cubes : nous n’avons, pour en juger, d’autre règle que l’expérience;
de la même façon que nous voyons qu’un cube
de fel marin eft compofé d’autres cubes, nous voyons
auffi qu’un orme n’eft qu’un compofé d’autres petits
ormes, puifqu’en prenant un bout de branche ou un bout
de racine, ou un morceau de bois féparé du tronc, oü la
graine, il en vient également un orme; il en eft de même
des polypes & de quelques autres efpèces d ’animaux qu’on
peut couper & féparer dans tous les fens en différentes
parties pour les multiplier; & puifque notre règle pour
juger eft la même, pourquoi jugerions nous différemment!
Il me paroît donc très-vrai-femblable par les raifonne-
mens que nous venons de faire, qu’il exifte réellement dans
la Nature une infinité de petits êtres organifez,femblables
en tout aux grands êtres organifez qui figurent dans le
monde, que ces petits êtres organifez fontcompofez de
parties organiques vivantes qui font communes aux animaux
& aux végétaux, que ces parties organiques font
des parties primitives & incorruptibles, que l’affemblage
de ces parties forme à nos yeux des êtres organifez, &
que par conféquent la reproduction ou la génération ri’eft
qu’un changement de forme qui fe fait & s’opère par la
feule addition de ces parties femblables, comme la def-
truélion de l’être organifé fe fait par la divifion de ces
mêmes parties. On n’en pourra pas douter lorfqu’on aura
vû les preuves que nous en donnons dans les chapitres
fuivans ; d’ailleurs, fi nous réfléchiflons fur la manière dont
les arbres croiffent, & fi nous examinons comment d’une
quantité
quantité qui eft fi petite ils arrivent à un volume fi confi-
dérable, nous trouverons que c’eft par la fimple addition
de petits êtres organifez femblables entr’eux & au tout.
La graine produit d’abord un petit arbre qu’elle contenoit
en raccourci, au fommet de ce petit arbre il fe forme un
bouton qui contient le petit arbre de l ’année fuivante,
& ce bouton eft une partie organique femblable au petit
arbre de la première année; au fommet du petit arbre de
la féconde annee il fe forme de même un bouton qui
contient le petit arbre de la troifième année, & ainfi de
fuite tant que l’arbre croît en hauteur, & même tant qu’il
végète, il fe forme à l’extrémité de toutes les branches, des
boutons qui contiennent en raccourci de petits arbres femblables
à celui de la première année : il eft donc évident
que les arbres font compofez de petits êtres organifez
femblables, & que l ’individu total eft formé par l ’affem-
blage d’une multitude de petits individus femblables.
Mais, dira-t-on, tous ces petits êtres organifez femblables
étoient-ils contenus dans la graine, & l’ordre de leur
développement y étoit-il tracé ! car il paroît que le germe
qui s’eft développé la première année, eft furmonté par
un autre germe femblable, lequel ne fe développe qu’à la
fécondé annee, que celui-ci 1 eft de même d’un troifième
qui ne fe doit développer qu’à la troifième année, & que
par confequent la graine contient réellement les petits
êtres organifez qui doivent former des boutons ou de
petits arbres au bout de cent & de deux cens ans, c ’eft-àdire,
jufqu ala deftruétion de l’individu; il paroît de même
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