l ’accroiffement & du développement les corps organifez
ne peuvent encore produire ou ne produifent que peu,
parce que les parties qui fe développent, abforbent la
quantité entière des molécules organiques qui leur font
propres, & que n’y ayant point de parties fuperflues, il
n’y en a point de renvoyées de chaque partie du corps,
& par conféquent il n’y a encore aucune reproduction.
Cette explication de la nutrition & de la reproduction
ne fera peut-être pas reçue de ceux qui ont pris pour
fondement de leur philofophie, de n admettre qu un certain
nombre de principes méchaniques, & de rejeter tout
ce qui ne dépend pas de ce petit nombre de principes.
C ’eft-là, diront-ils, cette grande différence qui eft entre
la vieille philofophie & celle d’aujourd’hui, il n’eft plus
permis de fuppofer des caufes, il faut rendre raifon de
tout par les loix de la méchanique, & il n’y a de bonnes
explications que celles qu’on en peut déduire; & comme
celle que vous donnez de la nutrition & de la reproduction,
n’en dépend pas, nous ne devons pas l’admettre.
J ’avoue que je penfe bien différemment de ces philofo-
phes, il me femble qu’en n’admettant qu’un certain nombre
de principes méchaniques, ils n ont pas fenti combien
ils rétrécifïoient la philofophie, & ils n ont pas vu
que pour un phénomène qu on pourroit y rapporter, il y
en avoit mille qui en étoient independans.
L ’idée de ramener l’explication de tous les phénomènes
à des principes méchaniques, eft aflurement grande &
belle, ce pas eft le plus hardi qu’on put faire en philofophie,
& c’eft Defcartes qui l ’a fait ; mais cette idee n eft qu un
projet, & ce projet eft-il fonde! quand meme illeferoit,,
çvons-nous les moyens de 1 exécuter! ces principes me-
chaniques font l’étendue de la matière, fon impénétrabilité,
fon mouvement, fa figure extérieure, fa divifibilité,
la communication du mouvement par la voie de 1 impul-
fion, par l ’aétion des refforts, &c. Les idees particulières
de chacune de ces qualités de la matière nous font venues
par les fens, & nous les avons regardées comme principes,
parce que nous avons reconnu qu’elles étoient générales,
c ’eft-à-dire, qu’elles appartenoientou pouvoientappartenir
à toute la matière ; mais devons-nous aflurer que ces qualités
foient les feules que la matière ait en effet, ou plûtot
ne devons-nous pas croire que ces qualités que nous
prenons pour des principes, ne font autre chofe que des
façons de voir! & ne pouvons-nous pas penfer que fi nos
fens étoient autrement conformez, nous reconnoîtrions
dans la matière des qualités très-différentes de celles dont
nous venons de faire l’énumération! Ne vouloir admettre
dans la matière que les qualités que nous lui connoiflbns,
me paroît une prétention vaine & mal fondée; la matière
peut avoir beaucoup d’autres qualités generales que nous
ignorerons toujours, elle peut en avoir d autres que nous
découvrirons, comme celle de la pefanteur, dont on a
dans ces derniers temps fait une qualité générale, & avec
raifon, puilqu’elle exifte également dans toute la matière
que nous pouvons toucher, & même dans celle, que nous
fommes réduits à ne connoître que par le rapport de nos