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terres^ les graviers, &c. & qu’elles les entraînent dans les
plaines, d’où les rivières & les fleuves en charient une
partie dans les plaines plus baffes, & fouvent jufqu a la mer;
les plaines fe rempliffent donc fucceffivement & s’élèvent
peu à peu, & les montagnes diminuent tous les jours &
s’abaiffent continuellement, & dans plulieurs endroits on
s’eft aperçu de cetabaiffement. Jofeph Biancanus rapporte
fur cela des faits qui étoient de notoriété publique dans
fon temps, & qui prouvent que les montagnes s étoient
abaiffées au point que l’on voyoit des villages & des châteaux
de plufieurs endroits > d’où on ne pouvoit pas les
voir autrefois. Dans la province de Darby en Angleterre,
le clocher du village Craih n’étoit pas vifible en 1572
depuis une certaine montagne, à caufe de la hauteur d’une
autre montagne interpofée, laquelle s’étend en Hopton &
Wirkfworth, & 80 ou io o ans après on voyoit ce clocher
, & même une partie de l’églife. Le Doéteur Plot
donne un exemple pareil d’une montagne entre Sibbér-
toft & Ashby dans la province de Northampton. Les eaux
entraînent non feulement les parties les plus légères des
montagnes, comme la terre, le fable, le gravier & les
petites pierres, mais elles roulent même de très-gros rochers
, ce qui en diminue confidérablement la hauteur;
en général, plus les montagnes, font hautes & plus leur
pente efl roide , plus les rochers y font coupez à pic. Les
plus hautes montagnes du pays de Galles ont des rochers
extrêmement droits & fort nuds., on voit les copeaux de
ces rochers’ ( fl on peut fe fervir de ce nom ) en gros
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monceaux à leurs pieds ; ce font les gelées & les eaux qui
leslëparent& les entraînent ; ainfi ce ne font pas feulement
les montagnes de fable & de terre que les pluies rabaiffent,
mais, comme l’on voit, elles attaquent les rochers les plus
durs, & en entraînent les fragmens jufque dans les vallées.
Il arriva dans la vallée de Nant-phrancon en 1685, qu’une
partie d’un gros rocher qui ne.portoit que fur une bafe
étroite, ayant été minée par les eaux, tomba & fe rompit
en plufleurs morceaux avec plus d’un millier d’autres pierres
, dont la plus groffe fit en defeendant une tranchée
confidérable jufque dans la plaine, où elle continua à cheminer
dans une petite prairie, & traverfa une petite rivière
de l’autre côté de laquelle elle s’arrêta. C ’efi à de pareils
accidens qu’on doit attribuer l’origine de toutes les groffes
pierres que l’on trouve ordinairement çà & là dans les
vallées voifines des montagnes. On doit fe fouvenir, à
l’occafion de cette obfervation, de ce que nous avons dit
dans l’article précédent, fçavoir, que ces rochers & ces
groffes pierres difperfées font bien plus communes dans
les pays dont les montagnes font de fable & de grès, que
dans ceux où elles font de marbre & de glaife, parce que
le fable qui fert de bafe au rocher, eft un fondement moins
folide que la glaife.
Pour donner une idée de la quantité de terre que les
pluies détachent des montagnes & qu’elles entraînent dans
les vallées, nous pouvons citer un fait rapporté par le D octeur
Plot: il dit dans fon Hiftoire Naturelle de Stafford,
qu’on a trouvé dans la terre,à i8pieds de profondeur,un
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