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Après Ariftotey.nous trouvons une lacune dans
la fciencë, car depuis lui jufqu’à Th.éophrafte,
qui lui fuccéda i6o>ns environ avant notre ère .
on ne vit paroître aucun anatomiffe. Ce dernier,
qui créa 1 anatomie des végétaux n'a voit cependant
point négligé,cejle 'des animaux, puifqu'il a
attribué au volume du poumon du caméléon, la
faculté qu'a ce reptile faurien de-changer de cou-
lèur. •
L'afyle que- le choifirent les favans, après la
mort d Alexandre &c celle d'Arifiote, eft un point
remarquable dans Thiftoire fcièntifique de ces anciens
temps. Une école célèbre s'établit alors à
. Alexandrie 5 elle fut protégée-vivement par plu-
lieurs princes très-çclairés ., qui l e . fuccédèrent
dans le,gouvernement de cette puifi'ante' cité ,
& qui fembloient avoir puifé à la cour du fils de
Philippe , un gôdt marqué po*ir l’étude. Ptoié-
mée Philadeîphe 8c Ptolémee È-vergète, en particulier,
formèrent alors dans ce lieu une bibliothèque
immenfe & recoururent -cous les favans.
• Ce fut vers cetté epoque qu'Hérophile, médecin
de Ptolemée Soter, & Erafilirate, médecin
de Seleucus Nicanor, roi de Syrie J oferent les
premiers porter un oeil fcrutateur fur de-s cadavres
humains. Par l'ordre de leurs fouverains, amis
zélés des Iciences, les corps des criminels condamnés
ail lupplice leur furent livrés >~8c l'anatomie,
créée en quelque forre par eux, fortit
amrs de la nuit du chaos. -Mais qui pourroit
échappera 1 envie du (lu pi dé vulgaire en matière
de fcience ? On effaya de flétrir le nom de ces.
layàns courageux en les acculant d'avoir difféque
de's hommes vivàns } calomnie atroce que Tertul-,
lien n’a pas peu contribué à accréditer. Seroit-il
dOne probable que des hommes- à peine, aguerris
avec là mort, aient monté fi vite à un tefexcès
de hardieffe & de barbarie ? Déchirer en détail
des malheureux, fe repaître des cris de la douleur,
& , comme l’ a dit Tertullien lui-même , dé-,
tefter les hommes pour les connoître, c’eft une
fcéleratéfie, une atrocité d'ame qui, quel qu'en
foit le motif, ne petit trouver grâce aux yeux de
l'humanité. 11 nous paroîr auffi difficile de croire
un pareil fait, que de Je jnftifier.
trauflrare , du refte-, entrevit les vajffeaûx
chylifères fur les entrailles d'un chevreau qui
aVoit bu du lait5 mais _ii n'en fuivit le trajet que
j in qu'aux ganglions méfentériques feulement, & fe
méprit fur leurs fondions. Il les regarda,en effet
comme des artères^ qui ne dévoient contenir que de
L’air} & où le lait étoit entré, par accident.
. Le même anatomjfte, en découvrant, l'qefo-
phage, a réfuté Terreur dans laquelle étoit tombé
Platon, quand il croyoit qüe l ’air & les ali-
mens entroient a la fois dans I’eftomac par la-trachée
artère-. 11 aperçut auffi les ventricules du
cerveau & les valvules des ouvertures du coeur •
C'eff: lui qui a même imp.ofé à ces_dernières les
noms qu'elles conferv^nt encore aujourd'hui.
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Hérophile étoit de Carthage. Le premier, il fit
des nerfs les agens des fenfations, & décrivit
l’origine de ces organes.il donna au duodénum le
nom par lequel on le défîgne encore aujourd'hui.
Il indiqua l'arachnoïde, la rétine, îesûnus delà
dure-mère. Auffi l'endroit où plufieursdeceux-ci fe
réunifient dans la région occipitale, eft appelé, par
la plupart des anatomiftes & en fon honneur,
torcular Herophili. Enfin, il développa la théorie
du pouls, imaginée par fon maître Praxagoras.
Aucun des ouvrages d'Erafiftrate & d'Héro-
phi le n eft parvenu jufqu'à nous. Nous ne pouvons
nous faire une idée de leur mérite que par
certains paftagés des (Euvres du polygraphe
Galien, de Pergame , dont nous allons bientôt
parler, il paroît auffi qu'Eudême, leur profec-
teur, connut affez bien Tofteologie & découvrit
le pancréas.
