& l ’idée de la mafle, & on dirait tout aufîi-bien une furface
maffive qu’un moule intérieur.
J ’avoue que quand il faut repréfenter des idées qui n ont
pas encore été exprimées, on eft obligé de fe fervir quelquefois
de termes qui paroilfent contradictoires, & c eft
par cette raifbn que les Philofophes ont fouvent employé
dans ces cas des termes étrangers, afin d’éloigner de l’efprit
l ’idée de contradiction qui peut fe préfenter, en fe fervant
de termes ufitez & qui ont une fignification reçue ; mais
nous croyons que cet artifice eft inutile, dès qu on peut
faire voir que l ’oppofition n’eft que dans les mots, & qu il
n’y a rien de contradictoire dans l’idée : or je dis que
toutes les fois qu’il y a unité dans l’idée, il ne peut y avoir
contradiction, c ’eft-à-dire, toutes les fois que nous pouvons
nous former une idée d’une chofe, fi cette idee eft
fimple, elle ne peut être compofée, elle ne peut renfermer
aucune autre idé e , & par conféquent elle ne contiendra
rien d’oppofé, rien de contraire.
Les idées fimples font non feulement les premières
appréhenfions qui nous viennent par les fens, mais encore
les premières comparaifons que nous faifons de ces
appréhenfions ; car fi l’on y fait réflexion, l’on fentira bien
que la première appréhenfion elle-mêm'e eft toûjours une
comparaifon, par exemple , l ’idée de la grandeur d un
objet ou de fon éloignement renferme néceflairement la
comparaifon avec une unité de grandeur ou de diftance;
ainfi lorfqu’une idée ne renferme qu’une comparaifon
l ’on doit la regarder comme fimple, & dès-lors comme
ne contenant rien de contradictoire. Telle eft l’idée du
moule intérieur; je connois dans la Nature une qualité
qu’on appelle pefanteur, qui pénètre les corps à l’intérieur,
je prens l’idée du moule intérieur relativement à
cette qualité; cette idée n’enferme donc qu’une comparaifon
, & par conféquent aucune contradiction.
Voyons maintenant les conféquences qu’on peut tirer
de cette fuppofition, cherchons auflï les faits qu’on peut
y joindre, elle deviendra d’autant plus vrai-femblable que
le nombre des analogies fera plus grand, & pour nous faire
mieux entendre, commençons par développer autant que
nous pourrons, cette idée des moules intérieurs , & par
expliquer comment nous entendons qu’elle nous conduira
à concevoir les moyens de la reproduction.
La Nature en général me paraît tendre beaucoup plus
à la vie qu’à la mort, il femble qu’elle cherche à organifer
les corps autant qu’il eft poffible, la multiplication des germes
, qu’on peut augmenter prefqu’à l ’infini ,.en eft une
preuve, & l ’on pourrait dire avec quelque fondement,
que fi la matière n’eft pas toute organifée., c ’eft que les
êtres organifez -fe détruifent les uns les autres ; car nous
pouvons augmenter, prefqu’autant que nous voulons, la
quantité des êtres vivans & végétans, & nous ne pouvons
pas augmenter la quantité des pierres ou des autres matières
brutes ; cela paraît indiquer que l’ouvrage le plus
ordinaire de la Nature eft la production de l’organique,
que c ’eft-là fon aCtion la plus familière, & que fa puiffanee
n’eft pas bornée à cet égard.
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