82 H i s t o i r e N a t u r e l l e .
mâle, pourquoi par les forces d’affinité .que vous avez
lùppofées, ne forment-elles pas là de petits êtres organi-
fez femblables en tout au mâle ! &de même pourquoi les
molécules organiques renvoyées de toutes les parties du
corps de la femelle dans les tefticules ou dans la matrice de
la femelle, ne forment-elles pas auffi des corps organifez
femblables en tout à la femelle i & fi vous me répondez
qu’il y a apparence que les liqueurs féminales du mâle &
de la femelle contiennent en effet chacune des embryons
tout formez, que la liqueur du mâle ne contient que des
mâles, que celle de la femelle ne contient que des femelles
, mais que tous ces petits êtres organifez périffent
faute de développement, & qu’il n’y a que ceux qui fe
forment actuellement par le mélange des deux liqueurs
féminales qui puiffent fe développer & venir au monde,
n’aura-t-on pas raifon de vous demander pourquoi cette
voie de génération qui eft la plus compliquée, la plus
difficile & la moins abondante en produirions, eft celle
que la Nature a préférée & préfère d’une maniéré fi marquée,
que prefque tous les animaux fe multiplient par cette
voie de la communication du mâle avec la femelle ï car
à l’exception du puceron , du polype d’eau douce & des
autres animaux qui peuvent fe multiplier d’eux-mêmes ou
par la divifion & laféparation des parties de leur corps,
tous les autres animaux ne peuvent produire leur fembla-
ble que par la communication de deux individus.
Je me contenterai de répondre à préfent que la chofè
étant en effet telle qu’on vient de le dire, les animaux >
pour la plus grande partie, rte fe produilânt qu’au moyen
du concours du mâle & de la femelle, l ’objeétion devient
une queftion de fait, à laquelle, comme nous lavons dit
dans le chapitre 2 -, il n’y a d’aütre- folution à donner que
celle du fait même. Pourquoi les animaux fe produifent-
ils par le concours des deux sèxes! la réponfe eft, parce
qu’ils fe produifent en effet ainfi ; mais, inliftera - 1 - on ,
c ’eft la voie de reproduction la plus compliquée, même
fuivant votre explication. Je l ’aVoue, mais cette voie la
plus compliquée pour nous eft apparemment la plus fim-
ple pour la Nature ; & f i , comme nous lavons remarqué,
il faut regarder comme le plus fimple dans la Nature ce
qui arrive le plus fouvent, cette voie de génération fera
dès-lors la plus fimple, ce qui n’empêche pas que nous
ne devions la juger comme la plus compofée, parce que
nous ne la jugeons pas en elle-même, mais feulement
par rapport à nos idées & fuivant les connoiffsnces que
nos fens & nos réflexions peuvent nous en donner.
A u refte il eft aifé de voir que ce fentiment particulier
des Ariftotélicrens qui prétendoient que les femelles n’a-
voient aucune liqueur prolifique, ne peut pas fubfifter, fi
l ’on fait attention aux reffemblances des enfans à la mère,
des mulets à la femelle qui les produit, des métis & des
mulâtres qui tous prennent autant & fouvent plus de la
mère que du père ; fi d’ailleurs on penfe que les organes
de la génération des femelles font, comme ceux des mâles,
conformez de façon à préparer & recevoir la liqueur fé-
minale, on fe perffiadera facilement que cette liqueur doit