
O r , çet écartement, qui, dans beaucoup de
mammifères/fe fait «autant par l’élévation de la
mâchoire d’en haut que par l’abaifiement de cédé
d’en bas , eft , chez l’ homme, l'objet de difciifiions
nombreufès, les uns, avec Winflow & notre
efiimable collègue à l’Académie royale de médecine,
M. le doôteur Ribes, niant l’élévation de la
première & n’admettant pour réel que l’abaifie-
ment de la fécondé; les autres avec Boèrrhaave,
Pringle, Ferrein , Alexandre Monro, M. Chauf-
fier & la.plupart des modernes, croyant qu’une
légère élévation de la mâchoire fupérieure participe
à l’ouverture de la bouche.
Quoi qu'il en foit, une fois introduits dans la
bouche & retenus dans cette cavité par les parois
qui la circonfcrivent.. les alimens folides y font
divifés, triturés, broyés, par l’ aétion des dents ?
qui arment la mâchoire inférieure & qui viennent,
par fuite des mouvemens de cet o s , frapper
avec.plus ou moins de force contre les dents de
la fupérieure.
C ’ eft dans l’aétion de ces inftrumens de divi-
fion , mis en exercice , à la manière d'un marteau
fur une enclume, par la difpofition même de la
mâchoire inférieure, qui repréfente à cet effet un
levier coudé du troifïème genre, que confifie le
phénomène préparatoire & fi important de la
mafiication, phénomène dans lequel les dents 8c
les mâchoires ne font, à proprement parler, que
des agens pafiifs 8c que contribuent activement à
effectuer, les mufcles qui, comme les digaftriques,
les génio-hyoïdiens, les mylo-hyoïdiens, fervent à
l’ abaifiement de la mâchoire inférieure, ceux
qui, tels que les mufcles crotaphites, maffeters bc
prérygoidiens internes, ont pour office de l’élever ;
8c ceux, enfin, qui lui impriment des mouvemens
horizontaux & de gliffement, comme les ptérygü-
diens externes.
‘ Durant la mafiication, les alimens mous 8c qui
offrent peu de réfiftance aux puiffancès maftica-
toires, font placés inftindfcivement au niveau des
dents incifives, qui les coupent lors de l’élévation
de la mâchoire inférieure; les matières fibreufes
& qu’ il faut déchirer, lacérer, font foumifes a
I’aCticn des dents canines ; enfin, les corps durs, le es , caftans , font écrafés 8c brifés par les .dents
molaires, qui les broient enfuite & les triturent à la
manière des meules de moulin.
Plufieurs parties, en outre, concourent efficacement
à l ’accompli fie ment de cet acte ; les lèvres,
en empêchant, par leur coaptation, la fortie
des alimens, & en contribuant, avec les joues, à
les renvoyer fous les dents qui les broient; le
voile du palais, en les empêchant de pénétrer
prématurément dans le pharynx,-8c la langue en
maintenant entre les dents les portions de ces alimens
qui fe difperfent dans la cavité delà bouche.
Tandis que les alimens font ainfi mâchés & divifés
mécaniquement, les fluides contenus dans la
bouche, & fpéria!ement la falive, les pénètrent,
d’ailleurs , progrelfivement. G’eft là ce qui conflj;
tue, à proprement parler, 1 ‘ infalivation , opératioii
par'laquelle les différentes parties des alimens L
vifés par, les dents font liées entr’elles, de nJ
nière à former une forte de pâte qui permet leu
agglomération en bol, par fuite de I'aâion des
lèvres , des jolies & de la langue furtout.
C’ eff fous cette dernière forme,; en effet, qlie
les alimens font avalés â l’aide d'un mécanifme qui
conftitue la déglutition , mécanifme très-compliqué
& qui fe compofe d’une férié d’adlions fucceflives
très-variées.
