
I I bI grande énergie , tant fur les phénomènes mêmes
de la végétation, que fur ceux de l'économie ani-
male. Auffi a-t-il défigné ce principe fous le nom
d'efprit recleur , 8c depuis lui les enimiftes fe font
beaucoup occupés de la nature. Venel croyoit que
celui du marum étoit acide, & Roux difoit dans
fes cours qu’il en connoifloit plufieurs du même
genre. Quelques-uns ont avancé que ce principe
étoit huileux f & ils appuient leur opinion du
phénomène que préfente, dans les belles foirées
d’é té , l’atmofphère qui entoure les pieds de la
fraxinelle (Diflamnus atbus). Macquer admettait
des efprits reêteurs de plufieurs fortes.
Quoi qu’il en foit, tous ceux qui o'rtt partagé
cette opinion ont regardé ce principe comme Un
être très-volatil, très-fugace, très-expanfible,
privé de pefantéut, complètement invifible, in-
taétile, fi ce n'eft pouf la membrane olfaétive.
Mais , l’uivant la remarque du célèbre Fourcroy,
en admettant cette hypothèfe, il faut admettre
Suffi qüe cet efprït recteur forme alitant de gaz différons.
qu'il y a d’efpèces d’odeurs, & il devient
t>ar conféquent impoffible d’en faire, comme on
le ptétendôif, un des matériaux immédiats des
végétaux. Si cet atome étoit un corps particulier,
ayant fes propriétés génériques confiantes dans
tous les Végétaux, comme la fécule, la gomme >
& c ., qui fe trouvent toujours les mêmes , les
nombreufes expériences qu’ on a faites à fon fujet
auroient dû y faire découvrir quelques attributs
généraux 8c cara&ériftiques. Au contraire, on n’a
trouvé que de nombreufes différences dans la
nature des divers arômes, comme nous l’avons
d it, & leurs attfâ&ions électives ne font jamais
analogues ; les uns ne font mifcibles qu’à l’eau ou
à l’alkohol, les autres qu’aux hurles ou aux fi-
fops.
Nous penfbns, avec le chimifte que nous venons
de citer, qu’il n’y à pas d'arôme ou de matière
particulière qui conftitue les odeurs, & que celles-
ci font dues à des molécules qui s’exhalent de la
fubftance même des corps odorans, eh forte que
la propriété d’avoir de l’odeur eft, pour ainfi dire,
âufli eCfentieïIe au corps que la pefanieuf. D’ail-
ïeurs, l’odeur des métaux eft très prononcée, &
jamais perfonne ne s’eft avifé d’imaginer un efprit
relieur métallique.
Tant qudl ne nous fera pas poflïble de foumettre
fes particules odorantes des corps à un inftrument
phyfique invariable, flous relierons dans une
grande ignorance fur ce qui les concerne 5 de
même que fi nous n’ avions que nos yeux pour
apprendre à connoître la lumière, nous ne poffé-
derions H fon égard que des notions bien imparfaites.
Des expériences faites par M. Bénédiêt Prôvoft,
il y a quelques années, fetflblent encore bien propres
à combattre là théorie de T efprit reéleur, &
a faire çoiinoîtrë fa véritable nature des odeurs.
Cè phyficien ayant mis une* fubftance odorante
concrète fur une glace mouillée ou fur une lard
foucoupe recouverte td’une légère couche d’eau
a vu celle-ci s’écarter fur-le-eh amp, de manière!
laifler autour des corps un efpace libre de quel]
ques pouces d’étendue.
Rornreu avoit obfervé que le camphre s’agitoi
fer l’eau , & il avoit attribué à tort ce phértotnèJ
à l’éleétriciré. Ce mouvement a lieu dans k
maffes de camphre aflez volûmineufes pour pefej
fept à huit gros, & M. Prevoft a remarqué q««
des fragmens d’une matière odorante concreteque!
conque, ou même de petits morceaux de papier 01L
de linge imbibés d’ une liqueur odorante & eftuyésj
fe mouvoient ainfi fubitement 8c en tournoyani
j avec une grande viteflè.
I Si l’on jette fur l’eau qui fert à cette expérien«
une liqueur odorante, le.mouvement fe trouv«
arrêté jufqu’à ce qu’elle foit volatilifée. L’huil
fixe l'arrête encore plus long temps & ne lui per
met de reparaître que quand on a complétemenl
enlevé la légère pellicule qu’elle forme à la furfacq
de l’eau ; ce que l’on peut faire à 1 aide d'i
feuille de métal, ou d’un morceau de verre ou dj
papier qu’on y plonge & qu’on en retire fucceflil
vement.
