qu elles fuivent le cours de plufieurs grands fleuves dont
ces terres inconnues font arrofées, de même que le fleuve
O b y , le Jenifca & les autres grandes rivières qui tombent
dans les mers du nord, entraînent les glaces qui bouchent
pendant la plus grande partie de l’année le détroit de
Waigats, & rendent inabordable la mer de Tartarie par
cette route, tandis qu’au delà de la nouvelle Zemble &
plus près des pôles où il y a peu de fleuves & de terres,
les glaces font moins communes & la mer eft plus navigable
; en forte que fi on vouloit encore tenter le voyage
de la Chine & du Japon par les mers du nord, il faudrait
peut-être, pour s eloigner le plus des terres & des glaces,
diriger là route droit au pôle, & chercher les plus hautes
mers, où certainement il n’y a que peu ou point de glaces;'
car on fçait que l’eau falée peut làns fe geler devenir
beaucoup plus froide que l’eau douce glacée, &parcon-
féquent le froid exceflîf du pôle peut bien rendre l’eau
de la mer plus froide que la glace, làns que pour cela la
•furface de la mer fe gèle, d ’autant plus qu’à 80 ou 82
degrés, la furface de la mer, quoique mêlée de beaucoup
de neige & d eàu douce, n’elt glacée qu’auprès des côtes.
En recueillant les témoignages des voyageurs fur le paf-
fage de l'Europe à la Chine par la mer du nord, il paraît
qu il exifte, & que s il a ete fi louvent tenté inutilement,
c eft parce qu on a toujours craint de s’éloigner des terres
& de-s’approcher du pôle, les voyageurs l’ont peut-être
regardé comme un écueil.
•Cependant Guillaume Barents qui avoit échoué, comme
bien
T h é o r i e d e l a T e r r e . 2 1 7
bien d autres , dans fon voyage du nord, ne doutoit pas
qu’il n’y eût un paffage, & que s’il fe fût plus éloigné des
terres, il n’eût trouvé une mer libre & fans glaces^ Des
voyageurs Mofcovites envoyez par le Czar pour recon-
noître les mers du nord, rapportèrent que la nouvelle Zemble
n’eft point une ifle, mais une terre ferme du continent
de la Tartarie, & qu’au nord de la nouvelle Zemble c ’eft
une mer libre & ouverte. Un voyageur Hollandois nous
afliire que la mer jette de temps en temps fur la côte de
Corée & du Japon, des baleines qui ont fur le dos des
harpons Anglois & Hollandois. Un autre Hollandois a
prétendu avoir été jufque fous le pôle, & il afliiroit qu’il
y iàifoit auflî chaud qu’il fàit à Amfterdam en été. Un
Anglois nommé Gouiden, qui avoit fait plus de trente
voyages en Groenland, rapporta au Roi Charles II que
deux vaiffeaux Hollandois avec lefquels il faifoit voile ,
n’ayant point trouvé de baleines à la côte del’ille d’Edges,
réfolurent d’aller plus au nord,& qu’étant de retour au bout
de quinze jours, ces Hollandois lui dirent qu’ils avoient
été jufqu’au 89me degré de latitude, c’eft-à-d ire, à un
degré du pôle, & que là ils n’avoient point trouvé de
glaces, mais une mer libre & ouverte, fort profonde &
femblabie a celle de la baye de Bifcaye, & qu’ils lui montrèrent
quatre journaux des deux vaiffeaux, qui atteftoient
la même chofe & s’accordoient à fort peu de chofe
près. Enfin il eft rapporté dans les Tranfaétions philofo-
phiques que deux Navigateurs qui avoient entrepris de
découvrir ce paffage, firent une route de 200 lieues à
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