
vers. Si quelques inCeâes, tels que fes cigales, tes
fauterelles & les vrillettes font retentir les airs de
fons fouvent aufli aigus que peu harmonieux, c’eft
par un mécanifme tout-à-fait particulier & bien différent
de celui qui produit la voix chez l'homme,
les mammifères, les oifeaux & quelques reptiles.
Le fon que produit l’air chafle des poumons,
en traversant le larynx ou l’inftrument de la v o ix ,
étant articulé par les mouvemens de la langue,
des lèvres & des autres parties de la bouche,
donne naiflance à la parole, que l’on peut définir :
la voix articulée.
Dans l ’ordre uni ver Tel des êtres, ce n’était
point affes pour l’homme de percevoir des impref-
iîons, de s’en reflouvenir, de les comparer, d’avoir
des defirs 8c des volontés. La Nature, en
répandant fur lui coûte fa majefté, a voulu qu’il
fortit du cercle invariable de fes befoins phyfî-
ques, qu’il pofîédât des moyens de manifefterfes
voe u x , qu’il enrichît avec bienveillance fes fem-
blables des fruits de fon expérience, que, par
une noble deflination, il pût partager avec eux
fes affeâiioîns , recueillir leurs penfées, faire entendre
les fietmes, de élever ainfi l’édifice de fes
relations morales.
Tout faifoit à l’homme un devoir de cette communication
inutueile » fes befoins naturels, qui
pe pouvoient être foulagés que par le concours
de pluüeurs de l’emploi de leurs forces réunies î
f«s paflion- inftinétives, qui ne pouvoient fe développer
qpe dans les épançhemens d'un heureux
rapprochement j fes connoiffances acquifes, qui
ne pouvaient s’agrandir, fe multiplier, le corriger
que par la tranfmiflïon d’individu à individu.
L ’heureux don de la penfée ne le diüinguoit
donc point afîez des autres animaux. Il a obtenu
la faculté inappréciable d’exprimer, de reproduire
cette penfée, & c’eft par elle qu’il exerce fur les
êtres animés l’empire de la raifon 8c qu’il Tournet
le monde aux ordres de fa volonté.
| Trois moyens le conduifent à ceréfultat. L’exer-
çice de la voix, la tepréfentation de la penfee,
les mouvemens du corps.
En agiffant fur trois de nos fens, l’ouïe, la vue
& le taél, à l'aide des fons, des geftes & des at-
t oLichemens , ces trois moyens donnent naiflance
à trois fortes de langages, la parole , Y écriture 8c
le gejie.
C ’e ft , en effet, dans ces trois conditions que
nous trouvons non-feulement la facilité d’ agir fur
les fens, de commander l’attention, de frapper
l ’imagination, mais encore la caufe des communications
établies entre les peuples, entre les fiè-
cles , par cet art ingénieux de peindre la penfée & de
parler aux yeux, dont les monumens durables renouvellent
les fenfations, prolongent les fouve-
nirs, & , fuiyant la belle expreflipn d’ un philofaphe
moderne, font communiquer enfemble le paifé,
je préfent & le futur.
La parole n’eft qu’ une modification de la v o ix ,
propre à l’homme. L’examen de l’ une ne petit,
pour ainfi dire, point être fëparé de celui dé
1 autre. Je m en occuperai donc fimultanément ici.
C e fujet eft vafte & beau; en le traitant, on examine
le plus bel attribut de l’homme, rinft.rument
le plus actif de fa perfectibilité, celui qui lui donne
le divin privilège d’apprendre & d’enlèigner, & ,
dans le cours des leçons que je faifois fur cette
mauere en 1816 à l’Athénée royal de Paris, les
paroles de l’orateur latin fe retracèrent à ma mémoire
plus d une fois : Jam verà domina reram i f a
loquenai vis , quam efi preclara, quàmque div.itia ,
que, primum efficit ut ea que, ignôramus difeere & ea que
feimus alios docere pojfimus.
. Comme tous les fons, la voix eft le réjfultat d’ une
vibration communiquée à l’air; ce fluide en eft
donc la caufe matérielle; & l’étude phyfique du
fon, quoique plus applicable à la théorie de l ’audition
8c aux expériences d’acouftique, ne fauroiç
être négligée lorsqu'il s’agit de celle de la voix.
