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joug et se défend contre la puissance qui vient contrarier
la satisfaction des besoins qu’il ressent, et qu’il
allait satisfaire dans la prairie voisine. S’il en était
ainsi, rien ne serait moins naturel que Thomme civilisé
; car ce ne serait qu’en se rendant esclave qu’il
arriverait à devenir un être pensant. Celte simple ré flexion
nous démontre le peu de convenance de cette
tendance h conclure des animaux au genre humain ;
d ’abord, qu’entend-on par état sauvage? L’état d’un
être libre, obéissant aux seuls instincts, et ne devant
qu’à la seule nature ses moyens de conservation. A ce
titre, il ne devrait et ne saurait exister d ’homme sauvage;
car, partout l’homme recherche rhomme , p a r tout
il s’aide de ses conseils, des bras, des avis et de
l’industrie de son semblable ; pa rtout, même en Australie
et en Tasmanie, il soumet la nature à ses convenances,
et tout ce qu’il fait est toujours marqué au
sceau du raisonnement. Le mot sauvage, pour les
animaux, suppose une nature intraitable par rapport
à rhomme. Peut-il en être de même de Thomme par
rapport à Thomme? Relativement à lui, cependant,
il indique Tabsence de tous principes m o r a u x , par
conséquent de toute instruction, et une obéissance
irrésistible à tous ses penchants. La crainte excite sa
vengeance, la vue d’un objet nouveau réveille sa cupidité;
dansTun elTaiitre cas, il en vient toujours à
tuer, s’il le peut sans danger pour lui. Mais est-ce bien
là toute la nature de Thomme? je ne le pense point.
L’animal sauvage est, au contraire, dansTétat de na ture
; c’est surtout alors qu’il est beau, comme détail
de l’admirable ensemble de la création! Asservi, il
n ’a plus qu’une beauté de convention; il perd une partie
de ses instincts ; ses sens perdent de leur délicatesse;
il perd les exactes proportions qui le rendent si
vite, si sûr de lui dans ses courses à travers mille précipices,
et qui lui rendent si faciles tous les actes qui
lui sont imposés parson organisation. Ce n ’est plus la
nature dans ses admirables calculs, c’est Thomme déformant,
décomposant tout pour tout soumettre à son
usage. Il n ’en est pas de même de Thomme ; sa na ture
exige de la culture. Il n 'y a rien de moins naturel que
le prétendu homme de la nature : il est par conséquent
aux individus civilisés du genre humain, ce que Tanimal
domestique est à celui de sa race en liberté ; Tim
et l’autre s o n t , aux yeux du philosophe, une sorte de
monstruosité. On le voit : le résultat est Tinverse de
ce qu’on suppose généralement ; Tanimal n ’a pas
besoin d’éducation : il y a plus, elle lui nuit, elle altère
les admirables combinaisons de son organisation.
L’homme ne saurait s’en passer sans res ter imparfait,
sans justifier, jusqu’à un certain point, Tépithète
de sauvage. La série humaine ne saurait donc en rien
être rapprochée de la série des animaux mammifères.
L’homme a pour caractère saillant, essentiellement
distinctif, l’intelligence ; le plus parfait est celui que
la nature d ’abord, et l’éducation ensuite, ont le plus
élevé aux yeux de ses semblables civilisés. Ce qui
nous frappe en voyant les sauvages, c’est l’espèce de
contraste qui existe entre une forme humaine et