
Mais le tableau que nous venons de tracer rapidement
des divetTes découvertes dues aux anato-
miftes du dix- feptième fiè c le , fuffit pour faire
connoître les immenfes progrès qu'ils firent faire à
l'anatomie, & pour juftiner le rang diftingué qu'on
leur accorde généralement. Nous devons avouer
cependant, que les travaux qui eurent à cette
époque le plus d'influence fur la marche de la
fcience, font ceux de l'italien Afelli & de l'anglais
Harvey, travaux dont profitèrent furtout.les
Français, les Hollandais & les Danois.
Au dix-huitième fiècle, l’émulation devint générale.
Une malfe immenfe de vérités conftatées
étoit recueillie ; une foule de favans diftingués
s’emprefia de mettre en oeuvre les matériaux conquis
par les âges précédens, d'en former un corps
de do&rine,.de lesp-rfeélionner, d'en augmenter
la quantité. Leurs noms fepreflentfous ma plume5
beaucoup d’entr’eux ont déjà difparu de la fur-
face du globe ; il m’eft permis de parler de ceux-
ci ; la poftérité a commencé pour eux , 8c j'ai été
le témoin d’une grande parue de* leurs travaux i
j ’ai eu le bonheur de fentir fous les yeux de plu-
fieurs d’ eux fe développer chez moi quelques
germes du beau zèle qui les animoit. On me pardonnera
facilement de ne rien dire de mes contemporains
encore vivans.
C ’eft avec le dix-huitième fiècLe que parurent
tout-à-coup, & comme de concert, en Italie,'
Antonio Vallifneri, profeffeur à Padoue*, auteur
de recherches?immenfes, 8c portant fur une foule
d’objets différens, même en anatomie; J. Fan-
toni, médecin du roi de Sardaigne, qui confirma
les découvertes de Pacchioui , 8c aperçut des
vaiffeâux lymphatiques dans la pie-mère j J. B.!
Bianchi , auteur d’un Traité - du foie & d’ une
exaéle defcription des replis du péritoine qui retiennent
en pofirion ce. vifcère volumineux ;
P. P. Molinelli & JoT. Pozzi, célèbres tous deux
par leurs fuccès dans l’enfeignemént ; Ant Marie
Valfalva , qui découvrit des vaiflèaux lymphatiques
dans la choroïde, & publia uiv excellent
livre fur la ftruchire de l’oreille j J. B. Morgagni,
fi connu de tous les anatomiftes par fon excellente
critique , par fon immenfe érudition, & auquel
nous devons plufieurs remarques intéreffantes
fur les voies lacrymales, fur l’numeur au milieu
de laquelle fe trouve le cryftallin5 J. H. V o g li,
auteur d’une réfutation du fyftème des ovariftes ;
J. M. Nigrifoli, de Ferrare, & J. M. Vîduffi, qui
travaillèrent au fil fur la génération; T Dominique
Santorini, médecin à .Venife, qui fit avancer d’une
manière marquée la myologie, & la névrologie;
Ant. Leprotti, P. Nanni 8c Piftorini, qui démontrèrent,
par dés expériences concluantes, la communication
qui exiile entre.les vaiffeaux ladfés &
la cavité des intellins; Cotunni, auquel’on doit la
découverte.des aqueducs du limaçon 8c du vefti-
bule; Mafcagni, de Florence^, 1 homme qui a le
m.e'ux connu le fyftème lymphatique; Malacanie,
célèbre par fes travaux fur l’encéphale ; Cavolini,
qui a décrit les organes générateurs des poiffons &
des cruftacés ; Morçfchi, qui s’ eft attaché à
l’étude de la rate; André Compàretii, qui a répandu
un grand jour fur l’appareil de l’audition.
Tandis que de pareils hommes foutenoient
l’honneur de la fcience dans le Midi, on vdyoit
briller en „Suiffe un de ces génies extraordinaires
dont la Nature paroît avare. Elève de Boëïhaave
& d’ Albinus l’immortel Haller élevoit à la
fcience le plus beau monument qu’ il fut pofïiblè
de lui çonfacrer, étonnoit le monde par l ’étendue
de fes travaux en anatomie, par la variété de
fes connoiifances dans toute eipece d’ art intellectuel..
