
ténuité des particules odorantes eft bien moindre
que celle du calorique ou de la lumière : jamais,
par exemple, les odeurs ne traverfent le verre.
11 y a des corps odorans , parce que tout ou
partie de leur fubltance eft volatil 8e s’exhale
fans ceffèj'on en voit qui ne le deviennent que
dans certaines circonftances : ainfi les Tels qui
renferment de 1‘ammoniaque la laiflent échapper
lorfqu’on les foumet à l’aétion d'un alkali plus
fort, &c.* C’eft à peu près de la meme manière
que la préfence ou l’abfence de la chaleur, de la
lumière, de l'humidité, peuvent donner de l'odeur
à certains corps. L ’argile n’en a que lorf-
qu’elle eft humeéfcée.
Les odeurs peuvent, par la voie d’affinité, fe
combiner avec divers corps ; le même moyen peut
fouvent contribuer à les détruire. Ellés adhèrent
auftî de préférence à certains corps appropriés à la-
nature de chacune d’elles; quelques-unes font
retenues plus facilement dans les liquides fpiri-
tueux ; d’autres dans les huiles. C’eft l’alkohol
qui eft le meilleur véhicule de l'odeur des fubf-
tances balfamiques ; ce font furtout les corps gras
qui fe chargent de celle des fleurs de la famille
des liliacées, comme, la tubéreufe. Les gants
confervent parfaitement celle de l’ambre; le papier
& le coton celle du mute; la laine retient
trop fouvent les odeurs fétides, & les anato^
milles Lavent que leurs habits font pour long
temps imprégnés des miafmes répandus dans lès
amphithéâtres de difleêtion.
Les molécules odorantes ne réfîdent pas à un
même degré d’énergie dans toutes les parties d'un
même être, & leur adtion varie beaucoup luivant
l’état dans lequel fe trouve la partie qui en eft
chargée : ce qui eft encore une nouvelle preuve
que l’arôme n’eft point un principe particulier ;
mais une émanation des particules conftituântes.
Ainlï nous favons que dans Y Iris forentina, la
racine feule eft odorante; que dans lè Nârcijfus
junquiUa , dans le Convallariamaialis, c’eft la fleur
qui jouit de cette propriété, de même que dans
le Philadelphus coronarius, &c. Nous favons aufli
que bien fouvent cette odeur s’évanouit avec la
vie de l’être qui la produit. Ainfi l’Agaricus odorus
qui, pendant fa vie, fe fait reconnoître au loin
par fon odeur de mufe 8c d’anis , devient inodore
par la déification. Il fuffit de froifler entre les doigts
une fleur de violette ou de réféda 'pour lui enlever
fon odeur, tandis que dans quelques autres cas, le
même procédé peut en développer une que la vie
tenoit pour ainli dire enchaînée : c’eft ce qui arrive
aux feuilles du Mynus commuais en particulier, &
aux graines du Nigella damafcoena.
On a obfervé que plufieurs plantes ne font
odorantes que de nuit, tandis que d’aiitres ne
poffèdent cette qualité que pendant l’ardeur du
foleil. Théophraffe parle d’une plante qui a plus
d’odeur la nuit que le jour, 8c que Glufius nommé
Hefpcris fyriaca. Jacques Cornut décrit également
un Géranium noftu olens, dont l’odeur de miifj
difparoîc au lever du foleil. La plupart des plantes!
de la famille des nyétaginées, & en particulier le]
Mirabilis longiflora , font dans le même cas : re-|
marque que l’ on peut encore faire au fujet des!
onagres, & fpécialement pour les (Enothera/ « J
veolens 8c odorata. On fait que c’eft furtout le foij
que les bofquets de genêt d’Efpagne (GeaÿJ
juncea) biffent exhaler leur délicieux parfum. Au)
refte, Sennebier a expérimenté que l’abfence def
la lumière n’influe pas toujours fur l’ odèur des
fleurs* Des jonquilles qu’il avait fair venir dans uni
lieu obfcur avoient confervé leur parfum.
Les odeurs font fufceptibles de préfenter une!
foule de variétés dans la manière dont elles font!
produites. Ainfi du mélange de deux corps ino-|
dores on voit fouvent réfulter une odeur très-vive,
comme quand on broie enfémble de la chaux vive
8c du muriate d’ammoniaque. Olaüs Borrichiusditl
qu’après avoir été pilées 8c triturées pendant
long-temps (trois femaines) plufieurs heureschaque
jour, des éméraudes, des; hyacinthes, des faphirs,]
des rubis 8c des perles , répandirent une odeur de
violette très-prononcée. Anfides adhibenda ?
