4 H i s t o i r e N a t u r e l l e .
d ’agir & de fentir à peu près dans le meme ordre St de la
même façon que nous penfons, agiffons 6c Tentons, ce qui
répugne autant à la raifon qu’à la religion.
Nous devons donc dire qu’étant formez de terre &
compofez de pouffière, nous avons en effet avec la terre
& la pouffière des rapports communs qui nous lient à la
matière en général, tels font l’étendue, 1 impénétrabilité,
la pefànteur, &c. mais comme nous n’apercevons pas ces
rapports purement matériels, comme ils ne font aucune
impreffton au dedans de nous-mêmes, comme ils fubfif-
tcnt fans notre participation, 6c qu’après la mort ou avant
la vie ils exiftent & ne nous affeétent point du tout, on ne
peut pas dire qu’ils faffent partie de notre etre, c eft donc
l ’organifation, la vie, l ’ame, qui fait proprement notre exif-
tence; la matière confidérée fous ce point de vûe, en eft
moins lefujet que l ’açceffoiré, c ’eft une enveloppe étrangère
dont l’union'nous eft inconnue Sc laprefence nuifible,
& cet ordre de penfées qui conftitue notre ê t r e en eft
peut-être tout-à-fait indépendant.
Nous exiftons donc fans fçavoir comment, & nous
penfons fans fçavoir pourquoi ; mais quoi qu il en foit de
notre manière d’être ou de fentir, quoi qu il en foit de la
vérité ou de la fkufleté, de l’apparence ou de la realite de
nos fenfations, les réfultats de ces mêmes fenfations n’en
font pas moins certains par rapport à nous, C e t ordre
d ’idées, cette fuite de penfées qui exifte au dedans de
nous-mêmes, quoique fort différente des objets qui les
caufent, ne laiffe pas que d’être i’affeétion la plus réelle
de notre individu, & de nous donner des relations avec
les objets extérieurs,- que nous pouvons regarder comme
des rapports réels, puifqu’ils font invariables & toujours
les mêmes relativement à nous; ainfi nous ne devons pas
douter que les différences ou les reffemblances que nous
apercevons entre les objets, ne foient des différences 6c
des reffemblances certaines 6c réelles dans l’ordre de notre
exiftence par rapport à ces mêmes objets ; nous pouvons
donc légitimement nous donner le premier rang dans la
Nature; nous devons enfuite donner la fécondé place aux
animaux, la troifième aux végétaux, 6c enfin la dernière
aux minéraux; car quoique nous ne diftinguions pas bien
nettement les qualités que nous avons en vertu de notre
animalité, de celles que nous avons en vertu de la fpiri-
tualité de notre ame, nous ne pouvons guere douter que
les animaux étant douez, comme nous, des memes fêns,
poffédant les mêmes principes de vie 6c de mouvement ,
& faifant une infinité d’aétions femblabies aux nôtres, ils
n’aient avec les objets extérieurs des rapports du même
ordre que.les nôtres , & que par conféquent nous ne leur
reffemblions réellement à bien des égards, Nous différons
beaucoup des végétaux, cependant nous leur reffemblons
plus qu’ils ne reflemblent aux minéraux, 8c cela parce
qu’ils ont une efpèce de forme vivante, une organifation
animée , femblable en quelque façon a la notre, au lieu
que les minéraux n’ont aucun organe.
Pour faire donc l ’hiftoire de l’animalL il faut d’abord
reconnoître avec exactitude l’ordre général des rapports
A iij.