
met, ne trouvoit fur la terre rien de plus délicieux
eue les femmes & les parfums. Le fens de l ’ol-
faétion ne feit donc pas feulement à notre confer-
vation par fes liaifons avec le goût ; mais, nous
le répétons., il contribue encore au charme de
notre exiftence: la rofe, le jafmin, ne font cultivés
que pour nous récréer par leurs émanations, l’art
du parfumeur n’a également que ce même but.
N'oublions pas non plus que certains animaux
font porteurs d’une odeur forte qui fert à leur dé-
fenfe. Ainfi les ftaphylins, âi: en particulier le
Siuphy/inus olcns, ont à l ’extrémité de l’abdomen
deux véficules rétraébiles qui biffent exhaler line
humeur fpéciale , d’une odéur de citron dans plu-
fieurs efpèces, & qui empêche les ni féaux de les
ïaifir pour les dévorèr. Les coccinelles ( Coccinella
feptempunft.ua, C. decemguttatai C. bipufiülaia, & c ) ,
la chryfomèle du peuplier ( Chryfomela populif ont
auffi des glandes femblables, qui, dans les premières,
donnent un liquide dont l’odeur eft celle
du malate de fer. L'Hemoroôius perla dont la larve
eft fi connue fous le nom de lion des pucerons, porte
l’odeur la plus répugnante, & en imprègne les
mains qui l’ont touché. Seroit-ce dans ce même
but de confervation que la Nature auroit donné
à certaines, graines, comme à celles de beaucoup
d’ombellifères, une odeur forte & repouffante
?
Sous le rapport médical, l’odorat peut être auffi
fort utile au médecin dans l’exercice de fon art.
On fait que les nourrices diftinguent bien les
nuances de fanté de leurs enfans à l’odeur des déjections
alvines de ceux-ci. La phthifîe pulmonaire,
la fièvre'adynamique, la variole &c toutes
les fièvres éruptives., la gangrène, ont bien certainement
une odeur fpéciale 6c propre à fervir de
caractère. Dans l’ iétèrfe, les matières ftercorales
contractent fréquemment une odeur acide. L’embarras
gaftrique, l’éiéphantiafis, le feorbut, l’o-
zène, & c ., donnent, à l’haleine une fétidité bien
reconnoilîabje. Elle acquiert une puanteur infou-
tenable chez les pe.rfonnes qui font affrétées d’un
ulcère carcinomateux de l’eftomac; combien de
fois n’ai-je pas eu occafion de m’en convaincre
dans le cours de rfion fervice à 1 hôpital de la
Clinique interne de la Faculté de médecine de
Paris, lieu où les maladies de ce genre font fpé-
cialement traitées ! Elle préfente auffi une odeur
b:en caraétériftique chez ceux qui font attaqués du
ptyalifme mercuriel, &c un médecin exercé n’a
pour ainfi dire point befoin d’autre ligne que de
celui-là, pour établir fon diagnoftic, de même
qu’en entrant dans la chambre d’ une accouchée,
il devine à l'odeur aigre qui le frappe , que la fé-
crétion du lait s’ opère convenablement, ou prêche,
en reconnoiflfant des émanations alkalefcentes,
qu’ une maladie grave va fe déclarer chez cette
femme qui paroit encore allez bien portante. Les
croûtes de la teigne faveufe ont l’odeur d’urine
de fouris; & c.
C ’eft auffi par l’odorat, fuivant h remarcJ
ingénieufe de Bprdeu, que le praticien jugeJ
fainement de la qualité des fécrétions & excrél
tions , 8r qu’ il pourra aîTeoir un pronoftic conve]
nable. Dans tous les temps, en effet, les niédel
cins cliniques ont mis ce fens au nombre de le J
moyens d’ i veftigation dans l’étude des maladies]
particulièrement dans les provinces méridionales]
çù‘ les odeurs font toujours plus prononcées. Ah]
jourd’hui même on trouve cette opinion générale]
ment établie dans le peuple- Chaque jour Ü
gardes-malades inftruifent le médecin des chaJ
gemens qui furviennent dans l’odeur des (elles]
des fueurs, des urinés, des crachats, des humeurs
rendues par les exutoires. Quelques médecins on]
ainfi porté de fâcheux pronoltics qui ont et]
confirmés, en Tentant une odeur teireufe s'exl
haler du corps de leurs malades.