Il fuffit auffi de placer un bâton de cire à cache]
ter ou un morceau de bougie dans de l’eau, &dî
jeter, dans le vàfe qui fert à l'expérience, les
gouttes qui fe ramafient fur ces corps pour faire
celler le mouvement gvratoire des fragmens odoj
rans. Un métal ne fait point dans ce cas le même
effet que la cire.
Licntemberg a attribué la caufe du mouvemeej
du camphre fur l’eau à l’émanation d'un efpti;
éthéré. Volta a obtenu le même effet en jetant fai
l’eau de petits corps imbibés d’ éther, ou des molécules
d'acide benzoïque ou fuccinique. Brugna-
telli enfin a fait la même remarque pour l’écorce
des plantes aromatiques. Mais flous ne devons
conclure de tous ces faits rien autre chofe que
l’exiftence d’une atmofphère d’un fluide diadique
particulier autour des corps odorans, atmofphète
à laquelle font dus les mouvemens & les diver^
effets indiqués.
Il faut aulfi convenir que ce fluide élaftiquepi-
roît s’échapper à la maniéré du feu d’une fufée,
quand on voit un morceau de camphre, placé troij
ou quatre lignes fous l'eau, exciter àütour de liij
dans ce liquide un mouvement de trépidation qüj
repouffe les petits corps voifins* & furtout quàf
on remarque que s’il eft moins profondément^
tué, l’eau s’en écarte brufquement % s’en rappr^
che alternativement comme par l’effet d’une expié]
fion dont le recul fait faire au morceau de camphre
une partie de révolution fur lui-même.
Au relte, tous les corps non odorans préfen*
tent, quand ils font chauds, les mêmes phénomènes
que les matières odorantes. A la vérité,ui^
forte cnaleur leur donne une efpèce d'odeur, "
peut-être mêjne cela tiendrait il à la vaporife^
l l ’eau- Nous remarquerons auffi que les fubftances
f ü odorantes pour nous , mais qui le font pour
faunes animaux, comme la graille de volaille &
Icérumen, donnent par ce procédé, que M. Pre-
* a pomme odorofcope » beaucoup d’émanations de
L genre. ,
[M- Venturi de Modène femble avoir prouve
Le le camphre trouve les circonftances les plus
jvorables pour fe vaporifer dans l’endroit où
L u & l’àit font en contaéf, & qu'il forme alors
[) liquide qui s’étend fur Peau même, & ëft ên-
lite vapôrifé par une plus grande furface. En
»et, de petites colonnes de camphre placées fur
le au , fe coupent circulairement au niveau de
|elle-ci, & cela d’autant plus vite, que la furface
|u liquide eft plus étendue. Si ces petits cylindres
réfentent des points faiflans, la vaporifation fe
lit de préférence par feux.
|M. Bertholet paroît avoir auffi prouvé, par un
Litre procédé, que les odeurs ne lont autre chofe
lue des molécules mêmes émanées des corps odo-
fens. En plaçant un morceau de camphre au haut
Su tube d’un baromètre abfolument rempli de
mercure, au bout de peu de temps on voit le
Lercure defcendre : le camphre diminue, & eft
Infin remplacé par un gaz odorant, tans combi-
iaifon. D'ailleurs3 comme nous l’avons déjà dit,
■ uelques fubftances deviennent odorantes par
l’action du calorique ou du frottement, qui ne
mit que favorifer leur diffolution dans l'air.
■ On peut auffi affirmer que le véhicule général
(les corpufeules odorans eft l’air, & que ceux-ci
font répandus dans l’atmofphère & s'y foutien-
lent, foit en formant un fluide fubtil plus léger
bue l’air, foit en éprouvant dhe agitation fpontanée
bu communiquée par l’air lui-même. Les odeurs
fmblent s’y propager comme un fluide qui fe ré-
iandroit 8c fe mêleroit dans un autre ; elles ne s’y
Eomportent pas du tout comme la lumière i leur
Louvement n’eft ni direét, ni rapide, ni fufcep-
jble de réflexion ou de réfra&ion : en forte que
Shacune d’elles paroît due à une fubftance particulière
qui flotte dans l’atmofphère & en fuit toutes
les impulfidns. Si cette atmofphère eft immobile
I? tranquille, il eft évident que la force des odeurs
fera en raifon inverfe du carré de la diftance.
