588 H i s t o i r e N a t u r e l l e
vérifient, ils leur parlent, ils récitent leurs exploits, louent
leurs vertus, & nous qui nous piquons d’être fenfibles, nous
ne fommes pas même humains, nous fuyons, nous les abandonnons
, nous ne voulons pas les v o ir , nous n’avons ni
le courage ni la volonté d’en parler, nous évitons même
de nous trouver dans les lieux qui peuvent nous en rappeller
l ’idée ; nous fommes donc trop indifférens ou trop foîbles.
Après avoir fait l’hiftoire de la vie & de la mort par
rapport à l’individu, confidérons l’une & l’autre dans l’ef-
pèce entière. L ’homme, comme l ’on fçait, meurtàtout
âge , & quoiqu’ en général on puifle dire que la durée de
là vie efl: plus longue que celle de la vie de prefque tous
les animaux, on ne peut pas nier qu’elle ne foit en même
temps plus incertaine & plus variable. On a cherché
dans ces derniers temps à connoître les degrés de ces
variations, & à établir par des obfervations quelque chofe
de fixe fur la mortalité des hommes à différens âges ; fi
ces obfervations étoient alfez exaétes & affez multipliées,
elles feroient d’une très-grande utilité pour la connoif-
fance de la quantité du peuple , de fa multiplication , de
la confommation des denrées, de la répartition des impôts
, &c. Plufieurs perfonnes habiles ont travaillé fur
cette matière ; & en dernier lieu M. de Parcieux de l’A cadémie
des Sciences , nous a donné un excellent ouvrage
qui fervira de règle à l’avenir au fujet des tontines
& des rentes viagères ; mais comme fon projet principal
a été de calculer la mortalité des rentiers, & qu’en général
les rentiers à yie font des hommes d’élite dans un
DE l’ H O M M E. 589
E'tat, on ne peut pas en conclurre pour la mortalité du
genre humain en entier : les tables qu’il a données dans
le même ouvrage_fur la mortalité dans les différens O r dres
religieux, font auffi très-curieufes, mais étant bornées
à un certain nombre d’hommes qui vivent différemment
des autres, elles ne font pas encore fuffifantespour
fonder des probabilités exaétes fur la durée générale de
la vie. M .r! Halley , Graunt, Kerfboom, Sympfon,&c.
ont auffi donné des tables de la mortalité du genre humain
, & ils les ont fondées fur le dépouillement des re-
giftres mortuaires de quelques paroiffes de Londres, de
Breflau, &c. mais il me paraît que leurs recherches,
quoique très-amples & d’un très-long travail, ne peuvent
donner que des approximations affez éloignées fur la
mortalité du genre humain en général. Pour faire une
bonne table de cette efpèce, il faut dépouiller non feulement
les regiftres des paroiffes d’une ville comme L on dres
, Paris, &c. où il entre des étrangers, & d’où il fort
des natifs, mais encore ceux des campagnes, afin qu’ajoû-
tant enfemble tous les réfultats , les uns compenfent les
autres; c ’eft ce que M. Dupré de Saint-Maur de l’A c a démie
françoife a commencé à exécuter fur douze paroiffes
de la campagne & trois paroiffes de Paris; il a bien
voulu me communiquer les tables qu’il en a faites, pour
les publier; je le fais d’autant plus volontiers, que ce font
les feules fur lefquelles on puiffe établir les probabilités
de la vie des hommes en général avec quelque certitude.
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