yé H i s t o i r e Na t u r e l l e .
matière n’èxifte pas réellement, que les objets extérieurs
ne font que des effigies idéales de la faculté créatrice.,
que nous voyons tout en Dieu ; en peut-il refulter que
nos idées foient du même ordre que celles du Créateur,
qu’elles puiffenten effet produire des exiftences! nefom-
mes-nous pas dépendans de nos fenlations! que les objets
qui les caufent foient réels ou non , que cette caufe de
nos fenfations exifte au dehors ou au dedans de nous,
que ce foit dans Dieu ou dans la matière que nous voyons
tout, què nous importe ! en fommes-nous moins fûrs
d ’être affeétez toujours de la même façon par de certaines
caufes, & toûjours d’une autre façon par d autres,
les rapports de nos fenfations n ont-ils pas une ffiite, un
ordre d’exiftence, & un fondement de relation neceffaire
entr’eux! c ’eft donc cela qui doit conftituer les principes
de nos connoiffances, c ’eft-ià l'objet de notre philofo-1
phie, & tout ce qui ne fe rapporte point a cet objet fen-
fibie, efl vain, inutile & faux dans l ’application! La fup^
pofition d’une harmonie triangulaire peut-elle faire la
fubftance des élémens! la forme du feu eft-elle, Comme
le dit Platon, un triangle aigu, & la lumière & la chaleur
des propriétés de ce triangle! l’air & l’eau font-ils des
triangles reét angles & équilatéraux! & la forme de 1 clément
terreftre eft-elie un carré, parce qu étant le moins
parfait des quatre élémens, il s’éloigne du triangle autant
qu’il eft poffible, fans cependant en perdre 1 effence. L e
père & la mère n’engendrent-ils un enfant que pour terminer
un triangle! ces idées Platoniciennes, grandes au
premier coup d’oe il, ont deux afpeéts bien différens ; dans
la fpéculation'elles femhlent partir de principes nobles 8c,
fublimes, dans l’application'elles ne peuvent arriver qu’à
des conféquences fauffes & puériles.
Eft - il bien difficile en effet de voir que nos idées ne
viennent que par les fens, que les chofes que nous regardons
comme réelles & comme exiftantes, font celles dont
nos fens nous ont toûjours rendu le même témoignage
dans toutes les occafions, que celles que nous prenons
pour certaines, font celles qui arrivent & qui fe préfentent
toûjours de la même façon ; que cette façon dont elles fe
préfentent ne dépend pas de nous, non plus que la forme
fous laquelle elles fe préfentent ; que par conféquent nos
id é e s , bien loin de pouvoir être les caufes des chofes,:
n’en font que les effets, & des effets très-particuliers, des
effets d’autant moins femblables à la chofe particulière,
que nous les généralifons davantage ; qu’enfin nos abftrac-
tions mentales ne font que des êtres négatifs, qui n’exiftent,
même intelleéluellement, que par le retranchement que
nous faifons des qualités fenlibles aux êtres réels !
Dès-lors ne voit-on pas que les abftraétions ne peuvent
jamais devenir des principes ni d’exiftenee ni de connoif-
lànces réelles, qu’au contraire ces connoiffances ne peu vent
venir que des réfultats de nos fenfations comparez, ordonnez
& fui vis, que ces réfultats font ce qu’on appelle l’expérience,
fource unique de toute fcience réelle, que l’emploi
de tout autre principe eft un abus, & que tout édifice bâti
fur des idées abftraites eft un temple élevé à l’erreur !
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