la température eft inégale, ébranle trop violemment les
fibres délicates de fon corps ; il paraît être également fen-
fible au chaud & au froid , il gémit en quelque fituation
qu’il fe trouve, & la douleur paraît être fa première &
fon unique fenlation.
La plupart des animaux ont encore les yeux fermez
pendant quelques jours après leur nailfance ; l ’enfant les
ouvre aulfi-tôt qu’il eft né, mais ils font fixes & ternes ,
on n’y voit pas ce brillant qu’ils auront dans la fuite, ni
le mouvement qui accompagne la vifion ; cependant la
lumière qui les frappe , femble faire impreffion , puifque
la prunelle qui a déjà jufqu’à une ligne & demie ou deux
de diamètre , s’étrécit ou s’élargit à une lumière plus
forte ou plus foible, en forte qu’on pourrait croire qu’elle
produit déjà une elpèce de fentiment, mais ce fentiment
eft fort obtus ; le nouveau-né ne diftingue rien, car fes
yeux, même en prenant du mouvement, ne s’arrêtent fur
aucun objet ; l’organe eft encore imparfait, la cornée eft
ridée, & peut-être la rétine eft-elle aulfitrop molle pour
recevoir les images des objets & donner la fenlation de
la vue diftinéle. II paraît en être de même des autres fens,
ils n’ont pas encore pris une certaine confiftance nécef-
faire à leurs opérations, & lors même qu’ils font arrivez
à cet état, il fe palfe encore beaucoup de temps avant
que l’enfànt puilfe avoir des fenfations juftes & complètes.
Les fens font des elpèces d’inftrumens dont il
faut apprendre à fe fervir ; celui de la vue, qui paraît être
le plus noble & le plus admirable, eft en même temps le
moins fûr & le plus illufoire, fes fenlàtions ne produiraient
que des jugemens faux, s’ils n’étoient à tout inftant
reétifiez par le témoignage du toucher ; ce lui-ci eft le
fens folide, c ’eft la pierre de touche & la mefure de tous
les autres fens, c ’eft le feul qui foit abfolument elfentiel
à l ’animal, c ’eft celui qui eft univerfel & qui eft répandu
dans toutes les parties de fon corps ; cependant ce fens
même n’eft pas encore parfait dans l ’enfant au-moment
de fa nailfance, il donne à la vérité des lignes de douleur
parfes gémilfemens & fes cris , mais il n’a encore aucune
expreftîon pour marquer le plaifir ; il ne commence à rire
qu’au bout de quarante jours, c ’eftaufli le temps auquel
il commence à pleurer, car auparavant les cris & les.
gémiflëmens ne font point accompagnez de larmes. II
ne paraît donc aucun ligne des pallions fur le vifage du
nouveau-né, les parties de la face n’ont pas même toute
la confiftance & tout le raifort nécelfaires à cette efpèce
d’expreflion des fentimens de lame : toutes les autres
parties du corps encore foibles & délicates, n’ont que des
mouvemens incertains & mal afliirez ; il ne peut pas fe
tenir debout, fes jambes & fes cuilfes font encore pliées
par l ’habitude qu’il a contraélée dans le fein de fa mère,
il n’a pas la force d’étendre les bras ou de làifir quelque
chofe avec la main ; fi on l’abandonnoit, il relierait couché
fur le dos fans pouvoir fe retourner.
En réfléchilfant fur ce que nous venons de dire, il
paraît que la douleur que l’enfant relfent dans les premiers
temps, & qu’il exprime par des gémilfemens, n’eft qu’une
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