En même temps les Allemands, qui, dans le
fiècle dernier, n’avoiént fait que fuivre les progrès
de la fcience fans fournir aucun anatomifte
du premier ordre, s’élancèrent dans la carrière 8:
pouffèrent l’anatomie à un degré de perfection
au-delà duquel elle n’ eft point encore allée. On vit
alors en effet, dans l’Allemagne, LaurentHeifter
enfeigner cette fcience avec un rare fuccès ;
J. Fred. Caffebohm, profeffeur à Haie, décrire
les organes de l’audition avec une rioaivèllè exactitude;
Juft. God. Gunz, démontrer lescommu-
nications des artères épigaftriques & mammaires
internes.; J. Chrift. André Mayér , publier de
belles planches de névrologie; Peipers s’illuftrer
par fes recherches fur les troifième & quatrième
paires des nerfs cervicaux; J. Godef. Zinn, profeffeur
à Goëttingen, par la publication de fon
admirable Traité fur la ftruélure de l’oeil ; J. Léonard
Fifcher, .par fes obfervations fur les nerfs
I lombaires Sflacrés; Aug. Fred. Walter, de Berlin,
par fes travaux furie nerf grand fympathique;
J. Ern. Hebenftreit, par.la manière dont il décrivit
le médiafin 8c le cordon ombilical; Abraham
Kaaw, beau frère de Boërhaave, par fes recherches
fur les poumons 8c le.tifïu cellulaire-; Ch.
Aug. de Bergen, par un examen approfondi du
nëvf.intercoftal, du tiffu cellulaire 8c de l’arachnoïde.
Alors auffi, on diflinguoit en Allemagne,
Polype Théoph. Schacher, qui indiqua le ganglion
ophthahnique; Martin Naboth, profeffeur
à Leipfick, qui décrivit avec foin les cryptes mu-
qüeufes du col de l’ utérus, mais qui le trompa fur
leurs fondrions en les prenant pour un ovaire ; le ?
célèbre J. Fred. Meckel, qui découvrit à Berlin,
entr atitres objets importuns, le ganglion fphéno-
palarinx& que les precitufeS recherches ont placé
•parmi les plus grands anatomifies qui aient jamais
.exifté; J. J. Huber, difciple de Haller, comme
Meckel, 8c qui a enrichi la fcienceM’ un Traité fur
la nioelle épinière, traité qu’açcompagnènt d’ex- ;■
cellentes planches ; Samuel Théoci. Quëlmalz ;
Adolphe Boëhmer; Jean- André Ungebaur ; Chret.
Théoph. Ludwig ; i. Guill. Tolbetg; Georges
Danz ; Fred. Ern. Gerlach; Fréd. Henri Lofchge,
8c une foule d’aqtres anatomiftes. diftingués,
parmi lefqueîs il nous faut pourtant fignaîef encore
Hedwigh, pour fes belles obfervations mi-
'Crofcopiques fur les villofités inteftinales; Jean
Nathanaël Lieberkuhn, membre de l’ Académie
. des fciences de Pruffe, que perfônne ne put éga- 1
1er dans l’ art dès injeCtions; Jean-Chrétien R e il,
connu par fes recherches fur les nerfs; André-Ot-
tornar Gæücke, qui a publié une hiftoire de l’anatomie
; Chriftophe-Jacques T rew , qui a examiné
les différences que préfentent les vaiffeaux lan-
guins avant & après la naiffance* Aug. Jean Roè -
l e l , qui nous a laijfTé une bonne anatomie de Té-
crevifîè, & des obfervations fur les métamorphofes
des batraciens; le favant Pallas, dont nous avons
des détails curieux fur la ftruéture intérieure de Flufieurs animaux; Merrem, qui s’eft occupé de
anatomie.comparative en général; Otton Fréd-
Mueller, qui a examiné, fous le rapport de l’or-
ganîfation, les animaux fans vertèbres; Kober,
■ qui a fait des travaux importans fur. les dents;
Haafe, auteur d’une bonne Diflertation fur la
clavicule; Jofephi, auquel nous devons une oftéo-
Jogie des quadrumanes ; Schneider, qui a publié
des détails fur la compofition du corps des poifi
fôns ; Schelver, qui en a donné fur les organes
des fens dans les mfeétes & les vers.
Dans le même fiècle la Hollande a égalé au
moins l’Italie, & furpaffé l’Allemagne, dans plus
d ’un cas , par les anatomiftes fameux qu’elle a
nourris & formés. C ’eft à elle que l’on doit
.Abraham Cyprianus ; Jean Palfyn, auteur d’une
anatomie qui a été fort utile aux chirurgiens ;.
