la province de T h ib e t , les mères cherchent des étrangers
& les prient inftamment de mettre leurs filles en état
de trouver des maris; les Lapons préfèrent auffi les filles
qui ont eu commerce avec des étrangers, ils penfent
qu’elles ont plus de mérite que les autres, puifqu’elles
ont fçu plaire à des hommes qu’ils regardent comme plus
connoifTeurs & meilleurs juges de la beauté qu’ils ne le
font eux-mêmes. A Madagafcar & dans quelques autres
pays, les filles les plus libertines & les plus débauchées
font celles qui font le plutôt mariées ; nous pourrions
donner plufieurs autres exemples de ce goût fingulier, qui
ne peut venir que de la groffièreté ou de la dépravation
des moeurs.
L ’état naturel des hommes après la puberté eft celui du
mariage ; un homme ne doitavoir qu’une femme, comme
une femme ne doit avoir qu’un homme; cette loi eft celle
de la Nature, puifque le nombre des femelles eft à peu
près égal à celui des mâles ; ce ne peut donc être qu’en
s’éloignant du droit naturel, & par la plus injufte de toutes
les tyrannies , que .les hommes ont établi des loix contraires;
la raifon, l’humanité, la juftice réclament contre
ces férails odieux, où l’on facrifie à la paffion brutale ou
dédaigneufe d’un feul homme, la liberté & le coeur de
plufieurs femmes dont chacune pourrait faire le bonheur
d ’un autre homme. Ces tyrans du genre humain en font-
ils plus heureux î environnez d’eunuques & de femmes
inutiles à eux-mêmes & aux autres hommes, ils font affez
punis, ils ne voient que les malheureux qu’ils ont faits.
L e mariage tel qu’il eft établi chez nous & chez les
autres peuples raifonnables & religieux, eft donc l ’état qui
convient à l ’homme & dans lequel il doit faire ufage des
nouvelles facultés qu’il a acquifes par la puberté, qui lui
deviendraient à charge, & même quelquefois funeftes, s’il
s’obftinoit à garder le célibat. L e trop long féjour de la
liqueur féminale dans fes réfervoirs peut caufer des maladies
dans l ’un & dans l ’autre sèxe, ou du moins des irritations
fi violentes que la raifon & la religion feraient à
peine fuffifantes pour réfifter à ces paflîons impétueufes,
elles rendraient l ’homme femblable aux animaux, qui font
furieux & indomptables lorfqu’ils refièntent ces impref-
fions.
L ’effet extrême de cette irritation dans les femmes
eft la fureur utérine ; c ’eft une efjjèce de manie qui leur
trouble l’efprit & leur ôte toute pudeur, les difcours les.
plus lafcifs, les aérions les plus indécentes accompagnent
cette trifte maladie & en décèlent l ’origine. J ’a i v û ,&
je l’ai vû comme un phénomène, une fille de douze ans
très-brune, d’un teint v if & fort coloré, d’une petite taille,
mais déjà formée, avec de la gorge & de l ’embonpoint,
faire les aérions les plus indécentes au feul afpecl d’un
homme ; rien n’étoit capable de l’en empêcher, ni la pré -,
fence de fa mère, ni les remontrances, ni les chatimens;
elle ne perdoit cependant pas la raifon, & fon accès, qui
étoit marqué au point d ’en être affreux, ceffoit dans le moment
qu’elle demeurait feule avec des femmes. Ariftote
prétend que c ’eft à cet âge que l’irritation eft la plus grande