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Examinons donc ce que nous pouvons fçavoir de fciencc
évidente ou certaine, après quoi nous verrons ce que
nous ne pouvons connoître que par conjecture, & enfin
ce que nous devons ignorer.
Nous fçavons ou nous pouvons fçavoir de fcience
évidente toutes les propriétés ou plûtôt tous les rapports
des nombres, des lignes, des lurfaces 6c de toutes les
autres quantités abftraites ; nous pourrons les fçavoir d’une
manière plus complète a. mefure que nous nous exercerons
à refondre de nouvelles quellions, 6c d une maniéré
plus fûre à mefure que nous rechercherons les caufes des
difficultés. Comme nous fommes les créateurs de cette
fcience, 6c qu’elle ne comprend abfolument rien que ce
que nous avons nous-mêmes imagine , il ne peuUy avoir
ni obfcurités ni paradoxes qui foient réels ou impoffibles,
& on en trouvera toûjours la folution en examinant avec
foin les principes fuppofoz 6c en fuivant toutes les« de-
marches qu’on a faites pour y arriver ; comme les com-
binaifons de ces principes-6c des façons de les employer
font innombrables, il y a dans les Mathématiques un champ
d’une immenfe étendue de connoiffances acquifes 6c a
acquérir, que nous ferons toûjours les maîtres de cultiver
quand nous voudrons, 6c dans lequèl nous recueillerons
toûjours la même abondance de vérités. >
Mais ces vérités auraient été perpétuellement de pure
fpéculation, de fimple curiofité 6c d entière inutilité, fi
on n’avoit pas trouvé les moyens de les affocier aux
vérités phyfiques ; avant que de confidérer les avantages
^ de cette
de cette union, voy&ns ce que nous pouvons efpérer de
fçavoir en ce genre.
Les phénomènes qui s’offrent tous les jours à nos yeux,
qui fe fuccèdent 6c fe répètent fans interruption 6c dans
tous les cas, font le fondement de nos connoifïances
phyfiques. Il fuffit qu’une chofo arrive toûjours de la
meme façon.pour qu’elle fàffe une certitude ou une vérité
pour nous, tous les faits, de la Nature que nous avons
obfervez, ou que nous pourrons obferver, font autant de
vérités, ainfi nous pouvons en augmenter le nombre autant
qu il nous plaira, en multipliant nos obfervations; notre
fcience n’eft ici bornée que par les limites de l’Univers.
Mais lorfqu apres avoir bien conflate les faits par des
obfervations réitérées, lorfqu’après avoir établi de nouvelles
vérités par des expériences exades , nous voulons-
chercher les raifons, de ces mêmes faits, les caufes d e
ces effets, nous nous trouvons arrêtez tout-à-coup, réduits
a tacher de déduire les effets, dJeffets plus généraux,,
6c obligez d’avouer que les caufes nous font 6c nous'feront
perpétuellement inconnues, parce que nos fens étant eux-
memes les effets de caufes que nous ne connoifïons-
point, ils ne peuvent nous donner des. idéesyue des effets„
& jamais des caufes ; il faudra donc nous réduire à appeller
caufe un effet general, 6c renoncer à fçavoir au delà.
Ces effets généraux font pour nous les vraies loix de h
Nature; tous les phénomènes que nous reeonnoîtrons
tenir à ces loix & en dépendre, feront autant de faits
expliquez, autant de vérités, comprifes ;. ceux que nous.
ne pourrons y rapporter, feront de. fimples-faits qu’il,faut.
lome I. j-j