Dans la déglutition, le bobréfultant de l'agio,
mération dçs alimens eft pl®é d’abord au-defl«
de la langue, enpre cet organe & l a voûtepaU
tine. Bientôt, les mufcles palato-fiaphylins élèvent
le voile du palais, que tendent tranfverfaleraeiH
en même temps les mufcles périftaphylins externes
; la pointe de la langue, s’élève ; fa bafe fe déprimé,
& le b o l, preffé d’avant en arrière fur un
plan incliné, gliffe dans le pharynx d'autant plus
facilement que les mâchoires, par leur rapprochement
, ferment la bouche en devant 8c que l’ifthroe
du*gofier eft lubrifiée par les mucofités que verfent
à fa lurface les tonfilles 8c les cryptes muqueufes
de la bafe de la langue,. ,
Jamais, à moins de quelqu’altération morbide,
on ne voit, dans ce paflàge, le bol alimentaire pénétrer
dans le larynx, foit parce que, comme h
plupart des*phyfiqlogiltes l’ ont penfé, il abailîe
devant lui. l’épiglotte & fie ferme ainfi la voie à
lui-mëme, foit parce q u e , comme le dit M. Magendie
, qui a vu que l’amputation de ce fibro-
cartilage laiftoit la déglutition intaCte, il y a occlii-
fion de la glotte par l ’aétion de fes mufcles conf-
trièteurs.
Dans ce montent, au refte, le pharynx eft
élevé 8c tranfverfalement élargi par la contraction
.des mufcles ftylo-pharyngiens.' Il eft fubitement
tiré en haut avec l’os hyoïde & le larynx, parles
mufcles génio-hyoïdiens, ftylo-hyoïdiens, mylo-
hyoïdiens & digaftriques, qui l’ amènent, pour ainfi
dire, au-devant des alimens. Prefqu'auifitôt,ces
mufcles, ainfi que les élévateurs de la bafe de li
langue, fe relâchent, & le pharynx s’ abaifle brufque*
ment, entraînant avec lui le bol alimentaire qu’il
vient de faifîr, aidé en cela par l ’abailfemencdu
voile du palais, abaiffement aCtif opéré par la contraction
des mufcles gloffo-ftaphylins 8c pharyngo*
ltaphylins. très-bien décrit par Sandifort, en p
ticu.ier, & empêchant le corps avalé de s’introduire
dans' les ouvertures poiiérieures des folles
nafales 8c dans les pavillons des trompes d’Eutla-
chi, ou de revenir dans la cavité de la bouche.
Alors les trois conftriCteurs du pharynx entrent en j
action & pouifent le bol alimentaire jufqu’à l’orifice
de l’oefophage.
Celui-ci contracte fes fibres circulaires fucceUi-
vement de haut en bas & pouffe le bol de procheen
proche jufqu’ au cardia, en même temps, d’ailleurs,.
que
I L je conduit fe raccourcit par la contraCtioh de
l esW fibreslongitudinales.
K C’eft- ainfi que les alimens parviennent à l’efto-
|nac, dans la cavité duquel ils.s’ accumulent, en
p0llffant devant eux, lors de l’introduCtion de
fthaque bouchée, la membrane muqueufe de
foefophage, qui vient former un bourrelet circulaire
autour du cardia.^
I A méfure que les alimens fe raffemblent fuivant
jee mode de déglutition , l’eftomac augmente de
yolume par la diftenfion de fes parois.; toutes fes
fibres charnues s’alongent; les plis de fa membrane
interne s’effacent ; il s’engage lui-même entr
e les lames du feuillet antérieur du grand épiploon
8c celles des épiploons gaftro-hépatique &
gadro-fplénique, fe rapprochant ainfi du colon,
du foie & de la rate, refoulant le diaphragme dans
le thorax & foulevant la paroi antérieure de l’ab-
Bomen.
I En même temps que ce vifeère s’arrondit ainfi,
II change de fituation, c ’eft-à-dire que fu face-antérieure
devient fupérieure, que la poftérieure fe
Birige en bas, & que fa grande courbure fe montre
en avant, mouvement qui coïncide d’ ailleurs
avec l’élévation de la grofle tubérofité, le pylore
leftant à fa place & permettant ainfi à tout l’or-
§>ane de fe redreffer fur lui comme fur un point fixe.
B Alors l’appétit & la faim ont ceffé; un fentiment
de chaleur plus ou moins agréable fe développe
Bans la région épigaftrique ; les parois du vifeère,
Bar un mouvement de périftole, fe refferrent fur la
Bnafiè des alimens folides mêlés aux boiifons, la.
’preftent, la compriment, l ’imprègnent des fluides
(ou mis par lés fécrétions perfpiratoires 8c folliculaires
dont elles font le fiége, fécrétions alors de-
tenues plus aétives par la transformation de l'or-
ffiane en un centre de fluxion.
B Bientôt, fous l’influence des forces gaftriques,
|es alimens ingérés changent d’état ~8c de compofi-
|ion ; ils fe dilfolv.ent 8c fe convertiffent en chyme,
opération qui ne commence guère qu’ une heure &
Bemie après le repas, & dont la durée générale, très-
tariable, ne fauroit être fixée exactement 8c fe
Balance entre quatre & cinq heures. Voy. C h y m e .