N,ous avons déjà fait connoître, d’une maniera
générale , la.liaifon intime qui exille entre le goû|
6c l’odorat, 6c qui fournit une preuve bien cou]
vaincante de cette proposition avancée par Ca|
banis, que jamais l ’organe particulier d'un Jensiicrl
tre ifolément en action , ou que les imprejfions qui /J
font propres ne peuvent avoir, lieu fans que aautnl
imprejfions s'y mêlent. Ces deux fénfations fe com4
binent d’une manière remarquable; elles fe dirigent]
s’éclairent, fe modifient, 6c peuvent mêmefJ
dénaturer mutuellement, quoique cependant elle]
puiffent quelquefois agir ifolément. S i , dans la
catarrhe 6c dans les polypes des foflV.s nafaiesj
on eft privé , comme on-le dit, tout à la fois ois
goût 6c de l’odorat, cela ajoute encore à lein
analogie. Mais doit-il réfulter de la connoillanca
de ces liaifons que les, odeurs &>les faveurs foien]
la même chofe , comme quelques auteurs l’on]
penfé ? S’il y a en tf elles de grands rapports,
auffi des différences noh*moins remarquables.S
quelques l’ubftances ,’comme la cannelle, perdenjj
leur laveur avec leur odeur, il en eft d'autres!
comme les fleurs de l’oeillet 6c celles dé la rofe
le bois de fautai, &c. , auxquelles une ode»!
marquée ne donne aucune faveur ; 6c réciproquement
beaucoup dé Tels qui agiffant manifelteme^
fur la langue, ne produifent pas d’effet lur
membrane olfactive. Les fruits du Capficum annuel
la racine de Y Arum ma eu latum, les feuilles du
creffon de Para, ou Spilanthus oleraceus, &c.} M
abfolument dans le même cas. Répétons donc ici
que fi les faveurs & les odeurs ont befoin d un
corps diffolvant pour être perçues, le dilFolvant
des premières eft un liquide, & celui des fécondés
un gaz. .
C ’eft en partant de ce dernier principe, <]!
M. le p rofe fleur Duméril a établi une théorie
fatisfaifante fur le fens. de l’odorat ,dans les pou]
forts, 6c qui eft contraire à l’opinion adoptée
jufqu’ a lui par tous les naturaliftès & phyfioloj
giftes. Fort des connoiffances actuelles de phyfiqjfl
6c d’anatomie comparée , il n’ a pas craint d3'
gincer que l’odorat n’exifte point dans les poiflons ;
lue les organes qu’on avoit cru lui être deftinés
femplacent ceux du goût, que le mode même de L respiration exclut néceffiirement de l’intérieur
le la bouche. Et comment effectivement pourroir-
| en être autrement, ptiîfqu’il ne doit point y
(voir d’odeur pour un animal plongé hàbituelle-
lenrdàns un liquide qui ne peut tenir en diflolu-
|on que des particules fapiaes ?
■ Cerce confidération acquiert e.ncbre de nouilles
forces, fi l’ on vient à confidérar, comme
la fait ce favant*anatomifte , que les poiflons font
Irivés du nerf hypoglofl’e , que l’intérieur de leur
louche eft tapifle d’une membrane lifle, d ure,
Ijiie & fèche, fans papilles ni glandes ; que leur
[ngtie eft rarement mobile, & qu’elle eft Contenue
lar un os ; que les odeurs 6c lés'fâveurs ont
jntr’elles beaucoup de rapports fous le point de
lie de leur aCtion, qui paroït chlmiquè ; que l’eau,
lhargee de particules fapides, doit agir fur leur
lembrane pituitaire comme elle le feroit fur leur
Ingue , fi ejle étoit difpôfee pour cela. U femble
jonc que, par une légère modification des organes
, les nerfs olfaétifs des poiflons paroîflent
jfcllines à leur faire connoître les faveurs.
■ Mais la liaifon de l ’odorat avec le goût n’ eft
las la feule qui exille ; celle de cette fenfation
jvec le canal iligeftjf n’eft pas moins étendue; & , |
jiivant Cabanis , on a vu quelques affections du
jas-ver.tre, entraîner rabolition de la faculté de
jeicevoir les odeurs. Nous avons déjà rapporté
jlufieurs exemples de l'effet purgatif ou vomitif
le certaines odeurs. Les auteurs font remplis
jp faits analogues , & l’on en trouve dans Boy le
jaV Nut. dpurm. ejfluv. ‘i ;c. y. 6 .) , dans Schneider
jf.c.), dans Th. Bartholin ( cent. K, hijt. 64 J,
Bans Panaroli (p. 12.7, /. c.)» 6cq , &c.
■ Quelquefois mêmé l’odorat fupplée à la vue.
