femble n’avoir rien coûté à notre auteur, mais l’arche
de Noé paroît l’inquiéter beaucoup : comment imaginer
en effet qu’au milieu d ’un défordre auffi affreux, au milieu
de la confufion de la queue d’une comète avec le grand
abyme, au milieu des ruines de l’orbe terreftre, & dans
ces terribles momens où non feulement les élémens de
la terre étoient confondus, mais où il arrivoit encore du
ciel & du tartare de nouveaux élémens pour augmenter
le cahos, comment imaginer que l’arche voguât tranquillement
avec là nombreufe cargaifon fur la cime des
flots ! Ici notre auteur rame & fait de grands efforts pour
arriver & pour donner une raifon phyfique de la confer-
vation de l’arche; mais comme il m’a paru qu’elle étoit
infuffifante, mal imaginée & peu orthodoxe, je ne la
rapporterai point; il me fuffira de faire fentir combien il
eft dur pour un homme qui a expliqué de fi grandes
chofes fans avoir recours à une puiffance furnaturelle ou
au miracle, d’être arrêté par une circonftanee particulière;
auffi notre auteur aime mieux rifquer de fe noyer avec
l ’arche, que d’attribuer, comme il le devoit, à la bonté
immédiate du Tout-puiffant la confervation de ce précieux
vaiffeau.
Je ne ferai qu’une remarque fur ce fyftème dont je
viens de faire une expofition fidèle; c’eftque toutes les
fois qu’on fera affez téméraire pour vouloir expliquer par
des raifons phyfiques les vérités théologiques, qu’on fe
permettra d’interpréter dans des vues purement humaines
le texte divin des livres facrez, & que l’on voudra
T h é o r i e d e l a T e r r e . i 79
raifonner fur les volontés du Très-haut & fur l’exécution
de fies decrets, on tombera néceffairement dans les ténèbres
& dans le cahos où eft tombé l’auteur de ce fyftème,
qui cependant a été reçu avec grand applaudiffement : il
ne doutoit ni de la vérité du déluge, ni de l’authenticité
des livres facrez; mais comme il s’en étoit beaucoup
moins occupé que de Phyfique & d’Aftronornie, il a
pris les paffages de l’écriture fainte pour des faits de
Phyfique & pour des réfiiltats d’obfervations aftronomi-
ques, & il a fi étrangement mêlé la fcience divine avec
nos fciences humaines, qu’il en a réfulté la chofe du
monde la plus extraordinaire, qui eft le fyftème que nous
venons d’expofer.