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elle avoit d’abord fait ces trois chiens dans l’eau , & en-
fuite elle en avoit encore fait frx autres. C e petit chien
qui étoit né dans l’eau, qui d’abord avoit paffé plus d’une
demi - heure dans le lait avant d’avoir refpiré, & encore
une autre demi-heure après avoir refpiré, n’en étoit pas
fort incommodé, car il fut bien-tôt rétabli fous la mère,
& il vécut comme les autres. Des fix qui étoient nez dans
l ’air, j ’en fis jeter quatre, de forte qu’il n’en reftoit alors,
à la mère que deux de ces fix, & celui qui étoit né dans
l ’eau. Je continuai ces épreuves fur les deux autres qui
étoient dans le lait, je les laiffai refpirer une fécondé fois
pendant une heure environ, enfuite je les fis mettre de
nouveau dans le lait chaud, où ils fe trouvèrent plongez
pour la troifième fois, je ne fçais s’ils en avalèrent ou non ;
ils relièrent dans ce liquide pendant une demi - heure, &
lorfqu’on les en tira, ils paroiffoient être prefqu’auffi
vigoureux qu’auparavant ; cependant les ayant fait porter
à la mère, l’un des deux mourut le même jour, mais je ne
pus fçavoir fi c ’étoit par accident, ou pour avoir fouffert
dans le temps qu’il étoit plongé dans la liqueur & qu’il
étoit privé de l’air ; l’autre vécut auffi-bien que le premier,
& ils prirent tous deux autant d’accroiffement que ceux
qui n’avoient pas fubi cette épreuve. Je n’ai pas fuivi ces
expériences plus loin, mais j’en ai affez vû pour être per-
fuadé que la refpiration n’eft pas auffi abfolument nécef-
faire à l’animal nouveau-né qu’à l’adulte, & qu’il ferait
peut-être poffible, en s’y prenant avec précaution , d’empêcher
de cette façon le trou ovale de fe fermer, & de faire
par ce
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par ce moyen d’e'xcellens plongeurs & des efpèces d’animaux
amphibies, qui vivraient également dans l ’air &
dans l’eau.
L ’air trouve ordinairement en entrantpour la première
fois dans les poumons de l’enfant, quelque obftacle caufé
par la liqueur qui s’eft amaffée dans la trachée-artère ; cet
obffacle efl plus ou moins grand à proportion de la vif-
côfité de cette liqueur, mais l ’enfant en naiflant relève fa
tete qui étoit penchée en avant fur fàpoitrine, & par ce
mouvement il allonge le canal de la trachée-artère, l’air
trouve place dans ce canal au moyen de cet agrandiffe-
ment, il force la liqueur dans l’intérieur du poumon , &
en dilatant les bronches de ce vifcère, il diflribue fur
leurs parois la mucofité qui s’oppofoit à fon pafîàge; le
fuperflu de cette humidité efl bien - tôt defféché par le
renouvellement de l ’air, o u f i l’enfant en efl incommodé»1
il touffe, & enfin il s’en débarraffe par l’expeéloration,
on la voit couler de fà bouche, car il n’a pas encore la
force de cracher.
Comme nous ne nous fouvenons de rien de ce qui
nous arrive alors, nous ne pouvons guère juger du fenti-
ment que produit l’impreffion de l’air fur l’enfant nouveau-
né , il paraît feulement que les gémiffemens & les cris qui
fe font entendre dans le moment qu’il refpire, font des
fignes peu équivoques de la douleur que l’action de l’air
lui fa:t reffentir. L ’enfant eût en effet, jufqu’au moment de
fe naiffance , accoûtumé à la douce chaleur d’un liquide
tranquille, & on peut croire quei’aétion d’un fluide dont
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