j o o H i s toi r e Na t u r e l l e
nations fàuvages & barbares, qui n’ayant point de fenti-
mens de vertu & d’honneur à donner à leurs enfans par
une bonne éducation, s’aflurent de la chafteté de leurs
filles par un moyen que leur a fùggéré la groffièreté de
leurs moeurs. Les Ethiopiens & plufieurs autres peuples
de l’Afrique, les habitans du Pégu & de l’Arabie pétrée
& quelques autres nations de l’A fie , aufli-tôt que leurs
filles font nées, rapprochent par une forte de couture les
parties que la Nature a féparées, & ne laiffent libre que
l ’efpace qui eft nécelfaire pour les écoulemens naturels:
les chairs adhèrent peu à peu à mefure que l’enfant prend
fon accroiffement, de forte que l’on eft obligé de lesfé*
parer par une incifion lorfque le temps du mariage eft
arrivé ; on dit qu’ils emploient pour cette infibulation des
femmes un fil d’amiante, parce que cette matière n’eft
pasfujette à la corruption. Il y a certains peuples qui paf-
fent feulement un anneau ; les femmes font foumifes,
comme les filles, à cet ufage outrageant pour la vertu, on
les force de même à porter un anneau, la feule différence
eft que celui des filles ne peut s’ô te r , & que celui des
femmes a une efpèce de ferrure dont le mari -feul a la
clef. Mais pourquoi citer des nations barbares, lorfque
nous avons de pareils exemples auffi près de nous ! la
délieateffe dont quelques-uns de nos voifins fe piquent
fur la chafteté de leurs femmes, eft - elle autre chofe-
qu’une'jaloufie brutale & criminelle !
Quel contrafte dans les goûts & dans les moeurs des
différentes nations 1 quelle contrariété dans leur façon de
D E L’H O MME. 5.01
penfer ! Après ce que nous venons de rapporter fur le
cas que laplûpart des hommes font de la virginité, fur les
précautions qu’ils prennent & fur les moyens honteux qu’ils
fe font avifez d’employer pour s’en affurer, imagineroit-
on que d’autres peuples la méprifent, & qu’ils regardent
comme un ouvrage fervile la peine qu’il faut prendre pour
l ’ôter î
L a fuperftition a porté certains peuples à céder les
prémices des vierges aux prêtres de leurs idoles, ou à en
faire une elpèce de fitcrifice à l’idole même ; les prêtres
des royaumes de Cochin & de Calicut jouiffent de ce
droit,.& chez les Canarins de Goa les vierges font prof-
tituées de gré ou de force par leurs plus proches parens à
une idole de fer , la fuperftition aveugle de ces peuples
leur fait commettre ces excès dans des vues de religion ;
des vûes purement humaines en ont engagé d’autres à
livrer avec empreflement leurs filles à leurs chefs, à leurs
maîtres., à leurs feigneurs ; les habitans des ifles Canaries,
du royaume de C on go, proftituent leurs filles de cette
façon fans qu’elles en foient deshonorées : c ’eft à peu
près la même chofe en Turquie & en Perfe, & dans plu^
fieurs autres pays de l ’Afie & de l ’Afrique, où les plus
grands feigneurs fe trouvent trop honorez de recevoir
de la main de leur maître les femmes dont il s’eft dégoûté.
A u royaume d’Arracan &aux ifles Philippines, un homme
fe croiroit deshonoré s’il époufoit une fille qui n’eût
pas été déflorée par un autre, & ce n’eft qu’à prix d’argent
que l’on peut engager quelqu’un à prévenir l’époux. Dans
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