M. Cuvier en a bien fait fentir l’importance dans
fonbeau Trai té <£'Anatomie comparée , & les profef-
feurs Halle & Chauffier partagent cette opinion.
Cependant, il devient bien difficile d’expliquer
par U phyfique la formation des fons dans le larynx
de la même manière que dans les inflrumens.
Cette fcience n’eft ici qu’auxiliaire, car la puil-
fance de la vie détermine ici une foule de modifications
dont la caufe immédiate nous échappe 8c
qu’ il eft impoflible au calculateur le plus inftruit
d’apprécier à leur jufte valeur.
Une preuve manifefte de cette aflertion, c ’eft
que la volonté feule rend l’air fonore au moment
où il traverfe le larynx ; fi l’empire de cette pifif,
fance vient à cefler, le paflage de l’air s’effeétue
fans bruit.
D'après les travaux 1 es plus récens, on eft
conduit à regarder l’organe qui, chez l’homme,
produit les fons de la voix , comme un infiuiww
à cordes & à vent tout à la fois.
O r , dans toute efpèçe de fon , 8c plus fpéciale?
ment dans celui qui eft produit par un de ces inf?
trumens , pn diftingue trois ordres de qualités,
Lavoir :
i ° . Le ton, qui dépend de la vitefle ou de I4
lenteur avec laquelle fe fuecèdent les vibrations;
il eft aigu, fi elles font rapides ; il devient grave,
fi elles font éloignées les unes des autres.
z°. Vintenfitéj qui réfulte de l’étendue de ces
mêmes vibrations.
30. Enfin, le timbre, qui tient à des circonf-
tances inappréciées 8ç indéterminées de texture,
de fnbftance ou de figure.
Ces trois conditions exifteot dans la voix de
l’homme ; mais elle offre encore un quatrième
ordre de modifications, c’eft celui que nous repré?
Tentons par les lettres de l’alphabet, c ’eft?à?dire ,
par les voyejles ou fons principaux 9 8c par leurs arti?
culations , ou confoanes.
Dans tin fon produit par une corde, on obferye
conftamment que la vitefle des vibrations, & , par
conléquent, l’acuité du fon lui-même, font en
raifon inverle de la longueur 8c en railbn diredte
de la tenfion.
Toute corde qui donne un ton donne en même
temps ceux des parties aliquotesde fa longueur, 8c
c ’eft force fait que fe trouve bafée la théorie des
lotis fiw moniques.
Les inftrumens à vent font fournis aufli entièrement
à ces deux règles.
Cependant, chez eux, une légère cireonftance
peut amener de grandes modifications & faire
dominer un ton harmonique fur le ton fondamental.
Proportionnément à fa longueur, un tuyau
bouché rend un ton double par rapport à celui qui
elt ouvert. C e phénomène eft très-connu des or-
ganifles.
Pour qu’un infiniment à vent rende un fon, il
faut une lame vibrante à l’entrée du tube que l'air
va traverfer, ou bien il eft néceflaire que l’orifice
de celui-ci foit difpolé de manière à faire vibrer
l ’air lui-même 8c feul.
C ’eft en cela que confifte la différence des inf-
trumens à anche 8c des inftrumens à bouche
Dans ceux ci l’air feul eft fonore. Dans ceux-là,
on trouve fur le trajet de l’air desefpèces de cordes
fonores, car on peut raifonnablement confiderèr
comme telles la lame unique ou les deux lames
minces & vibrantes qui font deftinées à intercepter
& à permettre alternativement le palfage d une
colonne du fluide atmofphérique.
Dans ce dernier cas donc, l’anche produit 8c
modifie les fons.
Quant au tuyau qu’on y adapte, il n’influe nullement
, à ce qu’il paroit, fur le ton du fon; il ne
modifie que ion intenfîté & fon timbre. A
quoi tient cette particularité ? C ’eft ce que les
phy ficiens ne me paroiflent pas avoir encore explique
d’une manière bien làtisfaifante.
Qui pourroit fe refufer à voir dans l’organe de
Ja voix de l’homme un véritable jeu d’initrument
combiné, avec toutes les circonitances pioppes à
•mod’fier le fon, telles que nous venons de îes indiquer
dans les propofitions précédentes?