■ Quelquefois c’eft par le mélange de l’eau avec
un corps inodore qu’on voit fe développer miel
odeur, 8c c’eft en particulier ce qui a lieu quand
on verfe dans ce fluide une folution de camphre
dans l’acide fulfurique. 11 arrive encore qu'en mélangeant
deux corps d’une odeur non agréable,onj
én obtient une très-douce, comme quand onj
| unit de l’acide nitrique & de l’alkohol ; & ce fait
n’a rien de bien étonnant, car les corps compofés
ont le plus ordinairement des qualités qui ne tien|
nent en rien de leure compoîans. Ainfi, fi l’on]
dillilleun mélange d’une partie d’huile volatile de
térébenthine & de deux parties d’acide fulfurique,
on a une odeur de foufre; & fi l’on pouffe le feu,le
réfidu répand celle de l’huile de cire. L’odeur de
l’ambre augmènte beaucoup lorfqu’il eft joint au
mufe; & l’eau de mélilot, qui eft prefque inod
dore, rend bien plus marquées les propriétés de
plufieurs eaux de lenteur.
Certaines odeurs de plantes fe développent par
la déification ; celle des mélilots, des graines du i
Trigonelluftnum-gr&cum }8q la fève tonka (Ibryo/ffid
iongo, Gært. ) , font dans ce cas.
Le mouvement 8c le frottement font fréquem-1
ment un moyen défaire dégager des odeurs. Quand
on tourne le bois de hêtre, on fent le parfum des
rofes. Aldrovandi aflure que fi on frappe avec un
marteau les pierres de Mariembourg, il en fort une
odeur de mufe ; ce que Anfelme Boëce de Boodt
avoit dit avant lui. Un fort frottement développe
aufli une odeur fétide dans un grand nombre de
minéraux, & l’on connoît la propriété du quart*
fétide, des pierres de Bologne, 8cc., On fait au H
qu’en frottant les métaux, les réfines, b cir®*
cacheter, 8cc. , on en fait dégager des Particue
odorantes. Le trajet de la feie à travers les ose
foit exhaler une odeur bien connue des anato- j
(pilles, & tout-à-fait particulière.
E fl eft des odeurs, comme celle du mufe, qui
Varient fuivant la diftance à laquelle on les fent ;
i $ grappes fi célèbres du henné ( La-wfonia iner-
fas Linn.), dont les beautés de l’Orient fe décodent
avec orgueil , répandent au loin les plus doux
(parfums, mais dès qu’on les flaire de près , on eft
frappé de l’odeur fpermatique la plus décidée.
I Si quelques végétaux perdent en fe décomposant
leur feridité naturelle, comme la Stapelia va-
|;(cata 8c le Phallus impudicus, il faut cependant
remarquer que prefque tous les corps en putré-
Mion produisent des émanations infeétes & dan-
jgereufes, furtout ceux qui ont appartenu à des
animaux; néanmoins l’extrait d’urine de vache,
celui de la bile de l’homme 8c des animaux, fen-
(tent le mufe lorsqu’ils commencent à fe corrompre.
F 11 eft aufli bien certain que chaque efpèce &
taême chaque individu répand autour de lui une
/odeur particulière, & qu’il fe trouve toujours
{comme enveloppé d’une atmofphère de vapeurs
animales, fans ce fie renouvelées par le jeu de la
nie. Alexandre-le-Grand, au rapport de Plutarque,
\tndoit une odeur fort juefve, de maniéré que fes che-
\nifes & veflemens mefmes en efioyent remplis dé
forme odeur , comme s'ils eujfent efiêparfumej. On a
nu des perfonnes exhaler de tout leur corps, ou
fi’une de fes parties feulement, une odeur dé
noufre, d’autres répandre une odeur à peine fup-
»ortable, 8c même repouffante. C’eft par l’odeur
Spéciale que fournit autour de lui chaque individu
animé, que nous pouvons expliquer comment le
pien diîlingue la pifte du lièvre de celle du renard,
8c celle du loup de celle du cerf. V’oilà aufli
pomment nous pouvons nous rendre raifon de la
panière dont le même animal, en courant dans un
pfpace où fe trouvent renfermés plufieurs cerfs,
jjlémêîe à la trace celui fur lequel il a été d’abord
lancé, fans fe laifler égarer par les rufes que l’ani-
pnal pourfuivi s’efforce d’oppofer à cet inftinét fi
jur & fi dangereux pour lui. C ’eft encore ainfi que
les animaux d’un ordre inférieur font .avertis de
■ approche du lion.
