les .taches qu’on voit fur la peau. J ’ai examiné plufieurs
de ces marques, & je n’ai jamais aperçu que des taches
qui m’ont paru caufées par un dérangement dans le tiffu
de la peau. Toute tache doit nécelfairement avoir une
figure qui reffemblera, fi l’on veut, à quelque chofe; mais
je crois que la reffemblance que l ’on trouve dans celles-
ci, dépend plutôt de l’imagination de ceux qui les voient,'
que de celle de la mère. On a pouffé fur ce lu jet le
merveilleux auffi-loin qu’il pouvoit aller ; non feulement
on a voulu que le foetus portât les repréfentations réelles
des appétits de fa mère:, mais en a encore prétendu que
par une fympathie finguiière les taches qui repréfentoient
des fruits, par exemple , des fraifes , des cerifcs, des
mûres, que la mère avoit defiré de manger, changeoient
de couleur ; que leur couleur devenoit plus foncée dans
la faifon où ces fruits entroient en maturité.. A ve c un peu
plus d’attention ■ & moins de prévention, l ’on pourrait
voir cette couleur des taches de Ja peau changer bien
plus fou vent; ces changemens doivent arriver toutes les
fois que le mouvement du fangeft accéléré, & cet effet
eft tout ordinaire dans le temps où la chaleur de l’été
fait mûrir les fruits. Ces taches font toûjours ou jaunes:,
ou rouges, ou noires, parce que le fang donne ces teintes
de couleur à la peau lorfqu’il entre en . trop grande
.quantité dans les vaiffeaux dont elle eft parfemée : fi ces
taches ont pour. caufe l’appétit de la mère , pourquoi
-n’ont-eiles pas des formes & des couleurs auffi variées
.que les objets de ces appétits î que de figures fingultères
on verrait fi les vains defirs de la mère étoient écrits fur
la peau de l ’enfant.
Comme nos fenfations ne reffemblent point aux objets
qui les caufent, il eft impoffible que le defir, la frayeur,
1 horreur, qu aucune paffion en un mot, aucune émotion
intérieure, puiffent produire des repréfentations réelles
de ces mêmes objets ; & l ’enfant étant à cet égard aufft
indépendant de la mère qui le porte, que l ’oe uf l ’eft de
la poule qui le couve, je croirai tout auffi volontiers, ou
tout auffi peu, que l ’imagination d’une poule qui voit
tordre le col a un coq, produira dans les oeufs qu’elle
ne fait qu échauffer, des poulets qui auront le col tordu,
que je croirais 1 hiftoire de la force de l ’imagination de
cette femme qui, ayant vû rompre les membres à un
criminel, mit au monde un enfant dont les membres
étoient rompus,
Mais fuppofons pour un inftant que ce fait fût avéré,
je foutiendrois toûjours que l’imagination de la mère n’a
pû produire cet effet; car quel eft l’effet du faififfement
&. de l’horreur! un mouvement intérieur, une convulfion,
fi 1 on veut, dans le corps de la mère, qui aura fecoué,
ébranlé, comprimé, refferré, relâché, agité la matrice ; que
peut-il réfulter de cette commotion ! rien de femblable à la
caufe, car fi cette commotion eft très - violente, on conçoit
que le foetus peut recevoir un coup qui le tuera, qui
le bleffera, ou qui rendra difformes quelques-unes des
parties qui auront été frappées avec plus de force que les
autres; mais comment concev'ra-t-on que ce mouvement,
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