4-8 Ma n i è r e de t r a i t e r
volumes remplis de defcriptions & d obfervations de
toute efpèce f‘ c’eft l’abrégé le plus fçavant qui ait jamais
été fait, fi la icience eft en effet i’hiftoire des faits : &
quand même on fuppoferoit qu’Ariftote auroit tiré de
tous les livres de fon temps ce qu’il a mis dans le fien, le
plan de l’ouvrage, là diftribution, le choix des exemples,
la juftefle des comparaifons, une certaine tournure dans
les idées, que j’appellerois volontiers le caractère philo-
fophique, ne laiflent pas douter un inftant qu’il ne fût lui-
même bien plus riche que ceux dont il auroit emprunté.
Pline a travaillé fur un plan bien plus grand, & peut-
être trop vafte, il a voulu tout embrafler, & il femble
avoir mefuré la Nature Sc l’avoir trouvé trop petite
encore pour l’étendue de Ion elprit ; fon Hiftoire Naturelle
comprend, indépendamment de l’hiftoire des
animaux, des plantes & des minéraux, l’hiftoire du ciel
& de la terre, la médecine, le commerce, la navigation,
l’hiftoire des arts libéraux & méchaniques, l’origine des
ufiures, enfin toutes les fciences naturelles & tous les
arts humains; & ce qu’il y a d’étonnant, c’eft que dans
chaque partie Pline eft également grand, l’élévation des
idées, la noblefle du ftyle relèvent encore fa profonde
érudition ; non feulement il fçavoit tout ce qu’on pou-
voit fçavoir de fon temps, mais il avoit cette facilite de
penfer en grand qui multiplie la fcience, il avoit cette
finefle de réflexion de laquelle dépendent l’élégance & le
goût, & il communique à fes leéteurs une certaine liberté
d ’efprit, une hardielfe de penfer qui eft le germe de la
Philofophie.
l’H i s to ir e N a t u re l le 49
Philofophie. Son ouvrage tout auffi varié que la Nature
la peint toûjours en beau, c’eft, fi l’on veut, une compilation
de tout ce qui avoit été écrit avant lui, une copie
de tout ce qui avoit été fait d’excellent & d’utile à fçavoir;
mais cette copie a de fi grands traits, cette compilation
contient des chofes raflemblées d’une manière
fi neuve, qu’elle eft préférable à la plûpart des ouvrages
originaux qui traitent des mêmes matières.
Nous avons dit que l’hiftoire fidèle & la defcription
exacte de chaque chofe étoient les deux feuls objets que
l’on devoit fe propofer d’abord dans l’étude de l’Hif-
îoire Naturelle. Les Anciens ont bien rempli le premier,
& font peut-être autant au defliis des Modernes par cette
première partie, que ceux-ci font au deflùs d’eux par la
Leconcfe ; car les Anciens ont très-bien traité l’hiftorique
de la vie & des moeurs des animaux, de la culture & des
ufages des plantes, des propriétés & de l’emploi des
minéraux, & en même temps ilsfemblent avoir négligé
à deflein la defcription de chaque chofe : ce n’eft pas
qu’ils ne fuflent très-capables de la bien faire, mais-ils
dédaignaient apparemment d’écrire des chofes qu’ils
regardoient comme inutiles, & cette façon de penfer
tenoit à quelque chofe de général & n’étoit pas auffi
deraifonnable qu on pourroit le croire, & même ils ne
pouvoient guère penfer autrement. Premièrement ils
cherchoient à etre courts -& à ne mettre dans leurs
ouvrages que les faits eflentiels & utiles, parce qu’ils
n avoient pas , comme nous , la facilité de. multiplier , les
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