Boutes les odeurs Cependant ne font point à un
®ême degré diffolubles dans l'air ; le parfum des
Pes femble fe concentrer autour du buiffon qui
N a donné naiffançe } on peut paffer près d’un
jolquet de rofiers fleuris fans prefque s’en aper-
p v°ir j on ne pafîera pas de même auprès d’un
|ümble pied de réféda. Non loin de Cfermont-
prrand eft un rocher qui Jaiffe fuinter de la pif -
j|P. |te, & qu’on nomme le Puy de ta t*ige : j’ai
p u l'odeur de ce bitume à plus d’une lieue de
Pjance, & elle a fervi à diriger ma courfe vers
1 four ce.
1 ne faudroit point croire cependant, d’après
P a» que parce qu'un corps eft odorant, il fe tond
& fe diffipe dans l’air. Le plus ordinairement il ne
perd qu'une quantité incalculable de fon poids,
êc on fe fert aflez fouvent de la difperfion des
odeurs pour preuve de la divifibilité de la matière.
Ainfi il y a beaucoup de corps dont l’odeur fe fait
fentir à plufieurs pieds à la ronde j donc ces corps
répandent des particules au moins dans tout cet
efpace ; & en fuppofant qu’il n’y ait qu’une feule
de ces particules dans chaque quart de pouce cubique
, ce qui eft évidemment fort au-deflous de
la vérité, puifqu il eft probable qu’une émanation
fi rare n’afre&eroit pas l’odorat, on trouvera qu’il
y a , dans une fphère de cinq pieds de rayon, par
exemple, î7 ,859,616 particules échappées du
corps, fans que cependant en apparence il ait rien
perdu de fa mafle.
Boyle a obfervé qu’en fix jours, pendant le mois
de mai, une once de noix mufcade n'avoit perdu
que cinq grains & demi, & une once de clous de
girofles que fept grains trois huitièmes. En trois
jours & demi, il n’a pu apprécier la perte qu’àvoit
faite une mafle d'ambre gris pefant plus de cent
grains, & expofée dans un lieu quelle avoit rempli
de fes exnalaifons. De Haller a confervé, pendant
plus de quarante ans, des papiers qu’un feul
grain d'ambre avoit parfumés, & , au bout de ce
temps, ils n’avoient rien perdu de leur odeur On
fait qu'une feule goutte d'huile de galànga fuffit
pour embaumer une livre de thé. Mais un calcul
fait par Keil fur une expérience de Boyle, eft encore
bien plus étonnant. Il en rëfulte qu’une once
d’afla foetida a perdu en une minute gg— de grain ;
ce qui donne, pour chaque particule, lé volume
ùe : \ i „oo 000 de pouce cube : encore devons
nous remarquer que ce calcul fuppofe toutes
les particules également diftantes dans la fphère
de cinq pieds de rayon j mais elles font réellement
plus ferrées vers le centre, en fuivant
la raifon inverfe du carré de la diftance ,
ce qui fait que leur volume n’ eft plus que de
rô7o~6o il t oco .00 »oo de pouce cube. Dé Haller
a calculé, par rapport aux papiers dont nous
venons de parler, que chaque pouce de leur furface
avoit été imprégné par - -g-9; ér s ~ de grain d amb
re , puifqu'on pouVoit évaluer cette fil r fa ce à
'8 00 pieds, 8c cependant ils avoiènt embaumé ,
pendant 14,600 jo u r s, uiié couche d'air d'au
moins un pied d’épaifleur.
Bartholin allure que l'odeur du rômarin fait
reconnoître les terres d’Efpagne à quarante milles
en mer. La vérité eft qu’ elle fe fent de fort loin.
Diodore de Sicile dit à peu près la triême chofe de
l’Arabie. C ’eft là certainement une prodigienfe
divifibilité. On faitque, pendant un an, un feui grain
de mufc peut avoir parfumé tout un appartement
fans avoir rien perdu de fon poids. Mais nous ne
pouvons raifonnablement tirer de tous ces faits
que cette conciufîpn } favoir : que les nerfs font
des inftrumens bien plus fenfibles qiie nos balances;
& nous devons même remarquer que la