P REUVE S
D E LA
T H E O R I E D E L A T E R R E
A R T I C L E IX.
Sur les inégalités de la furface de la terre.
L e s inégalités qui font à la furface de la terre, qu’on
pourrait regarder comme une imperfection à la figure
du globe, font en même temps une difpofition favorable
& qui étoit néceffaire pour conferver la végétation & la
vie fur le globe terreflre : il ne faut, pour s’en affurer, que
fe prêter un mitant à concevoir ce que ferait la terre fi
elle étoit égale & régulière à fa furface, on verra qu’au
lieu de ces collines agréables d’où coulent des eaux pures
qui entretiennent la verdure de la terre, au lieu de ces
campagnes riches & fleuries où les plantes &Ies animaux
trouvent aifément leur fubfiftance, une trifte mer couvrirait
le globe entier, & qu’il ne réitérait à la terre de
tous fès attributs, que celui d’être une planète obfcure,
abandonnée, Sc deftinée tout au plus à l’habitation des
poifîons.
Mais indépendamment de la néceffité morale, laquelle
ne doit que rarementfaire preuve en Philofophie, il y a une
néceffité phyfique pour que la terre foit irrégulière à fa fur-
face , & cela, parce qu’en la fuppofant même parfaitement
T h é o r i e d e l a T e r r e . 309
régulière dans fon origine, le mouvement des eaux, les
feux foûterrains , les vents & les autres caufes extérieures
auraient néceffairement produit à la longue des irrégularités
femblables à celles que nous voyons.
Les plus grandes inégalités font les profondeurs de
1 océan comparées à l’élévatiop des montagnes, cette
profondeur de l’océan eff fort différente, même à de
grandes diffances des terres; on prétend qu’il y a des
endroits qui ont jufqu’à une lieue de profondeur, mais
cela eff rare, & les-profondeurs les plus ordinaires font
depuis 60 jufqua 150 braffes. Les golfes & les parages
voifins des côtes font bien moins profonds, 8c les détroits
font ordinairement les endroits de la mer où l’eau
a le moins de profondeur.-
Pour fonder les profondeurs de la mer, on-fe fert ordinairement
d’un morceau de plomb de 30 ou 4.0 livres
qu’on attache à une petite corde, cette manière eff fort
bonne pour les profondeurs ordinaires ; mais lorfqu’on
veut fonder de grandes profondeurs on peut tomber dans
l’erreur & ne pas trouver de fond où cependant il y en a ,
parce que la corde étant fpécifiquement moins pefànte
que l’eau, il arrive, après qu’on en a beaucoup dévidé,
que le volume de la fonde & celui de la corde ne pèfent
plus qu’autant ou moins qu’un pareil volume d’eau,
dès-lors la fonde ne defcend plus, & elle s’éloigne en
ligne oblique en fe tenant toujours à la même hauteur;,
ainfi pour fonder de grandes profondeurs, il faudrait une
chaîne de fer ou d’autre matière plus pefante que l’eau :
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