
Des Elémens.
Il faut d’abord avouer notre ignorance fur la
naturelle nombre & la figure des elémens primitifs
des êtres ; elémens fimples, indivifîbles (9 ), &
:d’une telle ténuité, que Leibnitz a cru devoir les
dehgner fous le nom de monades, comme des
êtres inétendus & fans figure. Il ne fera donc ici
quéftion que des élémens fecondaires, compofés de
ces premiers principes inacceiîibles à toutes nos
recherches, & qui, dans cet état d’élémens fecondaires
, font tellement unis, que tous les efforts de
1 art font impuiffans pour les décompofer ou y
apporter la moindre altération.
C9) “ C es principes comme p rimitifs, dit très-bien WaHerius,
»» font nécefiairement fimples, n’ admettent aucune compèfitïon ,
»»aucun mélange de particules hétérogènes, & çonféqnemment
»»aucune divifion. Ils font auffi nécefiairement homogènes, &
»»c'eft ce qui leur a fait donner le nom à’élémens . De la
»> fimpîicité de ces principes fuit naturellement leur fubtiîité ;
»» & çette fubtiîité eft fi grande, que l’oeil, armé des meilleurs
»» inftrumens, ne fauroit les appercevoir, quoiqu’ils exiflent
»»dans tous les Corps Ces principes ne pouvant être divi-
>» fés par aucune force naturelle , il eft clair que leur effence &
»leur caraûère ne peuvent être changés, altérés ou diminués,
»»de quelque maniéré que ce foitp,car fi ces principes étoient
»» fujets à une divifion, mutation ou altération quelconque, les
»> corps qui en font compofés, & qui leur doivent leur effence ,
>» feroient effentiellement muables : les terres, les eaux & les
»»autres corps naturels ne feroient pas aujourd’hui de même
» nature qu’autrefois ; or, l’expérience démontre le contraire, u
D e l’Origine du monde, pag. 136 de' la tiad. franq.
Suivafit l’opinion la plus généralement ïeçue,
tant des Anciens que des Modernes, les élémens
vulgaires.ou fenfibles font au nombre de quatre,
le FEU, 1 AIR, la TERRE & l’EAU. Rien ne nous
empêcherait d’adopter cette opinion, fi les deux
premiers de ces élémens étoient auffi indeftruâibles
que les deux derniers paroiffent l’être. Mais quelques
Anciens entrevirent,& les Chimiftes modernes
ont enfin démontré que l'air & le feu dépendoient
de la reunion de certains principes encore plus
fubtils, qu on pouvoit défunir & recombiner à
volonté (10). Ces deux élémens deftruâibles ont
alors ete remplaces par deux autres vraiment indef-
truihbles, que les Chimiftes, auxquels nous en
(10 ) V o y e z les Lettres duDoBeur Démefte au DoBeur Bernard,
fur la Chimie , la Docimafie , la Criftallographie, &c.
volume. 1 , Lettre 1 , V I I I & IX ; Eiler , Mémoires de
l Académie de Berlin ; WaHerius, Origine du monde ; les ouvrages
de M M . Sage, Prieftley , Lavoifier; & le Traité- chimique
de l A ir c i du Feu, par M . Scheele, avec une Introduction
de M . Bergman, traduit de l’ allemand par M. le Baron
de Dietrich, in -12 , P a r is , 1781. L ’Auteur de ce dernier Traité
conclut d’une longue fuite d’ expériences, que l ’air & le fe u ,
lo in d etre des fubftances fimples, font au contraire compofés
de divers fluides élaftiques, que l ’analyfe parvient à défunir,
malgré leur extreme fubtiîité. En un m o t , quoique les,Chimiftes
que je viens de citer aient des opinions très-différentes -
fur la nature, le nombre & la proportion des fluides élaftique»
& fubtils qu’ils font entrer dans la combinaifon de l’air & du
f e u , ils s’accordent du moins tous à refufer à ces dernières
fubftances la fimpîicité qui caraétérife les véritables élémens.