n’avons-nous pas brodé fur ce petit nombre de définitions
qu’emploie là Géométrie ! nous avons appellé fimple tout
ce qui fe réduit à ces définitions, & nous appelions com-
pofé tout ce qui ne peut s’y réduire aifément, & de-là un
triangle, un carré, un cercle, un cu b e ,& c . font pour nous
des chofes fimples, aulfi-bien que toutes les courbes dont
nous connoiffonslesioix & la compofition géométrique;
mais tout ce que nous ne pouvons pas réduire à ces figures
& à ces loix abftraites, nous paroît compofé ; nous
ne faifons pas attention que ces lignes, ces triangles , ces
pyramides, ces cubes, ces globules & toutes ces figures
géométriques n’exiftent que dans notre imagination, que
ces figures ne font que notre ouvrage, & qu’elles ne fe
trouvent peut-être pas dans la Nature, ou tout au moins
que fi elles s’y trouvent, c ’eft parce que toutes les formes
poffibles s’y trouvent, & qu’il eft peut-être plus difficile
& plus rare de trouver dans la Nature les figures fimples
d ’une pyramide équilatérale, ou d’un cube exaét, que les
formes compofees d’une plante ou d’un animal : nous
prenons donc par-tout l’abftrait pour le fimple, & le réel
pour le compofé. Dans la Nature au contraire, i’abflrait
n’exifte point, rien n’eft fimple & tout eft compofé, nous
ne pénétrerons jamais dans la ftruéture intime des chofes;
dès-lors nous ne pouvons guère prononcer fur ce qui
eft plus ou moins compofé, nous n’avons d’autre moyen
de le reconnoître que par fe plus ou le moins de rapport
que chaque chofe paroît avoir avec nous & avec le refte
de l’Univers, & c ’eft fuivant cette façon de juger que
l ’animal eft à notre égard plus compofé que le végétal,
& le végétal plus que le minéral. Cette notion eft jufte
par rapport à nous, mais nous ne fçavons pas fi dans la
réalité les uns ne font pas auffi fimples ou auffi compofez
que les autres, & nous ignorons fi un globule ou un cube
coûte plus ou moins à la Nature qu’un germe ou une
partie organique quelconque : fi nous voulions abfolument
faire fur cela des conjectures, nous pourrions dire que les
chofes les plus communes, les moins rares & les plus
nombreufes font celles qui font les plus fimples , mais
alors les animaux feraient peut-être ce qu’il y aurait de
plus fimple, puifque le nombre de leurs efpèces excède
de beaucoup celui des efpèces de plantes ou de minéraux.
Mais fans nous arrêter plus long-temps à cette dif-
cuffion, il fuffit d’avoir montré que les idées que nous
avons communément du fimple & du compofé, font des
idées d’abftraftion, qu’elles ne peuvent pas s’appliquer à
la compofition des ouvrages de la Nature, & que lorfque
nous voulons réduire tous les êtres à des élémens de figure
régulière, ou à des particules prifmatiques, cubiques,
giobuleufes, &c. nous mettons ce qui n’eft que dans notre
imagination à la place de ce qui eft réellement ; que les
formes des parties conftituantes des différentes chofes
nous font abfolument inconnues, & que par conféquent
nous pouvons fuppofer & croire qu’un être organifé eft
tout compofé de parties organiques femblables , auiïi-bien
que nous fuppofons qu’un cube eft compofé d’autres