• Après ces deux grands anatomiftes, qui avoienc
donné à la fcience une vive impulfion, il paroît
gue l’anatomie fut négligée, & que Ton fe borna
à faire des cours d’ofiéologie dans cette école
d'Alexandrie naguère fi brillante , 8c ou les dif-
putesde mots ne tardèrent pas à uftirper la place
d'e Tobfervation & à faire négliger les recherches
expérimentales. Alexandrie cependant conferva
toute fa renommée} il fiaffifois d'avoir étudié dans
cette ville pour jouir alors de la réputation la plus
dillinguée, ou pour mériter la confiance publique,
tant. a. Rome que dans tout le refie du monde
civilifé à cette époque. Près de 300 ans après
Erafiftrate 8c Hérophile, elle floriffoit encore.
Cependant , moins fieureufe que la plupart des
autres fciences, à Rome, même, m.aîtrefie alors
de T Univers, centre de tous les beaux-arts, lieu
de réunion de tous les favans, de tous les gens de .
lettres, 1 anatomie ne put jouir d’aucune faveur.
Les mêmes préjugés que nous avons vu régner
chez les «Grecs* s'oppofoient à fes progrès dans
la grande Cité. On y avoit en horreur quiconque
avoit touché un cadavre, & l’on y brûloir auffi
les morts. Bornés à la fimple étude des* os qu'ils
po.uvqient recueillir fur les bprds.de la mer ou les ;
rivages des fleuves, qu'ils' découvroient fur le fol
de.s cavernes, ou qu'ils re.ti.ro.ienrdu fond des fé-
1 pulcre.s , les; médecins romains ne pofiedèrent
j jamais Ain fqueLette'complet,. 8c ne purent même |
j connpîfre à fond Toftéologie.
, Archàgatus, le premier.médecin grec qui vint
s’établir à Rome, où il fe fit détefter par.la har-
diéffe avec laquelle il employoit le fer 8c le feu
J dans le traitement des maladies 5. Afclépiade, qui, ’
j ioo ans après; lui., fuivit une marche toute.con-
! traire, 8i paifa cependant pour : l'inventeur de la
trachéotomie} Caffius, fon feétateur, 8c Thémi-
fpn, difctple de celur-ci & fondateur de la fecle
des méthodifiës, furent bien éloignés de faire .
faire.des. progrès à Tanatomje, donc ils ne paroif-
fent s'être occupés, nullement.
1 Depuis.îe démembrement de la grande monarchie
d’Alexandrie jufqu’ à Marinus, qui vécut fous
Néron, c'eft-à-dire > dans un efpace de 130 ans
environ, ort ne trouve plus aucun anatomifte à
citer. Ce Marinus, aù rapport de Galien, eut la
gloire 4© remettre l'anatomie en honneur, &
découvrit le nerf grand-hypogldfie.
Avant lu i, cependant, il convient de fignaier,
fous le règne de l’infâme Caïus Ca'igula, Aùlus
Cornélius Celfus, fi connu par fon traité De te
me die â , ouvrage dont le flyîe pur & fleuri a mérité
à fon auteur le furnom de Cicéron des médecins.
.S’ il a peu fait avancer l’anatomie, il a du moins
fu confërver les connoiflances acquifes en ce
genre.
Plus tard, au temps de Domitîen, Arétëe de
Cappadoce reétifia pJufieurs erreurs échappées
:à fes prédécefleurs , renouvela les explications
données par Caffius , aperçut les tubes qui, dans
le rein, tranfmettent l’ urine aux baflinets, diftin-
gua deux tuniques dans les parois des intef-
rins, &c.
Après lu i, fous le règne de Trajan, Ruffus
d’Ephèfe, quoique n’ayant difféque que des fin-
’ g e s , a fu fixer les dénominations données aux
différentes parties du corps,à l'époque où il écri-
voit. H a décrit avec foin le pavillon de l’oreille,
§t thymus, le nerf pneumo gafteique même. 11 a
parlé auffi de l'adhérence de la dure-mère aux os
du crâne.
: Remarquons encore que dans le grand nombre
.d’années écoulées depuis la fondation, de l'école
Stagyre, par Arifiote , jufqu’à l'époque où
nous fommes parvenus, nous ne pouvons guère
f.citer que deux hommes qui femblent avoir eu
' quelques connoiflances générales en anatomie
comparative-. Excepté eux , aucun auteur , à
notre conhoifiance du moins, ne s'eft occupé de
faciliter l'étude de cette fciénce. L’un de ces deux
hommes laborieux eft Caïus Plinius Secundus,
furnommé T Ancien -, 8c fi connu parmi nous fous
' le nom de Pline lenaturalifie. Il vivoit dan$ le pre- |
■ mier fiècle de notre è r e , fous le règne des empereurs
Vefpa'fién 8c Titus. Cetijluflre écrivain,
I auffi célèbrepar la fécondité de fon efprit que par
le genre de fa mort, eft refté fous ce rapport
beaucoup ati-deffous de fôn prédéceffeur Arifiote.
