4.3 6 H i s t o i r e N a t u r e l l e
la figure, rien ne peut nuire à cette union lorfque lame
la veut, elle fe fait, & fe fait en un inftant ; le corps ne peut
s’unir à rien, il eft blelfé de tout ce qui le touche de
trop près, il lui faut beaucoup de temps pour s’approcher
d ’un autre corps, tout lui réfifle, tout eft obftacle, fon
mouvement ceffe au moindre choc. La volonté n’eft-elle
donc qu’un mouvement corporel, St la contemplation
un fimple attouchement ! comment cet attouchement
pourrait-il fe faire fur un objet éloigné, fur un fujet
ahftrait ! comment ce mouvement pourroit-il s’opérer en
un inftant indivifihle ! a-t-on jamais conçu de mouvement
fans qu’ily eût de l ’efpace & du temps! la volonté, fi c ’eft
un mouvement, n’eft donc pas un mouvement matériel,
St fi l ’union de l’ame à Ion objet eft un attouchement, un
contaél, cet attouchement ne fe fait-il pas au loin ! ce
contaél n’eft-il pas une pénétration ! qualités abfolument
oppofées à celles de la matière, & qui ne peuvei$ par
conféquent appartenir qu’à un être immatériel.
Mais je crains de m’être déjà trop étendu fur un fujet
que bien des gens regarderont peut-être comme étranger
à notre objet ; des confidérations fur l’ame doivent-elles-
fe trouver dans un livre d’Hiftoire Naturelle! J’avoue que
je ferais peu touché de cette réflexion, fi je me fentois
aflez de force pour traiter dignement des matières aufli
élevées, & que je n’ai abrégé mes penfées que par la
crainte de ne pouvoir comprendre ce grand fujet dans
toute fon étendue : pourquoi vouloir retrancher de l’Hif-
toire Naturelle de l ’homme, i ’hiftoire de la partie la plus
nohle de fon être ! pourquoi l ’avilir mal à propos St
vouloir nous forcer à ne le voir que comme un animal,
tandis qu’il eft en effet d’une nature très-différente, très-
diftinguée & fi fupérieure à celle des bêtes, qu’il faudrait
être auffi peu éclairé qu’elles le font pour pouvoir les
confondre!
Il eft vrai que l’homme reffemble aux animaux par ce
qu’il a de matériel, & qu’en voulant le comprendre dans
l ’énumération de tous les êtres naturels, on eft forcé de le
mettre dans la claffe des animaux ; mais, comme je l’ai
déjà fait fentir, la Nature n’a ni clafles ni genres , elle ne
comprend que des individus ; ces genres & ces clafles
font l’ouvrage de notre efprit, ce ne font que des idées
de convention, & lorfque nous mettons l ’homme dans
l ’une de ces clafles, nous ne changeonspas la réalité de fon
être, nous ne dérogeons point à là noblefle, nous n’altérons
pas fa condition, enfin nous n’ôtons rien à la fupériorité de
la nature humaine fur celle des brutes, nous ne fàifons que
placer l’homme avec ce qui lui reffemble le plus, en donnant
même à la partie matérielle de fon être le premier rang.
En comparant l’homme avec l’animal, on trouvera
dans l ’un St dans l’autre un corps, une matière orgamfce,
des fens, de la chair & du fàng, du mouvement St une
infinité de chofes femblabies ; mais toutes ces reflemblan-
ces font extérieures St ne fuffifent pas pour nous faire
prononcer que la nature de l’homme eftfemblableà celle
de l’animal ; pour juger de la nature de l’un & de l ’autre,
il faudrait connoître les qualités intérieures de l ’animai
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