  
 fel  marin,  il  faut auffi  des millions  de  parties  organiques  
 femblables  au  tout,  pour  former  un feul  des  germes  que  
 contient  l’individu  d’un  orme ou d’un polype;  & comme  
 il  faut  féparer,  brifer  &   diffoudre  un  cube  de  fel  marin  
 pour apercevoir,  au moyen de  la  cryflallifation,  les petits  
 cubes  dont  il  eft  compofé,  il  faut  de  même  féparer  les  
 parties  d’un  orme  ou  d’un  polype  pour  reconnoître  en-  
 fuite ,  au moyen  de  la  végétation  ou  du  développement,  
 les  petits  ormes  ou  les  petits  polypes  contenus  dans  ces  
 parties. 
 La difficulté de fe prêter à  cette  idée  ne peut venir que  
 d’un  préjugé fortement  établi  dans  l’efprit  des  hommes, 
 on croit qu’il n’y a de moyens de juger du compofé que par  
 le  fimple, & que pour  connoître la conftitution organique  
 d’un  être,  il  faut  le  réduire  à  des  parties  fimples  &   non  
 organiques,  en  forte  qu’il  paroît  plus  aifé  de  concevoir  
 comment  un  cube  eft  néceffairement  compofé  d autres  
 cubes,  que  de  voir  qu’il  foit  poffible  qu’un  polype  foit  
 compofé d’autres polypes ;  mais examinons avec attention  
 &   voyons  ce  qu’on  doit  entendre  par  le  fimple &  par  le  
 compofé,  nous  trouverons  qu’en  cela,  comme  en  tout,  
 le  plan  de  la Nature  eft  bien  différent  du  canevas  de  nos  
 idées. 
 Nos fens,  comme  l’on fçait,  ne nous  donnent pas  des  
 notions  exaétes  &  complètes  des  chofes  que  nous  avons  
 befoin de  connoître ; pour peu que  nous voulions eftimer,  
 juger, comparer, pefer, mefurer,  &c. nousfommes  obligez  
 d’avoir recours  à des fecours  étrangers,  à des règles,  
 à des principes, à des ufages, à des inftrumens, &c. Tous  
 ces  adminicules font  des  ouvrages  de  l ’efprit humain,  &  
 tiennent plus ou moins  à la réduétion ou à l ’abftraétion  de  
 nos  idées ;  cette abftraétion,  félon  nous,  eft le fimple des  
 chofes,  &   la  difficulté  de  les  réduire  à  cette  abftraétion  
 fait  le  compofé.  L ’étendue,  par  exemple,  étant une propriété  
 générale & abftraite de la matière,  n’eft  pas  un  fujet  
 fort compofé,  cependant pour  en  juger nous avons  imaginé  
 des  étendues làns profondeur,  d’autres étendues fans  
 profondeur &  fins largeur, & même des points qui font des  
 étendues  fins  étendue.  Toutes  ces  abftraélions  font  des  
 échafaudages  pour  foûtenir notre  jugement,  &  combien