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à l’anatomie de 'l’homme et des animaux : il nous fiilloit aussi parler dé ce qui
appartient à la physiologie ,"sa compagne inséparable,: à la'physiologie, cette
science, dont l’histoire immense, inépuisable comme son objet, est variée à l’infini
comme la multitude prodigieuse des oeuvres qu’elle a à examiner, et peut
seule occuper la vie la plus longue, avec un intérêt sans cesse renaissant. Nouvelle
source de difficultés; nouveaux obstacles à combattre; nouveaux efforts à
développer; -
Les.moyens nécessaires pour arriver sûrement au but que nous avons dû nous
proposer d’atteindre, ne sont point dénaturé à être, en effet, mis facilement en
oeuvre; nous avions également à redouter, dans leur emploi, une abondance stérile
et une parcimonie desséchante : en admettant sans discernement tousles faits
que nous avions pu rassembler, en n’attribuant point à chacun le rang que lui
assigne son importance, nous risquions d’introduire de la confusion dans une
matière dont nous prétendions grouper les élémens avec ordre et méthode ; en
montrant, au contraire, trop de sévérité dans notrechoix , nous avions à craindre
de réduire jla science à son squelette, et de la rendre rebutante par son
aridité. Bien convaincus-de la vérité de cet ancien adage, qui recommande de
s'en tenir à un juste milieu : In medio stat virtus; nous avons tâché d’éviter
l’un et l’autre de ces deux écueils ; d’une part, en repoussant du domaine de la
physiologie toutes ces vieilles erreurs que le silence d’une longue suite d’années
sembloit avoir consacrées -, et que le siècle qui vient de s’écouler et celui qui
commence ont vu renversées sous les efforts de la lente, mais inébranlable expérience
, et sous les coups de ces hommes I qui, doués d’un esprit droit et d’un
jugement sûr, ont eu le courage d’attaquer, et la force de vaincre le peuple- des
préjugés, ces ennemis-nés de tout perfectionnement; et, d’autre part, en n’admettant
point seulement les faits matériels que découvre à nos yeux le scalpel
de l’anatomiste, mais en remontant, en cas de besoin, à la source des vérités et
des erreurs , en étudiant les progrès de l’art, en marquant ses accroissemens
successifs, dans telle ou telle de nos pages, où nous n’avons pas craint de
chercher à apprécier à leur juste valeur quelques-uns de ces systèmes qui reposent,
en foule et avec plus ou moins d’incertitude , sur des hypothèses philosophiques
, physiques ou chimiques, et qu’a dû, au sein d’une excessive confusion,
enfanter nécessairement la difficulté de distinguer ce qui mérite l’assentiment
général parmi les inductions sans nombre journellement fournies par
l’étude des phénomènes dont le physiologiste s’occupe.
La marche de l’anatomie et de la physiologie a , d’ailleurs, été si rapide depuis
quelques années, qu’elle a rendu ces deux sciences presqu’étrangères à tous ceux
qui n’ont pu la suivre assidûment, et nous avons, autant que possible, tâché de
faciliter la voie aux personnes que la direction de leurs études porté vers cet honorable
but.
La plupart des ouvrages où sont traitées les diverses matières qui ont rapport
à ces deux branches de nos connoissances, ou renferment des notices trop courtes,
ou sont quelquefois trop longs et d’une prolixité fatigante. J ’ai cru, pour
l’anatomie de l’homme en particulier, devoir, afin d’éviter l’un et l’autre extrêmes,
afin de ne donner ni une simple Table de résultats tout nus , ni une Collection
de mémoires isolés , me rapprocher du plan généralement suivi dans la
composition des autres parties de l’Encyclopédie méthodique, plan dont s’étoit
quelque peu écarté Vicq-d’Azyr, et la forme d’un Dictionnaire m’a paru d’au-
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tant plus convenable en cette occurrence, qu’elle est, sans aucun doute, la plus
commode pour les recherches.
En conséquence, au lieu d’un simple vocabulaire, au lieu d’une simple définition
de chacun des termes d’anatomie et de physiologie, j’ai cru utile de présenter,
dans autant d’articles indépendans les uns des autres, et dans un ordre
alphabétique, la description des organes et l’histoire des fonctions vitales de
l’homme, de manière à ce que, d’un seul coup d’oeil, on pût rattacher ce qui
les concerne à ce qui existe pour les animaux des classes inférieures, dans les
volumes subséquens du Système anatomique , et réciproquement; de manière
aussi, enfin, à ce qu’on possédât un tableau utile de physiologie générale.
Je n’ai donc point eu pour but unique, dans la rédaction de ce Dictionnaire,
de décrire de la manière la plus exacte, la plus complète et la plus concise, mais
de décrire seulement tous J.es organes dont l’assemblage forme le corps humain.
J ’y ai introduit des discussions physiologiques, des considérations historiques;
car mes lecteurs étant, pouria plupart, sortis de dessus les bancs del’Ecole, le
corps de l’homme n’est plus pour eux ce qu’un pays nouvellement découvert
et important à connoître est pour les voyageurs qui y abordent ; ils n’ont plus le
premier des besoins qui se manifeste en pareil-cas, celui de se faire une idée de
la topographie dè' ce pays; ils sont en état déjà de tirer le meilleur parti possible
des connoissances que doit leur donner le tableau des moeurs , des coutumes,
de l’histoire de ses liabitans.
Il est universellement reconnu que l’anatomie a toujours offert des difficultés
insurmontables aux personnes qui ne l’ont étudiée dans les livres qu’à l’aide de
descriptions. Pour donner un degré de perfection de plus à cet ouvrage , les éditeurs
ont, avec juste raison, profité d’un moyen qui se présente naturellement
pbur en rendre .l’étude aussi agréable queiacile,. Ils ont emprunté le secours de
la peinture et parlé aux yeux en même temps qu’à l’esprit, en éclaircissant des
descriptions souvent insuffisantes par des.figures exactes. Un volume de planches
exécutées sous mes yeux , toujours faites d’après nature et souvent dessinées
par moi-meme, terminent, en effet, cette portion de l’Jtncyclopêdie méthodique,
dans laquelle on n’a cherché qu’à représenter fidèlement la Nature , sans
autre ambition que celle dé se signaler dans la science par un profond mépris
pour les hypothèses hasardées, pour les théories non encore prouvées, et par
un respect inviolable pour la vérité et pour les faits sur lesquels elle repose ,
pour ces faits dont 1 é tii.de a une si grande influence ,- en augmentant les forces
de la méditation, en fécondant les recherches, en signalant des étincelles conservatrices
du feu sacré au sei11 même des plus épaisses ténèbres, en dirigeant
1 initié vers le foyer où il est allumé, en l’aidant à apprécier les circonstances
qui doivent favoriser les progrès de la science. C’est de cette manière seulement,
c est en restant unie à la physiologie, que l’anatomie devient utile et cesse d’être
un art muet et sans gloire (î).
Tout ne sera certainement pas nouveau dans le livre que nous publions ; car,
dans ce siècle, où commencent à régner avec tant de force la philosophie et la
raison, le vrai, le seul moyen peut-être d’être d’un véritable secours à la science,
est de faire une masse des vérités constatées et recueillies déjà ; de mettre en
( i) E t mutas agitare inglorius artes. Y I R G I L .