..Les endroits où il veut parler d'anatomie font
remplis de confufion. Trop crédule d ’ailleurs,
trop amateur des prodiges, n'attachant point afièz
d'importance aux faits-qu’il pouvoit vérifier par
lui même, fine s'eft occupé qu’ à recueillir ind'if-
tinclement & fans ch o ix , ce qui avoit été dit ju f - .
qu’à lu i, & h fcience n’ a fait aucun progrès par
(fes foins.
Un feul homme pouvoit pafler Pline fous ce
rapport défavantageux, & c 'e ft celui pourtant dont
fious^vofis naguère annoncé Texiftence, le fèül
auffi que nous purflïons citer après Pline} C’eft le
fophifte grec Claude Ælien, qu’on a confondu 4
tort avec deux autres ÆJien * Tui) qui yiyoit fous
l’empereur Adrien, & autëur d’ un Traité de tactique
militaire} l'autre, né à Prénefte, aujourd'hui
Paleftrine, 8c qui floriffoit fous Hélioga-
bale 8c Alexandre-Sévère. II paroît bien certain
que le zoologifte Æ iien , touchant lequel on ne
fait rien de bien pofîtif aujourd’hui, elfc un troi-
fième perfonnage de ce nom. Quoi qu’ il en fo it, il
eft le père de toutes les erreurs q u i, pendant fi
long-temps, ont fouillé Thiftoire des animaux én
général, & dont on cherche aujourd’hui à la purger.
Aïnfi que celui de Pline, fon livre eft une
compilation prefique flérile pour l’anatomie comparative
} mais cette compilation e ft, de plus , dé-
I nuée du ftyle fleuri & des penfées brillantes fi familières
au premier. C ’eft le recueil d’une multitude
de faitSpris de tous côtes . & entaffés fans ordre
par un homme qui n'avoit adopté aucun plan, qui
ne fuivoit aucune méthode.
Mais, après tous les perfonnages que nous
venons de fignaier à la reconnoifî’ance de la pof-
térité, parut Galien, de Pergame, lequel vint
s'établir dans la capitale de l ’Empire à l'âge de
32 ans, & fut médecin de Marc-Aurèle. Quoique
ternie par le peu de courage qu’il montra lors
dAe la pefte qui ravagea Rome, fa réputation a contre
balancé celle d’Hippocrate. De tous les Anciens,
il eft celui qui à écrit avec le plus d’exactitude
fur l’ anatomie, fcience qu’ il enfeigna dans la
cité fomaine après Tavoir apprife à Alexandrie,
fous Pélops. Avant lu i, les médecins des armées
impériales étoient fi peu inflruits en ce genre,
qu’ils ne connoiffoient pas même l’oftéologie,*èc
qu’ayant eu occafion d'ouvrir le corps d’un fol-
dat , ils ne purent qu'avec ëe grands efforts
défigner le nom & la pofîtion des principaux vif-
cères.
C e fait, que Ga’ien raconte lui-même, & plu-
fieurs aütres p a fil ges de fes écrits, fembleioient
annoncer qu'il difféqua des cadavres d’hommes ,
& q u e ,d e fon temps, les. médecins profitoient
des événemens de la guerre pour s'en procurer.
C e qu'il y a de certain , c ’eft que toutes les fois
que Galien donne des détails approfondis d'anatomie
, c ’eft dans les animaux qu’il va les çher^
cher.
U a difféque en effet une foule d’animaux diffé-
rens, & notamment des finges fm.s queue, des
orang-outangs, dont l’ organifation fe rapproche
beaucoup de la nôtre. Il a découvert les mufcles
poplité, fterno-hyoïdien & thyro-hycïdien, les
mufclës lombricaux & inter-ofiéux, les arjafto-
mofes des veines & des artères, le trou de la
cloifon inter-oriculaire chez le foe tus, les liga-
mens dé la colonne, vertébrale & le nerf acouf-
} tique. Mais il ne connoiffoit ni le nerf olfaélif, ni
lë nerf pathétique.
Après Galien, la fcience languit long-temps &
ne fit aucun progrès remarquable. Habitués à
tout juger d’après les paroles du maître, les fuc-
^efleurs de ce gjand homme, pendant une longu®
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