34 H i s t o i r e N a t u r e l l e .
la méchanique dont fe fert la Nature pour opérer la reproduction,
au moins nous arriverons à quelque chofe de
plus vrai-femblable que ce qu’on a dit jufqu’ici.
D e la même façon que nous pouvons faire des moules
par lefquels nous donnons à l’extérieur des corps telle
figure qu’il nous plaît, fuppofons que la Nature puiffe faire
des moules par lefquels elle donne non feulement la figure
extérieure, mais auffi la forme intérieure, ne feroit-ce pas
un moyen par lequel la reproduction pourrait être opérée!
Confidérons d’abord fur quoi cette fuppofition eft fondée,
examinons fi elle ne renferme rien de contradiéloire,
& enfuite nous verrons quelles conféquences on en peut
tirer. Comme nos fens ne font juges que de l’extérieur des
corps, nous comprenons nettement les affections extérieures
& les différentes figures des furfaces, & nous pouvons
imiter la Nature & rendre les figures extérieures par
différentes voies de repréfentation, comme la peinture, la
fculpture & les moules ; mais quoique nos fens ne foient
juges que des qualités extérieures, nous n’avons pas laiffé
de reconnoître qu’il y a dans les corps des qualités intérieures
, dont quelques-unes font générales, comme la pe-
fànteur ; cette qualité ou cette force n’agit pas relativement
aux furfaces, mais proportionnellement aux maffes, c ’eft-
à-dire, à la quantité de matière ; il y a donc dans la Nature
des qualités, même fort aétiyes, qui pénètrent les corps
jufque dans les parties les plus intimes ; nous n’aurons
jamais une idée nette de ces qualités, parce que, comme
je viens de le dire, elles ne font pas extérieures, & que
par cônféquent elles ne peuvent pas tomber fous nos fens,
mais nous pouvons en comparer les effets, & il nous eft
permis d’en tirer des analogies pour rendre raifon des effets
de qualités du même genre.
Si nos yeux, au lieu de ne nous.repréfenter que la furface
des chofes, étoient conformez de façon à nous repréfenter
l ’intérieur des corps, nous aurions alors une idée nette de
cet intérieur, fans qu’il nous fût poffible d’avoir par ce
même fens aucune idée des furfaces ; dans cette fuppofition
les moules pour l ’intérieur, que j ’ai dit qu’emploie
la Nature, nous feraient auffi faciles à voir & à concevoir
que nous le font les moules pour l’extérieur, & même les
qualités qui pénètrent l’intérieur des corps feraient les feules
dont nous aurions des idées claires, celles qui ne s’exerceraient
que fur les furfaces nous feraient inconnues ,
êc nous aurions dans ce cas des voies de repréfentation
pour imiter l’intérieur des corps, comme nous en avons
pour imiter l’extérieur; ces moules intérieurs, que nous
n’aurons jamais, la Nature peut les avoir, comme elle a
les qualités de la pefanteur, qui en effet pénètrent à l’intérieur;
la fuppofition de ces moules eft donc fondée fur de
bonnes analogies, il refte à examiner fi elle ne renferme
aucune contradiélion.
On peut nous dire que cette expreffion, moule intérieur,
paraît d’abord renfermer deux idées contradiéloires, que
celle du moule ne peut fe rapporter qu’à la furface, & que
celle de l’intérieur doit ici avoir rapport à la maffe ; c ’eft
comme fi on vouloit joindre enfemble l’idée de la furface
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