animaux ne parient pas, qu’on en connoît de plufieurs
efpèces auxquels on apprend à prononcer des mots, &
même à répéter des phrafes aflez longues, & peut-être
y en aurait-il un grand nombre d’autres auxquels on
pourrait, fi l’on vouloit s’en donner la peine, faire articuler
quelques fons Jfej mais jamais on n’eft parvenu à leur
faire naître l’idée que ces mots expriment; ils femblent
ne les répéter, & même ne les articuler, que comme un
écho ou une machine artificielle les répéterait ou les articulerait;
ce ne font pas les puilfances méchaniques ou
les organes matériels, mais c ’eft la puiflance intellectuelle,
c ’elt la penfée qui leur manque.
C ’elt donc parce qu’une langue fuppofe une fuite de
penfées, quelesanimaüxn’enontaucune; car quand même
on voudrait leur accorder quelque choie de femblable à
nos premières appréhenfions, & à nos fenfations les plus
grolfières & les plus machinales, il paraît certain qu’ils
font incapables de former cette affociation d’idées, qui
feule peut produire la réflexion, dans laquelle cependant
confifte l ’eflence de la penfée ; c ’eft parce qu’ils ne peuvent
joindre enfemble aucune idée, qu’ils ne penfent ni
ne parlent, c ’eft par la même raifon qu’ils n’inventent &
ne perfectionnent rien; s’ils étoient douez de la puiflance
de réfléchir, même au plus petit degré, ils feraient capables
de quelqu’efpèce de progrès, ils acquerraient plus
d’induftrie, les caftors d’aujourd’hui bâtiraient avec plus
* M. Leibnitz fait mention d’un chien auquel on avoit appris à
prononcer quelques mots allemands & françois.
d art
d art & de folidité que ne bâtifloient les premiers caftors,
1 abeille perfectionnerait encore tous les jours la cellule
qu elle habite; car fi on fuppofe que cette cellule eft aufix
parfaite qu’elle peut l ’être , on donne à cet infeCte plus
d efprit que nous n’en avons, on lui accorde une intelligence
fupérieure à la nôtre , par laquelle il apercevrait
tout-d un-coup le dernier point de perfection auquel il
doit porter fon ouvrage , tandis que nous-mêmes ne
voyons jamais clairement ce poin t, & qu’il nous faut
beaucoup de réflexion , de temps & d’habitude pour
perfectionner le moindre de nos arts.
D où peut venir cette uniformité dans tous les ouvrages
des animaux ! pourquoi chaque efpèce ne fait-elle jamais
que la même chofe, de la même façon ! & pourquoi
chaque individu ne la fait-il ni mieux ni plus mal qu’un
autre individu! y a - t - i l de plus forte preuve que leurs
operations ne font que des réfliltats méchaniques & purement
matériels ! car s’ils avoient là moindre étincelle
de la lumière qui nous éclaire, on trouverait au moins de
la variété fi 1 on ne voyoit pas de la perfection dans leurs
ouvrages, chaque individu de la même efpèce ferait quelque
chofe d un peu différent de ce qu’aurait fait un autre
individu ; mais non, tous travaillent fur le même modèle,
l ’ordre de leurs aCtions eft tracé dans l ’efpèce entière, il
n’appartient point à l’individu, & fi l ’on vouloit attribuer
une ame aux animaux, on ferait obligé à n’en faire qu’une
pour chaque efpèce, à laquelle chaque individu participerait
également ; cette ame ferait donc néceffairement
Tome I L K k k