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plus grande partie, comme les fables & les glaifes,font
des matières vitrifiées ou vitrifiables, & lorfque d ’un autre
côté on réfléchira fur l’impoffibilité qu’il* y a que la terre
ait jamais pû fe trouver dans un état de fluidité produite
par les eaux, puifqu’il y a infiniment plus de terre que
d ’eau, & que d’ailleurs l’eau n’a pas la puiflance dé dif-
foudre les fables-, les pierres & les autres matières dont
la terre éft cornpofée.
Je vois donc que la terre n’a pû prendre fa figure que
dans le temps où elle a été liquéfiée par le feu, & en fuivant
notre hypothèfè je conçois qu’au fortir du 'foleil la terre
n’avoit d’autre forme que celle d’un torrent de matières
fondues & de vapeurs enflammées , que ce torrent fè
raflemblapar l’attraéiion mutuelle des parties , & devint un
globe auquel le mouvement dé rotation donna la figure
d’un fphéroïde, & lorfque la terre fut refroidie les vapeurs
qui s’étoient d ’abord étendues, comme nous voyons
s’étendre les -queues des comètes, fe condensèrent peu;
à peu , tombèrent en eau fur fa fiirfàce du globe , &
déposèrent en même temps un limon mêlé de matières
fulphureufes & fàlincs, dont une partie s’efl gliffée parle
mouvement des eaux dans les fentes perpendiculaires ou
elle :a produit Jés métaux & les minéraux, St le relie eft
demeuré1 à la furfacc de la terre & a produit cette terre
rougeâtre qui forme la première couche de là terre &
qui ; fuivant les différens lieux, éft plus ôti moins mêlée dé
particules animales ou végétales réduites en petites molécules
dans lefqüeifesTorganifàition n’eft plus-icnfiblc. » -
Ainfi dans le premier état de la terre le globe étoit,
à l’intérieur, compofé d’une matière vitrifiée, comme je
crois qu’il i’eft encore aujourd’hui; au deffus de cette
matière vitrifiée fe-font trouvées les parties que lefcu aura
‘le plus divifées, comme les fables, qui ne font que des
ffagmens de verre ; 8c au deffus de ces fables les parties
les plus légères, les pierres ponces, les écumes & les
féories de la matière vitrifiée ont fumage & ont forme
les glaifes & les argilles : le tout étoit recouvert d’une
couche d’eau * de 5 ou 600 pieds d’épaiflèur, qui fut
produite par la condenfation des vapeurs lorfque le globe
commença àfe refroidir; cette eau dépofa par tout une
couche limonneufe mêlée'de toutes les matières qui peuvent
fe fublimer & s’exhaler par la violence du feu , &
l’air fut formé des vapeurs les plus fubtiies qui fe dégagèrent
des eaux par leur légèreté, 8t les furmonterent.
Tel étoit l’état du globe lorfque l’aélion du flux & reflux,
celle dés vents & de la chaleur du foleil commencèrent
à altérer la furface de la terre. Le mouvement
diurne & celui du flux & reflux élevèrent d’abord les eaux
ious les climats méridionaux, ces eaux entraînèrent 6c
* Cette opinion, que la terre a été' entièrement couverte d’eau, eft
celle de quelques Philofophes anciens, & même de la ptôpart des Pères
de l’E'giife : In mirndiprimordio aqua in oinnem terramjlagnabat, dit Saint
Jean Damafcène, liv. 2. chap. 9. Terra erat invifibUis,, quiaexundabet
aqua i f operiebat tenant, dit Saint Ambroilè, liv. i . Hexam. çhap. 3 .
Subnerfa tellus ciim ejfet, faciem ejus inondante aquü, non erat adjpeflar
mis, dit Saint Bafde, Homélie 2. Voyez auffi Saint Auguftin, liv. 1
de la GenèTe, chap. 12.