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II
On dit que les enfants sont égoïstes ; sans doute ils
le sont, faute de morale. Ils ne sauraient juger du
rap p o rt des choses et encore moins de la na ture des
rapports sociaux; tout ce qui est en dehors d ’eu x ,
n ’est plus rien pour eux ; aussi n ’ont-ils pas l’esprit de
convenance. Uneamitié, a -t-o n dit de tout temps, qui
n ’est point basée su r l’e stim e , n ’est point durable ; en
effet ; mais l’estime est un sentiment de haute moralité;
comment l’espérer d ’im enfant ou d ’un sauvage!
Il en est de même d ’une véritable reconnaissance.
Mariner, dit d ’Urv ille , rem a rq u a que les insulaires
de Tonga étaient aussi modestes que braves : « On les
« voyait rarement se v an te r de leurs p ro u e sse s,
« comme cela est si fréquent chez les peuples sau-
« vages*. » Si ce jeune matelot a bien observé, cela
prouverait chez les hommes une véritable b ra v o u re ,
de la noblesse d’àme , et p a r conséquent une intelligence
déjà fort élevée ; mais doit-on appeler courage,
cette fu reu r aveugle inspirée p a r l’appât de la possession
ou pa r la rage de la vengeance? ce mot de
courage e s t-il là bien placé? Les Malais, à ce p rix ,
sont aussi braiTs et modestes; c ependant, ils se je ttent
dans les hasards des combats, sans calcul, souvent
ivres d’o p ium ; c’est un moyen de satisfaire
d ’autres passions, la vengeance, l’av arice , la colère;
s’ils ne peuvent assassiner, ils combattent. Ils ne
sont modestes que parce que celui qui ne réussit pas
^ n ’Urville, premier Voy. d e l’A i f . , t. IV, p. 232.
à satisfaire sa passion, eût-il été brave comme Achille,
ne voit qu’une chose, c’est qu’il a manqué son coup ;
s ’il a ré u s s i, la joie q u ’il en ressent annule tout au tre
sentiment. En général, les barbares ou demi-*
barbares sont irritab le s, colères, rem u a n ts , inquiets
, tu rb u len ts ; m a is , encore une fo is, est-ce là
de la bravoure? Il ne faut pas confondre l’énergie
native avec le véritable co u rag e; celui-ci est déjà
le résultat d’une intelligence élevée ou cultivée; pour
qu’une pareille vertu ne dégénère pas en fureur ou en
forfanterie rid icu le , il faut que le jugement prenne
mie grande p a rt à sa direction. La piété peut dégér
e r en fan a tisme , la bravoure en férocité ; la raison
doit présider à toutes nos déterminations, sinon
nos qualités même deviennent des vices.
Les Polynésiens sont pleins d’énergie ; leu r esprit
est susceptible d’in s tru c tio n , et de recevoir un degré
de moralité assez avancé; mais leur psychologie est
celle de tous les sauvages ; il f a u t, seu lem en t, leur
te n ir compte de leu r degré d’élévation dans la série
h um a in e , afin d’apprécier exactement ce que la civilisation
devra un jo u r espérer faire pour eux.
Nous pourrions poursuivre plus loin cet examen
psychologique des babilauts de TOcéanie; mais il suffit
de ces exemples pour faire comprendre ce que nous
en pensons, et combien il est important d ’app o rte r
de sévérité dans l’étude de leu r caractère ; combien
011 doit être scrupuleux dans le choix de ses ex p re ssions,
lorsqu’il s’agit de les décrire et de donner une
idée de leurs facultés intellectuelles.
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