
l ’enclume : fans quoi cette partie, qui eft'prefqu’en
fufion, fe fépareroit en deux ; 2°. de donner des
chaudes de ô met. o54 en o mèt. o54 (de 2 pouces
en 2 pouces) au plus, & de boucher l’extrémité
du tube avec de l’argile ou du crotin de cheval,
pour éviter de brûler le fer en dedans, & empêcher
qu’il ne s’y introduife quelque corps nui-
. fible (on fe fert d’argile feulement quand un des
orifices doit entrer dans le foyer) : il fait tomber
ce bouchon pour introduire la broche; 3°. de
frapper horizontalement l’extrémité qu’il foude
fur l’enclume, afin de réunir les molécules de la
matière que la chaleur dilate en tous fens : c’eft
ce qu’on appelle ejloquer; 4°. de placer toujours
la partie qu’il frappe dans une des cavités coniques
pratiquées fur l’enclume pour la recevoir.
Quand le tonnerre eft foudé & que le canonnier
l’a laifl’é refroidir, il foude le devant depuis
le pli jufque vers la bouche, qu’il finit fur la
bigorne, comme au tonnerre, & avec les mêmes
procédés & précautions.
Lorfque le canon eft foudé dans toute fa longueur
, pour achever de refferrer les pores du fer
& prévenir les défeêluofités , on le chauffe de
nouveau prefque blanc , pour lui donner des
chaudes douces, toujours de o mèt. o54 en o mèt.
°54 (2 pouc. en 2 pouc. ) ; il eft alors battu fans
broche & à petits coups. C’eft dans cet état, &
quand il a été dreffé à l’oeil par le forgeur, qu’il
doit être foré. - ^
Le canon fe fore dans une ufine qui a un nombre
de lanternes proportionné, à la puiffance de l’eau ,
au diamètre de la roue motrice, &c. Ces lanternes
, placées horizontalement & parallèlement
entr’elles, portent chacune, un foret : elles engrènent
dans un pareil nombre de rouets verticaux
portés fur un feul arbre. A l’extrémité de cet
arbre eft une groffe lanterne horizontale, qui
reçoit le mouvement d’un grand hériffon vertical
porté par l ’arbre de la roue qui fait tourner l’eau.
Le foret eft exaêlement fixé au centre de la lanterne
qui lui donne fon mouvement horizontal, &
il paffe dans' le canon de façon que leurs axes ne
font qu’une même ligne. Le canon eft affujetti
fur le meme banc de îorerie, où il avance en devant
du foret d’une manière uniforme.
Le foreur fe fert fucceffivement de vingt-deux
forets, dont le plus foible a o mèt. o u (5 lig. )
d’épaiffeur, & le plus fort o mèt. 016 (7 lig.
5 points) à fa plus grande épaiffeur. Le frottement
qu’éprouve le canon au forage l’échauffe
beaucoup, le tourmente & le courbe quelquefois;
c eft pourquoi l’ouvrier doit avoir l’attention de jeter
1 ouvèn t de l’ea u deffus ; ce qui empêche d’ailleurs les
forets de fe détremper. Il eft auffî néceffaire de
graiffer de temps en temps les forets avec de l’huile.
Le fer ayant été aigri par l’opération précédente,
on recuit le canon avec du bois blanc pour
l’adoucir, & lorfqu’il a été dreffé à l’oeil, le
foreur paffe dedans trois ou quatre mèches ou
mouches avec des élèles , pour"effacer les traits du
foret, le polir intérieurement & lui donner fou
jufte calibre (les mèches ou mouches ne diffèrent
des forets que par leur longueur, qui eft environ
de o mèt. 4°5 ( 15 pouces)$ tandis que celle des
forets n’eft guère que de o mèt. 216 (8 pouc.)).
Le drefleur le dreffe au cordeau pour l’émoudre.
Le canon prend fa forme extérieure à la meule,
qui eft de g s & qui tourne dans une auge'pleine
d eau qui la rafraîchit. Le prolongement de l’axe
de celte meule s’ajufte fur le centre d’une lanterne,
de laquelle elle reçoit fon mouvement. Le
mécanifme eft d’ailleurs femblable à celui qui fait
mouvoir le foret. L’émouleur fe place, dans toutes
les manufactures du nord de la France , à côté de
la meule, afin que fi elle vient à fe hrifer, ce qui a
lieu avec une violence extrême , il foit moins
expofé. Il commence à blanchir le canon à la
Louche, & continue jufqu’à l’extrémité du tonnerre
, où il réferve & régülarife les pans déjà
formés à la forge. \Lorfque le. canon eft blanchi
d’un bout à l’autre 8c qu’il eft bien dreffé au
cordeau, le compaffeur le vérifie avec le compas
d’épaiffeur & les calibres, &_il marque, par des
coches ou traits de lime, les endroits où l’émouleur
doit encore enlever de la matière.
