DISCOURS PRÉLIMINAIRE.
T Jn illustre écrivain, aussi remarquable par la facile fécondité de son esprit,
que par la masse imposante de connoissances en tout genre qu’il possédoit, un
homme, que l’Histoire distinguera parmi ceux qui ont honoré les sciences dans
le cours au dix-huitième sièclé , Félix Vicq-d’Azyr, après avoir interrogé la
Nature par la voie de l’expérience et déployé des forces presque surnaturelles
pour la recherche de la vérité, avoit entrepris de donner l’inventaire de nos
connoissances en Anatomie, et, dans un même ouvrage, avoit voulu réunir,
sous un seul cadre, le fruit de ses propres découvertes et les résultats des travaux
faits par les plus célèbres zootomistes et anthropotomistes qui l’avoient
précédé dans la carrière. Mais ce bel ouvrage est resté incomplet ; la Mort, qui
ne respecte rien de ce qui est bon et utile, a enlevé son auteur avant qu’il ait
pu mettre la dernière main au monument qu’il élevait à la première comme à
la plus importante des sciences naturelles, à celle qui donne à l’homme la con-
noissance de sa structure, lui sert à expliquer le jeu de tous ses organes , et lui
enseigne la part qu’a chacun d’eux dans l’exécution des actes variés qui entretiennent
sa vie ; à celle qui fournit à la vie les armes les plus puissantes avec lesquelles
on puisse combattre la mort.
Non content d’avoir recueilli toutes les observations faites en anatomie jusqu’à
lui, d’en avoir fait lui-même un grand nombre de nouvelles, de les avoir
coordonnées , il avoit commence à en extraire' des vues générales avec une
finesse et une justesse qui commandent notre admiration, tout comme l’ordre
qu il a ^su mettre dans ses idees, et la clarté de sa diction dans des ouvrages
aussi diversifiés que les siens, doivent faire le désespoir de ceux qui , venant
après lui, n^ont , au lieu de la même puissance , de la même universalité de
genie, du meme talent pour revetir leurs pensées des couleurs les plus vives et
les plus ^énergiques, à presenter a 1 impartial, mais inexorable jugement du public
, qu’un désir d’être utile assez vivement senti pour leur faire dévorer toutes
les difficultés que l’on éprouve, pour leur faire mépriser tous les obstacles que
1 on rencontre sur sa route, dans le cas même où, soutenu par la flatteuse espérance
de remplir honorablement la tâche qui nous a été imposée avec la
vie , on a conçu le louable dessein de contribuer en quelque chose au bien-
être de ses semblables. Combien ne devons-nous donc point craindre de ce
jugement, nous qui n ignorons point que notre zèle seul a pu nous faire oublier
1 insuffisance de nos foibles moyens, et qui avons pourtant entrepris de
disposer convenablement les matériaux que de laborieuses recherches qous
ont mis à même d.e croire pouvoir consacrer à l’achèvement d’une entreprise
que le Temps, qui se joue des projets des hommes, avoit semblé condamner
à rester long-temps imparfaite, toute importante qu’elle paroissoit devoir
être aux progrès delà médecine, cette noble science conservatrice du plus bel
edihce vivant de la Nature !
Nous n’avions pas seulement, au reste, à compléter ici tout ce qui a rapport