44.2 Hi s t o i r e Na t u r e l l e
divifible, par conféquent elle ferait matérielle 6c fort
différente de la nôtre.
Car pourquoi mettons-nous au contraire tant de diver-
fité 6c de variété dans nos productions & dans nos ouvrages
! pourquoi l’imitation fervile nous coûte-t-elle plus
qu’un nouveau deffein ï c ’eft parce que notre ame eft a
nous, qu’elle eft indépendante de celle d’un autre, que
nous n’avons rien de commun avec notre elpece que la
matière de notre corps, 6c que ce n’eft en effet que par les
dernières de nos facultés que nous reffemblons aux animaux.
Si les fenfations intérieures appartenoient à la matière
& dépendoient des organes corporels, ne verrions-nous
pas parmi les animaux de meme efpece, comme parmi
les hommes, des différences marquées dans leurs ouvrages
! ceux qui feraient le mieux organifez ne feroient-ils
pas leurs nids, leurs cellules ou leurs coques d une manière
plus folide, plus élégante, plus commode ! & fi quelqu’un
avoit plus de génie qu’un autre, pourrait-il ne le
pas manifefter de cette façon ! or tout cela n’arrive pas 6c
rt’eft jamais arrivé, le plus ou le moins de perfedion des
organes corporels n’influe donc pas fur la nature des fenfations
intérieures ; n’en doit-on pas conclurre que les animaux
n’ont point de fenfations de cette efpèce, qu elles
ne peuvent appartenir à la matière , ni dépendre pour leur
nature, des organes corporels ! ne faut-il pas par confe-
quent qu’il y ait en nous une fubftance differente de la
matière, qui foit le fujet 6c la caufe qui produit 6c reçoit
ces fenfations î
Mais ces preuves de l ’immatérialité de notre ame peuvent
s’étendre encore plus loin. Nous avons dit que la
Nature marche toûiours 6c agit en tout par degrés imperceptibles
& par nuances; cette vérité, qui d’ailleurs ne
fouffre aucune exception, fe dément ici tout-à fait ; il y a
une diftance infinie entre les facultés de l ’homme 6c celles
du plus parfait animal, preuve évidente que l’homme eft
d’une différente nature, que feul il fait une claffe à part,
de laquelle il faut defeendre en parcourant un efpace
infini avant que d’arriver à celle des animaux ; car fi l’homme
étoit de l’ordre des animaux, il y aurait dans la Nature
un certain nombre d’êtres moins parfaits que l ’homme 6c
plus parfaits que l ’animal, par lefquels on defeendroit in-
fenfîblement 6c par nuances de l ’homme au finge ; mais
cela n eft pas, on paffè tout d ’un coup de l ’être penfànt
a 1 etre materiel, de la puiflance intellectuelle à la force
mechanique , de l ’ordre 6c du deffein au mouvement
aveugle, de la réflexion à l ’appétit.
En voila plus qu’il n’en faut pour nous démontrer l’excellence
de notre nature, 6c la diftance immenfe que la
bonté du Créateur a mife entre l’homme 6c la bête; l’homme
eft un être raifonnable, l’animal eft un être fans raifon ;
6c comme il n’y a point de milieu entre le pofitif 6c le
négatif, comme il n y a point d êtres intermédiaires entre
l ’être raifonnable 6c l’être fans raifon, il eft évident que
l ’homme eft d’une nature entièrement différente de celle
de l ’animal, qu’il ne lui reffemble que par l ’extérieur, &
que le juger par cette reffemblance matérielle, c ’eft fe
K k k ij