Dansplufieurs manufactures, telles que celles de
Saint-Etienne & Tulle , on dreffe maintenant les canons
à l’oeil. Voici en quoi confifte cette méthode :1e
dreffeur dirige'le canon déculaffé au bord d’une
fenêtre , de .façon que la moitié de l’ame foit dans
l’ombre, & l’autre moitié éclairée; il promène le
rayon de lumière fur toute la paroi intérieure, &
reconnoît par l’irrégularité des fignes d’ombre,
s’il y a des chambres ou autres défeCtuofilés dans
l’ame. 11 remédie à ces vices en'refoulant le fer
en dedans, & y faifant repaffer la mèche, 8cc.
Après avoir dreffé l’intérieur, il procède à l’extérieur
duÿànon, fur lequel il promène également
un rayon de lumière qui lui indique les points où
il eft néceffaire d’enlever du fer.
Pour qu’un canon foit bien dreffé, il faut qu’il
foit intérieurement 8c extérieurement en ligne
droite, & que les cercles dé chaque tranche
foient concentriques. Il faut beaucoup d’habitude
& d’attention pour dreffer par cette méthode.
J ( Voyez , pour plus de détails , le mot D ressage. )
Le canon ainfi foré, émoulu & dreffé, eft remis
au garniffeur, qui en coupe carrément les deux
extrémités, forme la boîte & la ta,raude, ajitfte la
culaffe, perce la lumière, place & bvafe le tenon '9
après quoi il eft éprouvé horizontalement à deux
charges confécutives {voyez Ch arged’é îr e u v e ) ,
fur un banc où il eft affujetti, de façon que le
talon de la culaffe appuie contre une forte pièce de
fer, 8cc. Cette épreuve terminée, on le déculaffé,
on le lave, 8c on l’adoucit extérieurement à la
I lime douce 8c à l’huile, jüfqu’à ce qu’il ne pré-
fente plus à l’oeil, d’un bout à l’autre 8c. dans tous,
j les fens, qu’une furface très-unie.
Le canon étant ainfi mis au calibre, à. fies proportions
8c adouci, on le dégraiffe à la paille de fer,
8c il eft alors dépofé dans une falle fuffifamment
humide, pour y féjeurner pendant un mois, après
lequel il en fort pour être foigneufement vifilé
par les prépofés du Gouvernement. S’il eft reconnu
de bon fervice, on le donne au monteur-éqnipeur,
qui le met en bois, 8c il eft encore une fois examiné
à la recette des armes finies, où il doit être
enfin préfenté 8c poli.
Tels font en raccourci les procédés fuivis dans
les manufaêlures royales pour fabriquer 8c amener
à fa perfection le canon du fufil d’infanterie : 8c
ils font les mêmes pour les canons des autres
modèles d’armes de guerre.
Canons des armes de luxe. Ces canons fe font
par divers procédés, fuivant qu’ils font fimples,
doubles, tordus, à ruban , damaffés, rayés en fpi-
rale, 8c c.
Canon ordinaire. Pour fabriquer un canon ordinaire
de fufil de chaffe , l’ouvrier fait une lame
femblable à;celle deftinée à forger un canon de fufil
de guerre; mais au lieu de former cette lame de deux
bidons , comme cela fe pratique ordinairement
pour les canons des fufils de guerre, il corroyé'
avec foin une barre de fer plat du poids/d’environ
5 kil. 8c ilia façonne convenablement. Ce fer, qui
doit être effentiellement nerveux 8c exempt de
pailles, de doublures 8c de cendrures, provient
ordinairement des meilleures forges du Berry;
quelques cannomers font venir des forges les lames à canons toutes préparées.
