4.30 H i s t o i r e N a t u r e l l e
nous tout ce qui n’en eft pas; c’eft cependant de ce fens
dont il faut nous fervir, fi nous voulons nous connoître,
c ’eft le feul par lequel nous puiflïons nous juger ; mais
comment donner à ce fens fon activité & toute fon étendue!
comment dégager notre ame dans laquelle il réfide,
de toutes les illufions de notre clprit !; Nous avons perdu
l’habitude de l’employer, elle ell demeurée fans;exercice j
au milieu du tumulte de nos fenfations corporelles . elle
s’eft defféché.ç par le feu de nos paftions^ le.ccçqr, i ’^fpnt,
les fens, tout a travaille contr elfe.
Cependant inaltérable dans fa fubftance, impaflible
par fon effence, elle eft toujours la même,; fa lumière
offufquée a perdu fon éclat fans rien perdre de fa force,
elle nous éclaire moins-, mais elle nous guide aufli fûre-
ment : recueillons pour nous conduire ces rayons qui
parviennent encore jufqu’à nous, 1 pbfcurite- qui nous
environne, diminuera, & | la route n’eft pas également
éclairée d’un bout à l’autre, au moins aurons-nous un
flambeau avec lequel nous marcherons fans nous, égarer, l
L e premier pas & le plus difficile, que nous, ayions a
faire pour parvenir à la connoiflance de nous-memes, eft
de reconnoître nettement la nature des deux fùbftances qui
nous compofent; dire Amplement que 1 une eft inetendue,
immatérielle , immortelle , & que l’autre eft étendue ,
matérielle & mortelle , fe réduit à nier de l’une ce que
nous affinons de l’autre ; quelle connoiflance pouvons-
nous acquérir par cette voie de négation! ces éxpreffions
privatives ne peuvent repréfenter aucune idée réelle &
pofitive : mais dire que nous fommes certains de l ’exiftence
de la première, & peu affinez de l ’exiftence de l ’autre,
que la fubftance de l’une eft Ample, indiviAble, & qu’elle
n’a qu’une forme , puifqu’elle ne fe manifefte que par
une feule modification qui eft la penfée, que l ’autre eft
moins une fubftance qu’un fujet capable de recevoir des
efpèces de formes relatives à celles de nos fens, toutes au/Ti
incertaines , toutes aufli variables que la nature même de
ces organes , c ’eft établir quelque cho fe , c ’eft attribuer à
i ’une & à l’autre des propriétés .différentes, c ’eft leur
donner des attributs, pofitifs & fuffifans pour parvenir au
premier degré de. connoiflânce de l ’une & de l ’autre, &
commencer à les comparer.
Pour peu qu’on ait réfléchi fur l’origine de nos connoif-
fances, il eft aifé de s’apercevoir que nous ne pouvons
en acquérir que par la voie delà comparaifon ; ce qui eft
abfolument incomparable,, eft entièrement incompréhen-
Able ; Dieu eft le feul exemple que nous puiflïons donner
i c i , il ne peut être compris, parce qu’il ne peut être
comparé; mais tout ce qui eft fufceptible de comparai-
fon , tout ce que nous pouvons apercevoir par des faces
différentes, tout ce que nous pouvons confidérer relativement
, peut toujours être du reflbrt de nos connoif-
fances ; plus nous aurons de fujets de comparaifon , de
côtés d ifférens, de points particuliers fous lefquels nous
pourrons envifager notre objet, plus aufli nous aurons de
moyens pour le connoître & de facilité à réunir les idées
fur lefquelles nous devons fonder notre jugement.