io M a n i è r e de t r a i t e r
qu'une voie pour arriver a un but, nous nous perfuadons
que la Nature fait & opère tout par les mêmes moyens
& par des opérations femblables; cette manière depenfer
a fait imaginer une infinité de faux rapports entre les productions
naturelles, les plantes ont ete comparées aux
animaux, on a cru voir végéter les minéraux, leur orga-
nifation fi differente, 8c leur mechanique fi peu reffem-
blante a été fouvent réduite à la même forme. Le moule
commun de toutes ces chofes fi diffemblables entr elles,
eft moins dans la Nature que dans 1 efprit étroit de ceux
qui font mal connue, 8c qui fçavent aulfi peu juger de la
force d’une vérité, que des juftes limites d une analogie
comparée. En effet, d o it-on, parce que le fang circule,
afliirer que la sève circule aulfi ï doit-on conclurre de la
végétation connue des plantes a une pareille végétation
dans les minéraux, du mouvement du fang a celui de la
sève, de celui de la sève au mouvement du fuc pétrifiant,
n’eft-ce pas porter dans la réalité des ouvrages du Créateur
, les abltraétions de notre efprit borne, 8c ne lui
accorder, pour ainfi dire, qu autant d idees que nous en
avons ! Cependant on a dit, & on dit tous les jours des
chofes aulfi peu fondées, & on bâtit des fyllemes fur des
faits incertains, dont l’examen n a jamais été fait, & qui
ne fervent qu’à montrer le penchant qu ont les hommes
à vouloir trouver de la reflfemblance dans les objets les
plus différens, de la régularité où il ne règne que de la
variété, & de l’ordre dans les chofes qu ils n aperçoivent
que confufément.
l’H i s t o i r e Na tur e l l e . ,i i
Car lorfque, fans s’arrêter à des connoiffances fuper-
ficielles dont les réfultats ne peuvent nous donner que
des idées incomplètes des productions 8c des operations
de la Nature, nous voulons penetrer plus avant, 8c examiner
avec des yeux plus attentifs la forme 8c la conduite
de les ouvrages, on eft aulfi furpris de la variété du delTein,
que de la multiplicité des moyens d execution. Le nom-
i r e des productions de la Nature, quoique prodigieux ,
ne fait alors que la plus petite partie de notre etonnement,
fà méchanique,. fon a rt, fes relfources, fes defordres
même, emportent toute notre admiration; trop petit pour
cette immenfité, accablé par le nombre des merveilles,
i ’elprit humain fuccombe : ilfemble que tout ce qui peut
être, eft ; la main du Créateur ne paroît pas s etre ouverte
pour donner l’être à un certain nombre détermine d eff-
pèces; mais il femble qu’elle ait jetté to u t-a -la fois un
monde d’êtres relatifs 8c non relatifs, une infinité de
combinaifons harmoniques & contraires, 8c une perpétuité
de deftruCtions 8c de renouvellemens. Quelle idée
de puiffance ce fpe&acle ne nous offre-t-il pas ? quel
fentiment de relpeét cette vûe de l’Univers ne nous
infpire-t-elle pas pour fon Auteur ! Que feroit -ce fi la
foible lumière qui nous guide, devenoit alfez vive pour
nous faire apercevoir l’ordre général des caufes & de
la dépendance des effets ! mais l’efprit le plus vafte, &
le génie le plus puiffant, ne s’élèvera jamais à ce haut
point de connoiffance : les premières caufes nous feront a
jamais cachées, les réfultats généraux de ces caufes nous