Les procédés pour former le tube 8c le fouder
font les mêmes que ceux en ufage pour-les canons
de guerre. On les fore, on les dreflè 8c on les émoud
de la même manière, mais les ouvriers qui font
privés die meules les liment delà manière fuivante :
ils commencent, pour faire cette opération avec juf-
teffe, par former au tonnerre quatre pans dont ils
abattent les arêtes, ce qui fait huit pans, puis ils
én forment par le même procédé feize dont ils enlèvent
les arêtes. Ils arrondiffent enfuite le canon
en defious dans toute Ta longueur , 8c ils forment
ordinairement cinq pans en deffus, lefquels s é-
tendent à environ o mèt. 3247 ( 1 pied) du tonnerre.
Il eft bon de faire obferver que l’ouvrier ne
partage pas ordinairement à feize pans la partie
qutforme le tonnerre; il la laiffe à huit pans, les
plus fortes dimenfions du canon en cet endroit ne
rendant pas cette opération néceffaire.
La machine fervant à forer les canons à Paris
eft un banc de forerie mû à bras au lieu d’être
mis en mouvement par des roues hydrauliques 8c
des engrenages, comme cela a lieu dans les manufactures
d’armes.
Les canons étant drefles, émoulus ou limés extérieurement
, on y perce les lumières, brafe les
tenons, ainfi que le guidon, enfuite on repaffe la
mèche 8c on les garnit de leur culaffe , fuivant ce
qui fe pratique pour les canons des fùfils de guerre.
Les grains de lumière font en or , ou pins généralement
en platine , métal pour ainfi dire inaltérable
par l’effet de la poudre ordinaire, caries
poudres fulminantes paroiffent l’attaquer. Pour les
mettre & pour percer la lumière, on opéré d une
manière analogue à ce qui a été dit à l’égard des
grains des canons de fufils des troupes.
La culaffe de ces canons eft ordmairementbnféç,
ou à bafcule. ( Voyez le mot Culasse. )
Canon double. On appelle ainfi deux canons
brafés enfemble, 8c affujetti s en deflus 8c en deffous
par deux plates-bandes qui régnent entre les deux
canons. Les canons pour les fufils à deux coups
font entièrement arrondis au tonnerre , à 1 exception
des pans deftinés à 1 ajuftage des platines,
ce qui eft favorable à la damafqumure.
On lime les deux canons deftinés à etre^affemblés
de façon que les deux épaifieurs du coté où ils
s’appliquent l’un fur l’autre, n aient enfemble que
celle correfpondante de chaque canon dans tout
-le refte de. Ion contour. On les ajufte le plus exactement
8c le plus folidement pofïible. Enfuite on
fait deux entaillles correfpondantes aux deux extrémités
de chaque canon , d a n s lefquelles entrent
deux petites clavettes en fer, afin de les^maintenir,
en forte que les axes foient dans le meme plan 8c
les orifices parfaitement de niveau. Cela fait, on
ajufte les plates-bandes , on les affujetti t de diftance
en diftance avec des liens de fil de fer 8c des petits
coins également en fer, placés fous les fils-. On foude
enfuite, en même temps, les plates-bandes 8c les
canons. On commence la foudure par le tonnerre
8c on la finit par la bouche. Afin dempecher les
canons de fe détériorer par le feu , 8c de maintenir
le foudure lorsqu'elle entre en fufion, on enduit
le tout d’argile en pâte délayée avec un peu de
crotin de cheval 8c même un peu d’étoupe fort
menue. On brafe enfuite les tenons, les porte-
• baguettes 8c le guidon , qui eft ordinairement en
argent. Les plates-bandes font en fer ou en damas,
fuivant la nature des canons; elles font dune
forme propre à remplir le vide qui fe trouve entre
les canons 8c régnent dans toute leur longueur.
L’une fe place en deffus 8c porte le guidon ; 1 autre,
en deffous, porte à la tranche de la bouche un
arrêt deftiné à empêcher la baguette de fortir
par l’explofion de fa charge.
Si les canons n’ont pas été affez dégagés fur le
derrière du côté où ils doivent être affemblés,
il arrive que, pour les appliquer convenablement,
l’ouvrier les force de céder dans le milieu de
leur longueur, en forte que- lorfqu’il y repaffe
la mèche , après les avoir foudés , elle prend
plus d’un côté que de l’autre, parce qu’ils ne font
plus droits, 8c par-là, le métal n’eft plus également
réparti; on aperçoit ce défaut à l’oeil. Les canon*
qui en font affeCtés- s’appellent canons bridés.