Si chaque efpèce, fi chacun des individus qui
Pa compofent, ont leur odeur'fpéciale il n eft
pas moins certain que chaque fexe, chaque âge,
r n répand une qui lui eft particulière ; & , fuivant
'la remarqueingénieufe d’un médecin moderne, le
flimat que l’homme habite, les alimens dont il fe
Pourrit, les pallions auxquelles il fe livre, le
«enre de travail qui l’occupe, 8cc., modifient
Ptferemment les humeurs qu’il exhale, d’où
plultent néceffairement des odeurs differentes.
L ^ ans temps de la iadation , les excrétions
r es enfans, toute l’habitude de leur corps, don-
pnt la fenfation d’une odeur aigre que tout le
ponde connoît. Cette odeur difparoit dans le
mâle à l’époque de la puberté, pour être remplacée
par une autre très-forte 8c très-marquée, 8c
légèrement fétide, qu’on obfervé rarement chez
les femmes.
Il eft probable que nos forces digeftives n’afli-
milent jamais fi parfaitement nos alimens, qu’il ne
refte quelques-unes de leurs parties qui ne l’aient
pas été entièrement. C’eft principalement fur les
urines que porte l’odeur particulière des alimens
& des boinons. La fuêur n’en eft pas non plus
exempte : la truffe 8c l’ail lui tranfmettent leur
odeur.
Eft-ce réellement le climat qui donne aux Nègres
l’odeur forte ..qui: les cara&érife, aux Eski-
maux, aux Groënlandais, celle qui éloigne d’eux
toute perfonne un peu délicate? Lorfque des
troupes de Cofaques ont paffé fur une route, on
fent encore leur odeur plufieurs heures après.
Les paflions , avons-nous dit, influent aufli fur
la nature des odeurs exhalées. Dans une trifteffe
profonde , on perd celle qui caraélérifoit la fanté
habituelle. La colère & la terreur augmentent
prefque fubitement la fétidité de là rranfpiration ,
furtout celle des aiflelles; les vents & les felles
qui font l’effet de la frayeur font d’une puanteur
infupportable , dit M. Landré^Beauvais.
D’après tout ce qui vient d’être dit des odeurs *
il eft naturel de penfer qu’on a dû chercher à les
claffer, à les réunir par groupes autant que leur
nature le pouvoit permettre, afin de les recon-
noître & ae pouvoir les défigner plus facilement*
On a imaginé un grand nombre ae claflifications
des odeurs ; mais celles qui fe préfentent fous
rafpeét le moins incomplet, font celles de Lin-
næus & de Fourcroy.
Linnæus rapportoit les odeurs à fept fe&ions
principales : i°. les odeurs aromatiques ( odores
àromaticï) , comme celle des fleurs d’oeillets, des
feuilles de laurier, &c. ; i° . les odeurs fragrantes
(odores fragrantes) 3 comme celle des fleurs de
tilleul, de lis, dejafmin, & c .; $°. les odeurs am-
brofiaques (odores ambrofiaci), comme celle de
l’ambre, du mufe, de l‘Allium mofehatum, & c .;
4 °. les odeurs alliacées ( od. alliacei), agréables
pour les uns, défagréables pour les autres,
comme celle de l’ail, de i’afla foet^la & de plufieurs
autres gommes-réfines ; $°. les odeurs fétides
(od. hircini) 3 comme celle de YOrchis hirçina
(D ecand. ) , du Ckenopodium vulvaria (Lmrr.), du
bouc, &c. ; 6°. les odeurs repouffantes (od. tjitrf)*
. comme celle du Tagetcs patula & de beaucoup de
plantes de la famille des folanées; y °. enfin , les
odeurs nauféeufes (od. naufei), comme celle de6
fleurs de J^eratrum , de Stapelia variegata3 8cc.
Fourcroy les divifoit en cinq genres, ainfi qu’Ü
fuit :
1er. Genre. Odeurs extra&ives ou muqueufes.
Elles font foibles, herbacées, peu durables;
l’eau qui en eft chargée tient en folution un extrait