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Nous voyons la plupart des peuples de l’antiquité
faire le plus grand cas de la beauté du j
nez. Platon & Plutarque affurent que les Perfes !
tlouvoient dans un nez bien conformé le figne'des i
qualités les plus convenables à un fouverain , & ’
que Cyrus, leur premier ro i, avoit un nez aqui-'
lin. Aufli, chez eux , au rapport du premier de
ces auteurs, les eunuques chargés de réducation
des princes s’occupoient avec foin de façonner
leur nez d’une manière élégante. Chez les Hébreux,
le Lévitique exclu oit du facerdoce ceux
qui avoient le nez mal fait. Chez les Egyptiens on
Coupoit le nez à la femme adultère, pour enlaidir
à jamais celle qui avoit employé fa beauté à ‘ la
débauche, fe Ezéchiel menace de ce fupplice
ignominieux qui vengeoii, mais ne réparoit pas
l'injure, les habitans de Jérufatem, chez qui la corruption
s'étoit glifféê. Les plus grands perfonna*
ges n’ont pas toujours été a l'abri de la perte de
leur nez , témoin ce Jûftinien, qui fut furnommé
Rir.otmète, par cette feule ràifoh. Il fut un temps
a'ulfi * o ù , en France, on coupoit le nfez aux blaf-
phemateurs, 8c la reine d’Angleterre, Elifabeth, lit
ordonner pat un bil! du parlement, qu'on le tranchât
à quiconque parleroit d’elle ou de Ton gouvernement
d’une manière injurieufe. On cite l'exemple
de quelques femmes qui, comme Kufébie, abbeffe
du monaftère de Saint-Cyr, à Marfeïlie , & les
filles du monaftère de Sainte-Claire, en là ville
d^Acre, en 1291, pour conferver leur pudeur &
faireceffer des pourfuites criminelles, employèrent
ce moyen, & les poètes latins ont toujours
parlé de cette efpèce de mutilation avec une forte 1
de fentiment d’horreur, fe des défauts du nêz avec
un véritable mépris (1) > auffi-le cafivifte Sanchez
décide t-il hardiment que la laideur produite par
l'ablation du nez doit être une caufe capable de
faire cafter un mariage.
Le nez fert peu à l’expreffion des mouvemens
qui agitent l’âme inftamanément, cependant il fe
fronce' quand on éprouve un leu tiraient d’horreur
ou une vive répugnance > fes ailes s’élèvent comme
la lèvre fupérieure dans le mépris; il fe refferre
fe s’amincit dans la crainte & dans l’étonnement.,
8c il femble s’alonger, ce que témoigne notre ex-
preffion proverbiale avoir un pied de neç. Les Hébreux
plaçaient communément encore la colere
dans le nez ; afeendit fumas de naribus ÿu s, &
nous femblonsexprimer une idée analogue, quand
nous difons que La moutarde monte au ne%. Mais
fi cet organe a eft que rarement mis en jeu pen-
/ ; ) ............Truncas'inhoneßa vulnere nares.
V'ikg. , Jineid. 6.
Hurte ego me , ft quid componere eurem ,
Hon maeis ejfe velim, quam pravo vivere nafo ,
Speüandum nigris oculis, nigrooue capillo.
, De Art. ppet.
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dant l’exercice dès paffions de T â m e , on a en
ail moins qu'il pouvait, jufqu’ à Un ce rta in point!
indiquer foirétathàbrtuel. De tout temps on a tir!
de l a f o r m e d u ï ï e z d e s in d u é t r o n s q u e l ’expériencj
â c o n f ir m é e s le plus fouvent. Les nez font en eli
fet aufli diverfifiés que les caractères, dans l'e j
p r é S i011 6s! la mànifellation d é f q u e l s l e célèbre La
vater leur fait jouer un très-grand rôle ; li Car
dan a trop exagéré les connexions qui peuven
ëxïfter entre telles ou telles difpofitions du nez8
l'état des Facultés i n t e l le c t u e l l e s , il feroiteepen
dant impoflible de nier tout rapport à ee fujet
Le grand peintre Charles Lebrun é to it parveni
à connoître à la tête des. animaux s’ils étoien
timides ou courageux , paifibles ou féroces. 1
s’étoit affuré que le figne du courage réfide dan
uhe petite boffe qti’on doit avoir à la partie fu
périeure du nez. J.-B. Posta avoit d éjà éfti
cette opinion j fe cité un nombre aftèz remat
quable de grands hommes & de gu erriers in
trépides chez lefquels on avoit obfervé un nel
aquilin & renflé. Plutarque nous repréfente ainl
celui de Cyrus ; au rapport de J'ü'ftin, il en étoi
de mêtqe d’Artaxerxès-le-Grand & d ’ Amiochiis
Gryphus ; Suétone 8c Zonara nous peignent ave
les mêmes traits,, l’un Sergîas^Galba, & l’autii
Conftantin-le-Grand , fe les médailles peuven!
