44.6 H i s toir e Na t u r e l l e
& à peine vivant, vient à prendre du mouvement, de la
confiftance & des forces.
L ’enfant qui naît pafle d’un élément dans un autre ;
au fortir de l’eau qui l’environnoit de toutes parts dans
le fein de fa mère, il fe trouve expofé à l ’air, & il éprouve
dans l’inftant les impreffions de ce fluide aétif; l ’air agit
fur les nerfs de l’odorat & fur les organes de la refpira-
tion, cette aétion produit une fecouffe, une efpèce d’éternuement
qui foûleve la capacité de la poitrine & donne
à l’air la liberté d’entrer dans les poumons ; il dilate leurs
véficuies & les gonfle, il s’y échauffe & s’y raréfie jufqu a
un certain degré, après quoi le reffort des fibres dilatées
réagit fur ce fluide léger & le fait fortir des poumons.
Nous n’entreprendrons pas d’expliquer ici les caufes du
mouvement alternatif & continuel de la refpiration, nous
nous bornerons à parler des effets ; cette fonction eft
effentielle à l’homme & à plufieurs efpèces d’animaux,
c ’eft ce mouvement qui entretient la v ie , s’il ceffe I animal
périt, auffi la refpiration ayant une fois commencé,
elle ne finit qu’à la mort, & dès que le foetus refpire pour
la première fo is , il continue à refpirer fans interruption :
cependant on peut croire avec quelque fondement, que
le trou oval ne fe ferme pas tout-à-coup au moment de
la naiffance, & que par conféquent une partie du fang
doit continuer à paffer par cette ouverture ; tout le fang
ne doit donc pas entrer d’abord dans les poumons, &
peut-être pourroit-on priver de l’air l ’enfant nouveau-né
pendant un temps confidérable, fans que cette privation
lui ..caufat la mort. Je fis il y a environ dix ans une
expérience fur de petits chiens, qui femble prouver la
poffibilité de ce que je viens de dire; j ’avois pris la précaution
de mettre la mère, qui étoit une groffe chienne
de l’efpèce des plus grands lévriers, dans un baquet
rempli d’eau chaude, & l ’ayant attachée de façon que
les parties de derrière trempoient dans l ’eau, elle mit bas
trois chiens dans cette eau, & ces petits animaux fe trouvèrent
au fortir de leurs enveloppes dans un liquide auffi
chaud que celui d’où ils fortoient ; on aida la mère dans
l ’accouchement, on accommoda & on lava dans cette
eau les petits chiens, enfuite on les fit paffer dans un plus
petit baquet rempli de lait chaud, fans leur donner le
temps de refpirer. Je-les fis mettre dans du lait au lieu de
les laiffer dans l’eau , afin qu’ils puffent prendre de la
nourriture s’ils en avoient befoin ; on les retint dans le lait
où ils étoient plongez, & ils y demeurèrent pendant plus
d’une demi-heure, après quoi les ayant retirez les uns
après les autres, je les trouvai tous trois vivans ; ils commencèrent
à refpirer & à rendre quelqu’humeur par la
gueule, je les laiffai refpirer pendant une demi-heure,
& enfuite on les replongea dans le lait que l’on avoit fait
réchauffer pendant ce temps ; je les y laifïài pendant une
fécondé demi - heure, & les ayant enfuite retirez, il y en
avoit deux qui étoient vigoureux, & qui ne paroiffoient
pas avoir fouffert de la privation de l ’a ir, mais le troifiè-
me paroiffoit être languiffant ; je ne jugeai pas à propos de
le replonger une fécondé fois, je le fis porter à la mère ;