S il y a quelque différence tant foit peu remarquable
dans la durée de la vie, il femble qu’on doit l’attribuer à
la qualité de l ’air; on a obfer.vé que dans les pays élevez
il fe trouve communément plus de vieillards que dans les
lieux bas, les montagnes d’E'coffe, de Galles, d’Auvergne,
de Suiffe ont fourni plus d’exemples de vieilleffes
extrêmes que les plaines de Hollande, de Flandre, d’A l lemagne
& de Pologne; mais à prendre le genre humain
en général, il n’y a , pour ainfi dire, aucune différence
dans la durée de la vie; l ’homme qui ne meurt point de
maladies accidentelles, vit par-tout quatre-vingt-dix ou
cent ans ; nos ancêtres n’ont pas vécu davantage, & depuis
le fiècle de David ce terme n’a point du tout varié.
Si l ’on nous demande pourquoi la vie des premiers hommes
étoit beaucoup plus longue, pourquoi ils vivoient
neuf cens, neuf cens trente, & jufqu a neuf censfoixante
& neuf ans, nous pourrions peut-être en donner une rai-:
fon, en difant que les produélions de la terre dont ils
fàifoient leur nourriture, étoient alors d’une nature différente
de ce qu’elles font aujourd’hui, la furface du globe
devoit etre, comme on l’a vû ( volume I. Théorie de la
Terre) beaucoup moins folide & moins compaéte dans
les premiers temps après la création, qu’elle ne i’eft aujourd’hui,
parce que la gravité n’agiffant que depuis peu
de temps , les matières terreftres n’avoient pû acquérir
en aulfi peu d’années la confiftance & la folidité qu’elles
ont eues depuis; les produélions de la terre dévoient être
analogues à cet état, la furface de la terre étant moins
compaéte, moins sèche, tout ce qu’elle produifoit, devoit
être plus duétile, plusfouple, plus fufceptible d’extenfion;
il fe pouvoit donc que l’accroiffement de toutes les pro-
duétions delà Nature, & même celui du corps de l’homme
, ne fe fit pas en auffi peu de temps qu’il fe fait aujourd
’hui ; les o s, les mufcles, &c. confervoient peut-être plus
long-temps leur duétilité & leur molleffe, parce que toutes
les nourritures étoient elles-mêmes plus molles & plus
duétiles; dès-lors toutes les parties du corps n’arrivoient
à leur développement entier qu’après un grand nombre
d’années, la génération ne pouvoit s’opérer par confé-
quent qu’après cet accroiffement pris en: entier, ou presque
en entier, c’eft-à-dire, à cent-vingt ou cent-trente
ans, & la durée de la vie étoit proportionnelle à celle du
temps de l ’accroiffement, comme eilel’eft encore aujourd’hui
, car en fuppofant que l’âge de puberté des premiers
hommes, l’âge auquel ils commençoient à pouvoir engendrer,
fût celui de cent-trente ans, l’âge auquel on peut
engendrer aujourd’hui étant celui de quatorze ans, il fe
trouvera que le nombre des années de la vie des premiers
hommes & de ceux d’aujourd’hui fera dans la même proportion
, puifqu’en multipliant chacun de ces deux nombres
par le même nombre;par exemple, par fept, on verra
que la vie des hommes d’aujourd’hui étant de quatre-
vingt-dix-huit ans, celle des hommes d’alors devoit être
de neuf cens dix ans ; il fe peut donc que la durée de la vie
de l’homme ait diminué peu à peu à mefure que la furface
de la terre a pris plus de folidité par l ’aétion continuelle
C e c e iij