; àuffi nous convaincre de cette vérité. On pourroi
! ajouter à cette lifteGeorgesScanderberg; lfmaël
I Sophi de Perfe ; Mahomet II ; Sélim, fils de Ba
jazetî Soliman, fils de Sélim} le grand Coudé
Louis XIV, fec. D’un autre côté, on connoitll
proverbes accumulés fur les grands nez, & l’el
pèce de jugement qu’on porte fur ceux qui en foj
pourvus ; nofciïur ex nafo., &c. Dans lavied’Hl
liogabale, l ampridius notis rapporte que ce princ
diflolu choififfoit pour mini lires de fes infâme
débauches des hommes dont le nez avoit de gran
des dimenfions , & qu'en plaifantant il les nom
moit nafutos fuos (1). Or, ce mot de nafutusl
gnifie aufli homme fin, rufé & fpirituei, & , chez le
Romains, l’idée de railleur fe rattachoit à cell
d’un long nez j c’eft ce qui a fait dire à Martwl|
non cuicumgue datam efi h a ber e nafum , c’efta-uire
que tout le monde n’a pas la même facilité J
railler avec efprit j Sc à Horace : ut pleriquefm
nafo ficfpendis adunco (2).
i Un nez reçourbé, au contraire, trop fortement
indique fouvent un efprit hardi & entreprenant
; mais avec des moyens réprouvés} tel a été ce U
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(1) Voyei plufieurs des épigrammes de Catulle ft’ I
Martial fur le même Objet. ..
(a) Lucitiusprimus condidit Jlyli nafum. ( Pi-iwios. I
Nat. , f. 1 , ppæfac. ) Ici le mot de nafus cil croploy'^
défigner 1a faty'rç : dc-là vient aulïi l’exprelfiun at r •
( /il). 1 , f a b . § ),, en parlant d’Efop,e , naris emunH^r
etpreflion qui a même paffc.en proverbe pi
r déiîgn
homme d'efprit j par vir fibef* naris
a iuéif
yandis que an iinbécilie.
na ciontVarnbition & h cupidité ont caufô de fl
Trds maux à fa patrie. Un nez épaté fe écrafé,
onime -l’eft celui des linges, paffe pour un ligne
blaxtire i on ^ ^ue Socrate avoüoit lui-même
woir ce penchant, èe Ji-B. Porta relate la même
hotê J. Ruelle, bôtanifte français; l’un fe
[autre avaient un nez de cette dernière forte. Ce-
“j (je Cicéron tenoit de tons les deux*, aufli cet
irateuriut'il quelquefois traité d’homme au nez
Livoque, vir ancipiti aafo, ce qui n’empéchoit
JsçUy.Patin d’être fier d’en avoir un pareil, qu’il
(ppeloit nafum ciceronianum.
fies boutons rouges fur le nez indiquent l’ivro-
inerie. Les anciens Grecs les regardoient. aufli
Jérome le produit des menfonges, & les nom-
aoient 4>tusrpuru. Voilà pourquoi, dans1 un poète
aque grec , un amant voulant affûter qu’il ne
pent ei> rien au. fujet de fo mattrefte,. dit :
"ftô£tù 'pïves 07ref>6è»
Apaiets ou* etm (purai.
Les deux organes du goût & de l’odorat occu-
mt la plus grande partie delà face; plus ees deux-
ns font enveloppés, plus par conséquent celle-ci
bmentede volume , & ceraaux dépens du crâne,
pi eft d'autant plus confi dé râble par rapport à la
Ee, que le cerveau eft plus grand.
