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lÿftème nouveau & différent de celui des Anciens, l ’oblige
à préférer toujours, & dans tous les cas, les raifons le
moins probables, & à éluder, autant qu’il peut, la force
des preuves, lorfqu’elles font contraires à fes principes
généraux de philofophie ; car les deux premiers livres
femblent n’être faits que pour tâcher de détruire ce fen-
timent des Anciens, <& on verra bien-tôt que celui qu’il
veut y fubftituer, eft beaucoup moins fondé.
Selon lui la liqueur féminale du mâle eft un excrément
du dernier aliment,c’eft-à-dire, du fang, & les menftrues
font dans les femelles un excrément fanguin, le feul qui
ferve à la génération ; les femelles, d it- il, n’ont point
d’autre liqueur prolifique , il n’y a donc point de mélange
de celle du mâle avec celle de la femelle , & il prétend le
prouver, parce qu’ily a des femmes qui conçoiverit làns
aucun plaifir, que ce n’eft pas le plus grand nombre de
femmes qui répandent de la liqueur à l ’extérieur dans la
copulation, qu’en général celles qui font brunes & qui ont
l ’air hommalTe, ne répandent rien, dit-il, & cependant
n’engendrent pas moins que celles qui font blanches &
dont l’air eft plus féminin, qui répandent beaucoup ;
ainfi, conclut-il, la femme ne fournit rien pour la génération
que le làng menftruel : ce làng eft la matière de la
génération , & la liqueur féminale du mâle n’y contribue
pas comme matière , mais comme forme ; c ’eft la caufe
efficiente, c ’eft le principe du mouvement, elle eft à la
génération ce que le fculpteur eft au bloc de marbre ; la
liqueur du mâle eft le fculpteur , le làng menftruel le
marbre,
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marbre, & le foetus eft la figure. Aucune partie de la fc-
mence du mâle ne peut donc fervir comme matière, à la
génération, mais feulement comme caufe motrice, qui
communique le mouvement aux menftrues qui font la
lèule matière; ces menftrues reçoivent de lafemence du
mâle une elpèce dame qui donne la vie, cette ame n’eft
ni materielle ni immatérielle ; elle n’eft pas immatérielle,
parce qu’elle ne pourrait agir fur la matière, elle n’eft pas
materielle,parce qu elle ne peut pas entrer comme matière
dans la génération, dont toute la matière font les menftrues
; c eft, dit notre Philofophe, un efprit dont la fubf-
tance eft femblable à celle de l’élément des étoiles. L e
coeur eft le premier ouvrage de cette ame, il contient en
lui-meme le principe de fon accroiftement, & il a la
puiflànce d arranger les autres membres ; les menftrues
contiennent en puijftince toutes les parties du foetus ; lame
ou 1 efprit de la femence du mâle commence à réduire à
la tte , a 1 effet, le coeur, & lui communique le pouvoir
de réduire aufli a 1 atte ou à l ’effet les autres vifoères,
& de realifor ainfi luccelfivement toutes les parties de
l ’animal. Tout cela paraît fort clair à notre Philofophe,
il lui refte feulement un doute, c ’eft de fçavoir fi le coeur
eft realifé avant le làng qu il contient, ou fi le làng qui
fàit mouvoir le coeur eft réalile le premier, Sc il avoit
en effet raifon de douter; car quoiqu’il ait adopté le fen-
timent que c ’eft le coeur qui exifte le premier, Harvey a
depuis prétendu par des raifons de la même efpèce que
celles que nous venons de donner d’après Ariftote, que
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