■ L.a chymification s’effeêtue d’abord au point
Bieme de contaCt de la pâte alimentaire avec les
parois de l’eftomac. Une couche de chyme, d’en-
Buon une ligne d’épaifleur, recouvre la màfiTe 8c
Bft dirigée vers le pylore 8c le duodénum par les»
Contractions périftaltiques dé l’eftomac; une fe-
Bonde lui fuccède; puis une troifième*, 8c ainfi de
luite jufqu’à ce que toute la ma fie alimentaire
Contenue dans l ’eftomac foit, de la périphérie au
Contre, réduite de cette manière en chyme.
C II pàroît donc évident que c’eft aux dépens
des fluides que fourni fient les parois de l'eftomac,
Bue fe forme ce dernier. ..
C A mefure que ce changement s’ opère 8c que le
Chyme déjà formé eft chafle par le pylore, l’efto-
■ Syft, Anat, Tome 1,
maç fe relTerre, fe rétrécit 8c s’applique plus exactement
fur ce qui refie d’alimens dans fa cavité,
Quoi qu’il en foit, la nature de ce phénomène,
l’explication de fes caufés immédiates, ont,*de la
part des médecins 8c des phyfiologiftes de tous
les fièclés, donné lieu à une foule d’opinions,
tour à tour adoptées 8c abandonnées.
C ’eft ainfi qu'Hippocràte, Galien 8c la plupart
des Anciens, d’après eux ,regàrdoient la digeftion
ftomacale comme une efpèce de qqffiïbtij que Pierre
du Ghaftel 8c Van-Helmont en faifoient une fermentation';
que d’autres fuccefiivement l’attribuèrent
à la putréfaftion, à la trituration, à la macération
y à la dijfotuùon chimique.
Mais cette opération n’eft ni mécanique, ni
phyfique, ni chimique; elle trouve fon principe
dans les lois de la vie ; elle femble être, à proprement
parler 8c comme l'a dit M. Chauflïer, une
véritable dijfolution vitale, laquelle eft favorifée ,
d’ailleurs évidemment, par le mélange avec les
alimens d’une foule de fluides & d’humeurs qui
viennent fe rafîembler dans la cavité du vifeère ,
foit qu’ils appartiennent à l’économie, foit qu’ils
lui foïentétrangers, 8c qui font, d’ une part, la falive
, les larmes, les mucofités des tonfilles, des
glandes buccales, pharyngiennes , 8cc. , les. produits
exhalés de la bouche, du pharynx, de l’oeCo-
phage 8c de l’eftomac lui-même; & , de l’autre,
les boiflons 8c lesfucs inhérens aux alimens.
Ceux-ci font donc pénétrés intimement par
tous ces liquides, qui en écartent les molécules,
les délaient & transforment leurs principes diflo-
c iés , en une combinaifon nouvelle 8c fpéciale, à
peu près identique, 8c à laquelle concourent efficacement,
^température du vifeère, les mouvemens
de périftole & les contractions périftaltiques
qu’exercent fes parois, le foulèvement de la pa^-
roi antérieure de l ’abdomen , l’élévation 8c l’abaif-
fement alternatifs du diaphragme.
Une fois, au refte, qu'en franchiffant le pylore,
le chyme eft forti de l’eftomac pour paffér dans le
duodénum, qui fe trouve diftendu dans tous les
fens 8c furtout tranfverfalement, il ne peut plus
retourner vers le lieu d’où il eit venu , par l’effet
de la conftriètion du pylore. Là, il eft preffe, con-
denfé par la périftole; du duodc-.ium, fe mêle avec
une certaine quantité de fluides muqueux 8c s’ unit
à la bile- 8c au fuc pancréatique, qui arrivent à
{ plein canal dans la cavité de l’inteftin. La véhicule.
I du fiel elle-même fe vide alors. Voye{ B i l e ,
I F o i e , V é s i c u l e .
Lorfque le mélange des alimens 8c de ces divers
fluides eft bien opéré, le chyme, après avoir fubi
d’ailleurs l’ influence des mouvemens de l’ organe
8c de fa température, n’eft plus le même évidemment.
Moins homogène que dans l’eftomac, il
eft aufli plus pu moins coloré en jaune, fur-
tout il partir de 1 infertion du canal cholédoque;
fon odeur aigre, fa faveur acide, ont
i difparu, 8c il eft parfemé de petits filamens blan-
Kk