Henri Deventer; Hermann Boërhaave, fi célèbre
& fi digne d e le t r e , qui fit un grand nombre
de remarques importantes , & fut donner un coloris
fpécial aux découvertes de fes prédéceffeurs,
.mais qui eut le grand tort d’accabler l’ anatomie
ïComparative du poids de fa réprobation ; Bernard-
_Sigefroy Albinus, dont le véritable nom étoit
; Weis, & q ui, non content de contribuer par fes
propres efforts, aux progrès de la fcience à laq
u e lle ilavoitconfacré fàvie entière, fe fit encore
l ’éüitèur de plufieurs anciens anatomiftes dont il
tapprécioit.le mérite & vénéroit les talens, & publia
des éditions fort eftimées des.OEuvres de
Véfa le,d e Harvée & de Jérôme-Fabricio d’ Aqua-
,pendente, -ainfi que des belles planches d'Euf-
^tachi; & enfin Pierre Camper, élève d’Albinus, ;
l'un des hommes les plus célèbres en Europe à la fin
i. du dix-huitième fiècle , 8c auquel nous devons des
^recherches fur l’oeil, le bras, le baffin, la peau & le
’ .cerveau, des travaux importans fur l’ oftéologie
.d .s animaux, fur l’anatomie de l’orang-outang,
Lde l’éléphant, du crapaud, des oifeaux, des cé-
s tacés,. &c.
C ’eft alors auflï que brilloient dans la Grande-
Bretagne, Alexandre Monro le père, qui, feul
. en Europe, pendant long-temps, foutint l’étude
de l’anatomie comparative contre le coup que
lui avoit porté Je grand Boërhaave; Jacq. pougîafs,
auteur d’une myologie complète de l’homme
& du chien, & d’une hiftoire de l’anatomie;
Jacq. Drake, Guillaume Chefeîden, Robert Nef-
bitt auteur de travaux importans fur Eofteo-
logie ^Richard H aie, qui fit des recherches fur
l’allantoïde, & qui démontra que tous les vaif-
feâux lymphatiques s’ ouvroient dans les veines ;
Guillaume Cruikshanck, qui rivaliia avec Mafca-
gni dans l’ examen du fyftème abforbant ; Guillaume
Porterfield, médecin à Edinburgh, aiiquel
nous devons un Traité-de l'oeil fort intéreflant 8c
plein de vues ingénieufes ; Alexandre Monro le
fils, qui prouva que le vaifteau qui conftitue
l’épididyme eft unique, & publia des obfervations
de la plus haute importance fur l’oe il, l’oreille
& le cerveau ; Guillaume Hunter, auquel on
doit plus d’une découverte, & dont Abernethv
nous a fait connoître récemmment la vie & les travaux;
Haighton, célèbre par fes expériences fur U
génération; Benjamin Harwood, dont l’excellent
Manuel, demeuré incomplet, offre pourtant une
fort bonne defcription des organes de l’olfaétion
dans les animaux des diverfes piaffes.^
Les autres Etats du Nord fe reflêntirent auflï de
l’excitation générale; à Saint-Pétersbourg, Jofias
Weitbrecht porta la. fyndeOnologie au point de
perfection où elle eft aujourd’hui, & qu’elle n a
point dépaffé ; en Suède, Nicolas Rofen de Ro-
fenftein publia un Manuel d’anatomie où il confi-
gni toutes les découvertes de fes prédéceffeurs 8c
d e , fes contemporains ; en Danemarck, Georgês
Detharding fit, fous fà préfidence-, foutenir fur
l’anatomie un grand nombre de thèfes qui ne
contribuèrent pas peu à propager le goût de cette
fcience.
Mais la France devoit dépafferce qui, jufque-
là , avoit été fait en anatonv.e chez les autres nations,
& occuper fous ce rapport le rang le plus
diftingué dans le courant du dix-huitième fiecle.
Alexis Littré, membre de l’Académie royale des
Sciences'de Paris, 8c qui parvint à une grande
réputation,en dépit de deux ennemis puiffans, l’in«
trigue&la pauvreté, qu’ il eut long-temps à combattre
, mais dont il fut triompher, fe fit connoître
par plufieurs découvertes en anatomie dans le
courant de ce fiècle, où l’on vit également François
de la Peyronie profeffer avec éclat au Jardin
du R oi, & créer cinq places de dé mon orateurs.
C ’eft encore alors que J. L. Petit 3 élève de Littré,
appliqua à la pratique de la chirurgie les con-
noiffances profondes qu’il avoit acquifes fous un
tel maître, & que Jacques-Bénigne Winflow „
enlevé au Danemarck par la France, compofoit
une Exposition anatomique de la ftruclure du corps
humain, que de nombreux ouvrages publiés depuis
n’ont pu faire oublier. En même temps à peu
près , François Pourfour du P e tit, habile chirurgien,
botanifte , anatomifte & membre de
l’Académie royale des Sciences, obfervoit l’en-r
, tre-cçpifement des nerfs dans la moelle alongée,
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