Jiitlnl arrive que nous pouvons juger dans l’obf-
|urité de la diftançe des corps par les.émanations
Bu ils. nous envoient , 6c cette circonliance le
|niarque allez habituellement chez les .aveugles.
| es guides que l’on prend fur la route de Smyriie
ju d’Alep a Babylone n’ont d’autre moyen, au
plieudes déferts , pour reconnoïtre la djftance à
iquelle ils font de cette-ville, que de naii-er le
Ible.
■ L’odorat eft en rapport allez immédiat. avec
p fonétions de la génération. Le loin-que beau-
joup de femmes mettent à fe par fuir» r lembie en
jFe une preuve ; la laifon des fleurs eft celle des
jpiomsi leS idées voluptueufes fe lientfà celles
les jardins ou des ombrages odorans; 6c les
joeîes attribuent, avec ration, aux parfums la
|topriécé de portér dans l ’arne une douce ivtcfle.
■ « . . . O fl-iirs !
- L amour doue vos parfums enâamme.nt le délire ,
■ bouyeue par vus bufauccs écçndit ion empire.
F o n tÀk e s I
.. Nous avons reconnu que lé fens de l’odorat
offroit de grandes différences dans les diverfes
clafles des animaux ; il en préfente également de
fort remarquables dans les divers individus d’ une
même efpèce. On a plufîeurs exemples d’hommes
chez lefquels la faculté de difeerner les odeurs
n’ a jamais exifté : d’autres ont le pouvoir de
diftinguer des odeurs infenfibles pour ceux qui les
entourent. Jamais, par exemple, les efprits qui
font fuivre à la pifte un animal par un chien ne
frappent lé nez d’un chafleur. Woodwart parle
d’ une femme qui prédifoit les orages pluneurS
heures d’avance, par une odeur fulfureufe qu’elle
reconnoilfoit alors dans l’air. Il y a même des nations
entières qui fe diftinguent des autres par la
force de cette fenfation. L’habitude de vivre en
fôciété & l’aflurançe de trouver auprès de fes
femblables, dés lumières qui difpenfent d’ avoir
recours à Celles de l’odorat, ont rendu l’homme
civilifé moins fenfible aux impreffions qui agiflent
fur l’ organe de c e fens, qui a perdu chez lui une
partie de fit déücatefle. Dans les individus à qui
i'état facial n’a rien enlevé, il a une fagacité bien
fupérièure. Dans l’Amérique fcptentrionale, les
fauvages pourfuivent leurs ennemis ou leur proie
à la pifte.. On affure que dans les Antilles, les
nègres marrons diftinguent au nez la trace d'un
blanc de celle d’un noir. Si l’on en croit le chevâlier
Dighbi, dit L e cat, un garçon que fes parens'
avoiént élevé dans une foret où ils s’ étoie.nt retirés
pour éviter lès malheurs de la guerre, & qui n’y
avoir vécu que de racines, avoit un odorat fi fin ,
qu’il diftinguoit par ce fens l ’approche des ennemis,
6c en avertiflbit fon père. Il fut cependant fait
prifonnier, 6c ayant changé de manière de vivre,
il perdit à la longue cette grande finefle d’odorat :
il en çonferva néanmoins encore alfez pour pouvoir
fuivre fa femme à la pifte. L e Journal des Sa-
vans, année 1084, parle d’un religieux de Prague
encore plus étonnant, puifqbe, par l’ odora’t, il
diftinguort. une fille ou une femme cha'fte, de
celles qui ne l’étoient pas. Un certain Mamurra
mentionné par Martial ne confultoit que fon nez
pour (avoir fi le cuivre qu’ on lui prëfentoit étoitr
tie Corinthe. De pareils faits, joints à ceux que
nous avons énoncés précédemment, prouvent que-
le lens de ('odorat eft, par une orgariifation /pédale
dans chaque clafte d'animaux, & par diverfes
modifications dans les individus, mis en rapport
réciproque avec l’enfemble de l’animal, &. avec
des objets particuliers du monde extérieur.
Quelques perfonnes encore perçoivent très-*
bien telle ou telle odeur en particulier, & font
infenfibles à toutes les autres. J. Benoît Griindel
cite 1 exemple d’un piètre fur la membrane pituitaire
duquel les feules émanations des choux
pourris 6c du fumier exeiçoient leur adion. Je
cofinois quelqu’ un pour qui la vanille eft inodore &
inlipide ; cette même perfonne flaire avec plaifir 11
fleur de l'héliotrope du Pérou* dont l’ odeur éü
T t t i