Les poumons, en ch«flant 1 air.. fqnt l'office
d’un foufflciÿ la trachée-artere peut être confideree
comme une elpèce de porte-vent ,• les lig.imens de
la g;otte reprelcntent \‘anche, les iames vibrantes
ou les cordes de 1 înitrument ; c’elt au point qu ils
occupeni q<.e le trouve produit le Ion, dont l'acuité
8c la gravité dépendent du dcgie plus ou
moins grand de dilatation ou de reflerrement de
la gloc.e, 8c non point uniquement de la tenfion
ou du relâchement des lèvres de cette ouverture,
comme l’a voulu Ferrein; le nez & la bouche
tranimettent ie fon au deliors & modifient feulement
le timbre & i’intenfite, de même que les
tuyaux adaptés aux anches dés inftrumens de iïm-
fique, dont les le Vf es forment le pavillon,
C e réfultat fi fimple & qui paroît fi fatisfaifant,
eft le fruit de longues & de pénibles recherches.
On n’y eft arrivé au’après avoir détruit une foule
d’erreurs accumulées les unes fur les autres, dans
les temps malheureux de l’enfance de la ptoyfiolo-
•gie. Qu’il me foit permis de jeter en arrière un
coup d ’oeil fur une partie des hypothèfes qui fe
font évanouies devant le flambeau de l ’obfervatioa
8c de l ’expérience.
Ariftote , dans fon Hifioire des animaux 8c dans
fon Livre dos problème a, avoit pourtant déjà reconnu
l’influence de la glotte dans la prodüdtion
de la voix, mais Galien a gâté cette idée fimple
8c jufte, en vendant que les divers tons f'iffent dus
à I alongement 8c au raccourciffement de la trachée-
aitere.
L'habitude de jurer in verba mag’firi fit admettre
cette erreur fans aucun examen. Ettmalier,
J. Fenvel & Véfale, fi exaèi & fi judicieux d’ailleurs,
l’emb’ afferent aveuglément, 8c pendant
long temps dans les écoles, la doétrine de Galieii
Fut enfeignée & propagée exclufivement.
Elle trouva cependant quelques détracteurs.
Parmi eux , nous pouvons citer W ed e l, qui, dans
fes Exercices de médecine philofophique, a attribué
à la luette la variété prodigieufe des inflexions
de la voix humaine. C ’étoit remplacer une erreur
par une autre non moins grave. Quo avulfo non
déficit atter, ( V i r g i l e . )
Dans le feizième « è c le , le célèbre Jérôme
Fabricio, fi improprement défigné parmi nous fous
le nom de Faorice diAquapendentt, entrevit la véritable
théorie de la voix de l’homme.
Son difciple Cafïerio, de Plaifance, auquel
nous devons un Traité des organesde la voix & de
i’ audition orné de fort belles planches, adopta la
même manière de voir. Mais tous les phyfiolo-
giftes ne furent pas auffi fages, & cette théorie,
U’abord très-bien reçue, fut négligée 8c même totalement
abandonnée.
A une epoque plus rapprochée de nous, Claude
Perrault, architecte & médecin, décrié fouvent
fans raifon par le iatirique Boileau, mais auquel la
pofterité a déjà rendu juftice Tuf plus d'un point,
Perrault, dis je , dont lé portrait décore une dés
falieS de la Faculté de médecine de Paris, penfa
que les fons conliftoient dans les vibrations de là
glotte C'elt cette idée qui conduifit Conrad Amman
à un mode d'enfeignttïu nt particulier pour les
lourds 8c muets de naiflance, enfeignernent qu’ont
luivi 8c perfectionne fiu ceflivement le philanthrope
abue de Tbpee & l’abbe picard.
Polteiieuïcmcnt encore, c ‘eft-à-dire, dans les
premières années du fiecle dernier, Dodart compara
la glotte a une anche, & prétendit que les
lèvres de ectre ouverture étoient formées par des
ïnulcies d’ ti'ne nature particulière, uniques agent
de ton reTreciffcmJnt & d'un mécanifme qu’ il aflt-
lûiie à celui des lèvres dans l'action de fiîfier. Tels
font les rélùlucs que j’ai tirés de la lecture des