Tll eft également d_’obfervation qu’antêrreure-
lenola face n’a point une direction verticale ; elle
Il fenfiblement inclinée en avant : il eft clair que
lus le crân& augmente de volume moins cette
ielinaifon doit être marquée ; que plus, au cou-'
pire., le goût & l'odorat ont de grandis cavités
Dur loger leurs organes , plus il doit y avoir d’o-
liquité.
fOr, comme la nature de chaque individu dé-
înd en grande partie de l’énergie, relative de chaîne
de (es fonctions, fe que les fens dont il s’agit
Int ceux- des appétits bru taux j comme le cerveau
f au contraire le liège des facultés: intellec-
lelles, il en ré fuite que la forme de la tête & les
pportions des deux parties qui I» compofent,
puvent être un indice de la manière d’être fous
[rapport.
iNous voyons en effet que les animaux quiont-le
nleau le plus alongé, dans lesquels le dévelop-
fcment des cavités nafales & buccale eft le plus
Knfidérable, femblenc être pour tout le monde
fe type de la fottife : telles font les grues fe les
■ Bcalfes; tandis qu’ on attribue un haut degré d‘indigence
à ceux qui ont un front très-prononcé,
Pmrne l’éléphant, & la chouette, que les Grecs
Voient donnée pour compagne à la déeffe de la
| ^ s les reptiles fe chez beaucoup de poiffons,
veilla bouche avec fes deux énormes mâchoires,
pi femble conftituer la tête, & ce font les plus
P°r;ces & les plus féroces des animaux. Sans
Pur de notre propre efpèce, nous fommes poriés
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1 a regarder comme ftupide & gourmand un homme
| dont le bas de la face eft fort (aillant > & les
j artiftes, lorfqu'üs veulent repréfenter des héros
! ou des dieux , ont foin d’éviter cette faillie ,
comme nous l'avons dit précédemment.
Les difpofitions dont nous venons de parler ne
■ font pas feulement individuelles ; elles appartien-
I nent encore à des peuples entiers & même -aux
1 diverfes races qui compofent l’efpèce humaine.
Plus ou moins rétrécies* chez les nations de l’Europe
on dans les individus de la race arabe cauca-
fique, qui ne jouiffent pas d’une très-grande
! fineffe dans la fenfation de l’odorat, les foifes
nafales font au contraire extraordinairement développées
, comme nous l’avons déjà indiqué,
chez les Ethiopiens & les fauvages de l’Amérique,
ce qui juftifie les récits des voyageurs au fujet de
l’excellence de l’olfaélion chez eux.
On a cherché à apprécier d’après ces données
! les proportions refpectives du crâne & de la face >
! & Camper, Daubenton, MM. Soemmering, Cuvier
& Fifcber de Moskow ont propofé, pour
mefurer l’intelligence, des moyens fondés-fur cette
efpèce de rapport. Voyeç A n g l e f a c i a l .
I Outre les. os que nous avons déjà vu entrer dans
; la compolitipn du nez, & que nous avons dé-
[crits* aux articles F osses n a s a l e s . M a x i l l a i r e ,
|N à s a l , une couche dermoïde , des fibro-carti-
| lages membraneux, un cartilage proprement dit,
ides mufcles, des vaiffeaux & des nerfs concom*
j rent à former le nez, fe toutes ces parties font
tellemént difpofées, que fa région fupérieure,
; plus fôlide que le refte, protège plus efficacement
i l’organe fpécial de l'odorat, tandis que l’inférieure,
; moins réfiftante, mais mobile, permet aux ouvertures
dès narines d'être rétrécies , élargies ,
ou même entièrement fermées, fuivant les cir-
conftances.
A. Couche dermeide du ne%. Semblable à celle du
; refte de la face , elle eft fine & liffe ; on n’y ob-
\ ferve pas de poils. ; foi) tiffu réticulaire eft furtout
. très-apparent. Elle eft peu adhérente fupérieure-
• ment aux organes fubjacçns j.mais, en bas & fur I©
! côté dès ailes, elle le devient d’une manière
! marquée.
! Sa teinte eft ordinairement la même que celle
i du refte du vifage} il n’eft pas rare toutefois que
: le nez ait une nuance un peu plus colorée. Quel-
| ques; perfonnes ont le nez vermeil; chez d’autres y
Iil eft livide, violacé ou plombé naturellement.
ïl y a fort peu de t'ifiù cellulaire au-deflbus
des tégumens du nez j fupérieurement ce. tiffu
; renferme des véficules adipeufes; mais en bas il
; femble formé par une lame fibreufe qui remonte
: vers l’aponévrofe mobile des mufcles pyramidaux
& tranfverfes du nez j fe Thomas Bartholin a
! fort bien obfervé depuis long-temps que cette dif-
: polition devoit tenir à ce qu’il ne falloir jamais
que le nez fûtexpofé à groffir par l’accuraulatiou