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naturel & long, cependant s’ils dormoient trop, il feroit
à craindre que leur tempérament n’en fouffrît ; dans ce
cas il faut les tirer du berceau & les éveiller par de petits
mouvemens, leur faire entendre des fons doux & agréables,
leur faire voir quelque chofe de brillant. C ’eft à
cet âge que l’on reçoit les premières impreffions des fens,
elles font fins doute plus importantes que 1 on ne croit
pour le refte de la vie.
Les yeux des enfans fe portent toujours du côté le plus
éclairé de l ’endroit qu’ils habitent, & s’il n’y a que l’un
de leurs yeux qui puilfe s’y fixer, l’autre n’étant pas exercé
n’acquerra pas autant de force : pour prévenir cet inconvénient
, il faut placer le berceau de façon qu’il foit éclairé
par les pieds, foit que la lumière vienne d’une fenêtre
ou d’un flambeau ; dans cette pofition les deux yeux de
l ’enfant peuvent la recevoir en même temps, & acquérir
par l ’exercice une force égale : fi l’un des yeux prend plus
de force que l’autre, l’enfant deviendra louche, car nous
avons prouvé que l’inégalité de force dans les yeux eft la
caufe du regard louche. (Voyez les Mémoires de l ’Académie
des Sciences, année 174 3 -)
L a nourrice ne doit donner à l’enfant que le lait de fes
mamelles pour toute nourriture y au moins pendant les
deux premiers mois, il ne faudrait même lui faire prendre
aucun autre aliment pendant le troifième & le quatrième
mois, fur - tout lorfque fon tempérament eft foible &
délicat. Quelque robufte que puilfe être un enfant, il pourrait
en arriver de grands inconvéniens, fi on lui donnoit
d e l’H o m m e . 4 6 3
d ’autre nourriture que le lait de la nourrice avant la fin
du premier mois. En Hollande, en Italie, en Turquie,
& en général dans tout le Levant, on ne donne aux en-
fans que le lait des mamelles pendant un an entier ; les
Sauvages du Canada les allaitent jufqu’à l ’âge de quatre
ou cinq ans, & quelquefois jtifqu’à fix ou fept ans : dans
ce p a y s -c i, comme la plûpart des nourrices n’ont pas
affez de lait pour fournir à l’appétit de leurs enfans, elles
cherchent à l ’épargner, & pour cela elles leur donnent
un aliment compofé de farine & de lait, même dès les
premiers jours de leur naiffance ; cette nourriture appaife
la faim, mais i’eftomac & les inteftins de ces enfans étant à
peine ouverts , & encore trop foibles pour digérer un aliment
groffier & vifquëux, ils fouffrent, deviennent malades
& périffent quelquefois de cette efpèce d ’indigeûion.
L e lait des animaux peut fuppléer au défaut de celui
des femmes; fi les nourrices en manquoient dans certains
cas, ou s’il y avoit quelque chofe à craindre pour elles
de la part de l’enfant, on pourrait lui donner à teter le
mamelon d’un animal, afin qu’il reçût le lait dans un degré
de chaleur toujours égal & convenable, & fur-tout afin
que fa propre falive fe mêlât avec le lait pour en faciliter
la digeftion, comme cela fe fait par le moyen de la fuc-
tion, parce que les mufcles qui font alors en mouvement,,
font couler la falive en preffant les glandes & les autres
vaiffeaux. J ’ai connu à la campagne quelques payfans qui
n’ont pas eu d’autres nourrices que des brebis, & ces
payfans étoient auffi vigoureux que les autre»